Apprendre à nager à l’école en milieu rural : et si la solution passait par la construction de bassins dans les cités scolaires ? par Julien Pellicer

Dans les territoires ruraux, l’accès à l’apprentissage de la natation reste une inégalité criante. Le Gers, département particulièrement concerné par ce déficit, pourrait bien avoir trouvé une solution innovante et durable : intégrer des bassins d’apprentissage en dur directement dans les cités scolaires.

Une idée qui vient du terrain

L’idée est née dans un territoire hyper rural, celui de la communauté de communes Astarac Arros à Villecomtal-sur-Arros. Installée dans une ancienne maison de particulier, cette collectivité a hérité d’une piscine privée de 12 m sur 7 m, chauffée et couverte. Plutôt que de la condamner, elle a décidé de la mettre à disposition des écoles locales et du collège de proximité. Résultat : tous les élèves du secteur ont pu bénéficier de l’enseignement de la natation et validés l’ASNS, compétence pourtant obligatoire, mais trop souvent inaccessible dans les zones rurales.

Car le constat est préoccupant : le Gers est l’un des départements les plus carencés en piscines couvertes. La fermeture progressive des piscines municipales des années 60, sans possibilité financière de reconstruction pour les collectivités, aggrave la situation. Conséquence directe : l’ASNS (Attestation Scolaire du Savoir Nager) affiche l’un des taux les plus bas de l’académie.

Une solution raisonnable

Face aux coûts très importants d’éventuelles locations de bassins mobiles (plus de 60 000 € la saison), une alternative crédible émerge : la construction de petits bassins d’apprentissage « en dur » aux normes ARS, dans les établissements scolaires . Un modèle de bassin chauffé avec une PAC, couvert d’un abri mobile, d’environ 100 m², est estimé à 250 000 € HT pour une durée de vie minimale de 15 ans. Les frais de fonctionnement sont relativement modestes (environ 800 € HT par mois sur deux périodes annuelles : avril-juillet et septembre-novembre).

Une compétence scolaire qui malheureusement se privatise et s’externalise

 C’est une véritable double peine : les familles doivent financer des cours de natation pour que leurs enfants apprennent à nager, alors même qu’il s’agit d’une compétence inscrite au programme scolaire. Ce sont malheureusement les foyers les plus modestes qui en subissent le plus lourdement les conséquences.  

Moins de surface, mais plus de temps d’apprentissage

Dans le département du Gers, l’apprentissage de la natation en milieu scolaire se heurte à une contrainte majeure : le manque de disponibilité des piscines municipales. En effet, celles-ci sont pour la plupart estivales et n’ouvrent leurs portes aux élèves qu’au mois de juin. Cette période d’accès limitée compromet la mise en œuvre d’un cycle d’apprentissage complet, pourtant essentiel pour garantir le savoir nager à tous les enfants. Face à cette problématique, de nombreux parents se voient contraints d’inscrire leurs enfants à des cours privés pour pallier les lacunes du système scolaire. La construction de petits bassins couverts et chauffés d’environ 100 m² paraît une alternative judicieuse. Bien que leur surface soit réduite, ces bassins présentent un atout majeur : leur disponibilité prolongée. En étant ouverts cinq mois par an — en avril, mai, juin, septembre et octobre — ils décuplent l’accessibilité pour les établissements scolaires. Grâce à des aménagements pédagogiques adaptés, il est tout à fait possible de respecter la norme de 5 m² par élève, même dans un espace plus restreint.

Ces bassins ne sont pas pensés comme des lieux de loisir, mais bien comme des outils d’apprentissage réservés aux scolaires et aux centres de loisirs. Le grand public n’est pas concerné, d’autant plus que de nombreuses familles possèdent désormais leur propre piscine privée. Cette solution innovante permet donc de recentrer les efforts sur l’acquisition d’un savoir fondamental : nager en toute sécurité.

