Le « décret BNSSA » va-t-il finir de faire couler la filière sportive des collectivités territoriales ?

Créée en 1992, la filière sportive des collectivités territoriales avait pour objectif de doter les collectivités territoriales de cadres d’emplois spécifiques pour développer des politiques publiques sportives. 3 cadres d’emplois, C : opérateur des APS, B éducateurs des APS, A conseiller les APS.
La vision qui prédominait était, grâce à ces agents, la mise en œuvre d’un service public territorial des APS positionné entre le service public de l’EPS et le service public « du sport ». Le service public territorial des APS dont le périmètre porte sur la construction et l’exploitation des équipements, l’encadrement des APS, l’accueil et l’organisation des évènements sportifs , le soutien au mouvement sportif, …

3 services publics dédiés aux activités physiques et sportives

La vision était bien celle de permettre aux communes principalement de construire un service public des APS entre le service public de l’EPS et le service public des compétitions sportives. Ce temps entre celui de l’école et celui du club devait permettre aux enfants de découvrir différentes activités physiques et sportives sous la forme de cycles avant de choisir une discipline et de la pratiquer en club. « le zapping » expression utilisée fréquemment à l’époque pour décrire cette propension des enfants à passer d’une activité à l’autre  était géré par les communes

ActeurService publicFinalités
Education nationaleEPSL’éducation physique et sportive a pour finalité de former un citoyen lucide, autonome, physiquement et socialement éduqué, dans le souci du vivre-ensemble. (source programme)
Collectivités territorialesAPSSpécifique à chaque collectivités mais le plus souvent prend la forme d’école municipale des sports avec la possibilité offerte aux enfants de découvrir et de s’initier aux  APS (en gestion directe, en partenariat avec les clubs multisports)
Fédérations sportives délégatairesCompétitions sportivesOrganisent les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux  (source code du sport)

Un peu plus de 30 ans après sa création, la filière sportive est mal en point.

Le cadre d’emploi des opérateurs n’a jamais vraiment trouvé son positionnement.
Doté d’environ 1800 agents en France, les opérateurs avaient pour fonction des missions polyvalentes principalement exercées sur les équipements, contrôle et entretien des installations et des équipements, accueil des usagers, surveillance de la sécurité des usagers, gestion du matériel. Statutairement les OTAPS sont chargés « d’assister les responsables de l’organisation des activités physiques et sportives. Ils peuvent en outre être responsables de la sécurité des installations servant à ces activités ». Des agents de proximité au profil polyvalent permettant d’exercer des fonctions sociales. Le nombre d’opérateurs se réduit : près de 4000 au début des années 2000 ils sont aujourd’hui moins de 1800 dont 800 contractuels.

Le cadre d’emploi des conseillers des APS : une impasse
Si il permet toujours d’accéder à des fonctions de directeur des sports en revanche il ne permet pas de poursuivre une carrière dans la fonction publique, sauf via un détachement et une intégration dans la filière administrative. Les directeurs des sports des grandes villes, CTAPS désertent la filière sportive. Près de 1300 au début des années 2000, ils sont aujourd’hui moins de 750.

Le cadre d’emploi des éducateurs des APS reste stable (environ 15000 agents).

C’est ce cadre d’emploi qui permet de recruter les MNS. Mais aujourd’hui ce cadre d’emploi est menacé pour 2 raisons :

  • le nombre d’ETAPS MNS est rare (mais très demandé) en raison d’un concours d’ETAPS peu fourni en postes et d’une pénurie de MNS. Recruter un MNS via le concours externe est de plus en plus compliqué
  • le décret BNSSA permet désormais de recruter des agents pour surveiller les piscines sans nécessité de disposer d’un MNS comme supérieur hiérarchique;

Vers une externalisation de l’enseignement de la natation ?

Dans ce contexte, les collectivités ne vont-elles pas préférer recruter des titulaires du BNSSA pour assurer la surveillance des piscines et baignades ? Qui assurera alors l’enseignement de la natation et notamment en milieu scolaire. Les MNS, si il en reste … Les clubs assurément. Il ne restera plus qu’à convaincre l’institution scolaire d’ouvrir la porte aux clubs. Cela ne devrait pas être difficile. Il s’agit juste d’appliquer le dispositif une école un club.

Des politiques sportives trop timides liées à l’absence de compétences ?

La filière sportive a donc été créée pour accompagner les politiques sportives des collectivités. Paradoxe, cette filière repose sur des compétences qui n’ont jamais été définies pour les collectivités censées les mettre en oeuvre Par absence d’obligation d’intervenir dans le sport faute de répartition de compétences entre les collectivités territoriales, par manque de moyens, de volonté,  et malgré quelques expérimentations, les politiques sportives n’ont été que rarement audacieuses  et  ambitieuses dans cette volonté de créer au niveau local un véritable service public des APS.

Un refus systématique du législateur de clarifier les compétences

Le refus systématique du législateur malgré une insistance dans tous les rapports depuis le début des années 90 fait qu’aujourd’hui le sport ne relève que d’une volonté politique. On se rappelera les états généraux du sport en 2022 qui déjà appelaient à la création de chefs de files, idem dans le rapport sur la nouvelle gouvernance du sport.

La création de la filière sportive a anticipé le développement des politiques sportives territoriales qu’elle était censée accompagner, mais jamais les collectivités n’y ont semble -t-il véritablement adhéré, sauf par obligation pour recruter les MNS.

Si ces hypothèses se confirment, que restera-t-il de cette belle promesse que représentait de la filière sportive territoriale ? … et du service public territorial des sports ? un retour à un service public limité aux équipements et aux subventions … c’est pas tout à fait la vision que j’en avais lorsqu’on a créé la filière sportive au début des années 90.

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