Pour un nouveau plan national « mille piscines » par Florent Manaudou, Alain Bernard
« La situation des piscines publiques en France est préoccupante » déclarent Florent Manaudou et Alain Bernard dans une tribune publiée dans le Parisien. Selon les champions olympiques Alors que les bassins olympiques de Paris 2024 trouvent une seconde vie, la France ne peut pas se contenter de quelques réemplois symboliques : il est temps d’initier un nouveau plan national « Mille Piscines ».
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POUR UN NOUVEAU PLAN NATIONAL « MILLE PISCINES »
Paris 2024 laissera un Héritage matériel durable avec le réemploi des bassins temporaires des Jeux en Seine-Saint-Denis. Toutefois les JOP pourraient aussi être l’occasion de lancer un plan plus vaste de renouvellement du parc des piscines françaises pour promouvoir un meilleur mode de vie fondé sur l’activité physique et sportive et l’apprentissage de la natation.
En effet,la situation des piscines publiques en France est préoccupante :
En 2025, les piscines françaises ont une moyenne d’âge de 40 ans et 40 % des centres aquatiques ont été construits avant 1975.
Ce sont des bassins vieillissants nécessitant d’être rénovés. Les piscines sont devenues des passoires énergétiques et les coûts de fonctionnement de ces équipements sont aggravés par l’explosion des prix de l’énergie.
La Cour des comptes a confirmé dès 2018 que notre modèle de piscines en France était obsolète. La carte de France de l’illettrisme et celle des piscines se superposent : il s’agit de la même carte des risques. Il est avéré aujourd’hui que, dans les zones urbaines sensibles, un enfant sur deux entrant en 6e ne sait pas nager.
Une enquête du Snep-FSU (syndicat des professeurs d’EPS) de juin 2025 démontre que près de 15 % des établissements scolaires n’ont pas accès à une piscine, ce qui représente 500 000 élèves, alors même qu’apprendre à nager à tous les élèves est une priorité nationale, inscrite dans le socle commun de connaissances et de compétences du ministère de l’Éducation nationale. Un collège ou lycée sur sept n’a pas accès à une piscine, notamment ceux situés en zone rurale et dans les banlieues défavorisées.
De plus en plus de communes sont contraintes de réduire les heures d’ouverture voire de fermer leurs piscines municipales ce qui aggrave le retard de la France en matière d’apprentissage de la natation et obère la mission de service public.
Dans le même temps, le changement climatique et la multiplication des épisodes de canicule entraînent une augmentation de la fréquentation des piscines l’été, a fortiori pour les familles peu aisées qui n’ont pas les moyens de partir en vacances. Les piscines occupent aussi une fonction sociale.
On observe une recrudescence des noyades depuis plusieurs années. Les dernières données publiées par Santé publique France le 22 mai 2025 soulignent une hausse préoccupante des noyades de 41 % pour la période du 16 juillet au 15 août 2024 par rapport à la même période en 2023, en lien probable avec des épisodes répétés de fortes chaleurs, rendant la baignade très attractive. Les enfants de moins de 6 ans représentent 29 % des noyades.
Il est accablant de constater en 2025, au lendemain des excellents résultats de la natation française aux JOP de Paris 2024, que la situation des piscines en France est la même que dans les années 1970, à l’aube du plan « Mille Piscines ».
Le plan « Mille Piscines » des années 1970 (VIe Plan quinquennal, 1971-1975) visait à diffuser la pratique de la natation sur l’ensemble du territoire afin que les scolaires en bénéficient en priorité. Cette époque a vu fleurir les piscines dites Tournesol, Caneton, Iris et Plein Ciel.
S’il n’est sans doute plus envisageable d’envisager un plan mille piscines comme avant les lois de décentralisation de 1981, il est néanmoins possible en 2025 d’impulser un nouvel élan.
Si les collectivités semblent prêtes à investir et à réfléchir à de nouveaux modèles, elles ne peuvent le faire seules, sans soutien financier. Une aide financière ciblée de l’État permettrait aux collectivités (Régions, Départements, intercommunalités, communes) d’engager des travaux importants de rénovation et de restructuration des équipements structurants, qui sont à disposition des écoles, des associations et du public.
Il ne s’agit pas de financer des équipements de grand luxe ou dispendieux, mais de construire le juste besoin répondant aux attentes des territoires carencés. À l’instar des piscines Tournesol ou Caneton de l’époque, il existe aujourd’hui des nouveaux modèles, sobres en énergie et tournés vers l’apprentissage de la natation. Des modèles innovants qui permettent de diminuer les coûts d’investissement et d’exploitation de manière importante.
Les JOP ont dégagé 75 millions d’euros d’excédents. Une partie de cette somme pourrait être affectée à la lutte contre les noyades et à l’apprentissage de la natation. Ce serait un des plus beaux héritages des JOP. Les champions de demain apprennent à nager dans nos bassins.
Florent Manaudou, Alain Bernard