Mieux que rien. Avantages et inconvénients pédagogiques

Pédagogiquement, ce type de bassin – bien qu’inférieur en taille à un bassin de 25 m – représente une opportunité précieuse, surtout dans un contexte où l’alternative est souvent… l’absence totale d’apprentissage. Il faudrait cependant un bassin de population scolaire d’au moins 1 000 élèves pour garantir la viabilité du projet. Ce schéma est justement observable dans le Gers, où les cités scolaires (lycées + collèges) sont généralement entourées d’un réseau d’écoles primaires atteignant ou dépassant ce seuil.

Autre avantage : beaucoup d’EPLE en milieu rural disposent de terrains disponibles à proximité de leur gymnase, permettant une mutualisation des infrastructures (vestiaires, accès), ce qui allège les coûts. Du côté de la surveillance, si le bassin mesure moins de 100 m² et ne dépasse pas 1,20 m de profondeur, un professeur d’EPS peut encadrer seul les séances, sans maître-nageur.

Enfin, la sécurité passive est assurée grâce à une clôture grillagée et un abri sécurisé, conforme aux normes en vigueur.

Qui s’occupe de l’entretien des petits bassins d’apprentissage ?

L’entretien des bassins d’apprentissage est une question légitime et cruciale pour garantir leur bon fonctionnement et leur sécurité. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces structures ne nécessitent pas un personnel spécialisé extérieur. En effet, les personnels ATTE (adjoints techniques territoriaux des établissements d’enseignement) des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) peuvent tout à fait assurer l’entretien quotidien, à condition de bénéficier d’une formation adaptée.

Grâce aux avancées technologiques et à l’automatisation des systèmes de traitement de l’eau, l’entretien de ces petits bassins est aujourd’hui largement simplifié. Selon les professionnels du secteur, une heure de travail quotidien suffit pour veiller à la qualité de l’eau, au bon fonctionnement des équipements, et à l’hygiène générale de l’installation.

Cette solution permet non seulement une gestion locale et autonome des infrastructures, mais aussi une réduction significative des coûts d’exploitation. En formant les personnels à ces nouvelles responsabilités, les établissements scolaires peuvent intégrer durablement ces bassins dans leur organisation, tout en garantissant un environnement d’apprentissage sain et sécurisé pour les élèves.

Qui finance ces bassins d’apprentissage ? Une responsabilité partagée entre collectivités

Depuis les lois de décentralisation, la charge du financement des équipements sportifs nécessaires à l’enseignement de l’EPS (Éducation Physique et Sportive) incombe aux collectivités territoriales. Il leur revient d’assurer l’existence ou l’accès à ces infrastructures afin de permettre la mise en œuvre des programmes scolaires obligatoires.

Dans le cadre d’une cité scolaire, ce sont donc le département (pour les collèges) et la région (pour les lycées) qui ont la responsabilité de financer à la fois l’investissement initial et les coûts de fonctionnement des bassins d’apprentissage. Leur implication est essentielle pour garantir un accès pérenne à un enseignement de la natation de qualité.

Par ailleurs, dans les cas où des écoles primaires utiliseraient ces installations, les municipalités pourraient également être amenées à contribuer financièrement. En effet, la compétence en matière d’équipements pour le primaire relève des communes, ce qui justifie leur participation potentielle à ce type de projet.

Un autre avantage non négligeable : ces bassins étant intégrés directement dans les établissements scolaires, ils permettent de réaliser d’importantes économies sur les coûts de transport. Les déplacements vers des piscines extérieures, souvent chronophages et coûteux, sont ainsi évités, ce qui optimise le temps d’apprentissage tout en allégeant le budget des collectivités.

Cette approche de financement croisé, cohérente avec l’organisation territoriale de l’Éducation nationale, permettrait d’assurer une couverture plus large et plus équitable des besoins en infrastructures aquatiques adaptées à l’apprentissage.

Ce modèle de bassin d’apprentissage dans les cités scolaires pourrait bien représenter une solution concrète, économique et équitable pour lutter contre les inégalités d’accès à la natation en milieu rural.


Julien Pellicer Directeur départemental UNSS Conseiller technique UNSS Secrétaire général du CDOS du Gers et président de la commission des équipements sportifs.

Lien vers le site de la CC de Astarac Arros en Gascogne

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