Paris 2024 : des jeux ambitieux innovants, inédits donc forcément risqués

Le succès d’une campagne de candidature n’implique pas automatiquement la réussite de l’organisation ? Les défis ne sont ni du même ordre ni de même nature.

Aux yeux du grand public la réussite de Paris 2024 sera normale. L’échec quelle que soit sa nature même partiel sera sujet à toutes les critiques. Telles sont les règles du jeu pour l’organisation d’un grand évènement.

Toute la question est comment anticiper et limiter au maximum les risques.

La promesse de Paris 2024 est immense

« Depuis le début, nous avons la volonté de proposer des Jeux qui marquent les esprits, qui surprennent. » déclarait T Estanguet  https://presse.paris2024.org/actualites/paris-2024-une-experience-revolutionnaire-7763-e0190.html  qui faisait une triple promesse

  • Des Jeux durables et responsables, en ligne avec l’Agenda Olympique 2020 et la nouvelle norme du CIO, avec des sports proposant un nombre d’athlètes limité et ne nécessitant aucune construction pérenne.
  • Des Jeux connectés avec leur époque, qui inspirent de nouveaux publics et attirent la jeune génération, avec des sports qui se partagent sur les réseaux sociaux, qui sont à la fois moyen d’expression et style de vie, et se pratiquent partout au quotidien, en ville comme dans la nature. Les Jeux ont ce défi permanent de se connecter aux nouvelles générations. Si nous voulons développer la pratique sportive des jeunes, il est plus facile de le faire avec des sports qui leur parlent.
  • Des Jeux reflets de l’identité de Paris 2024, autrement dit spectaculaires, créant des ponts avec la culture et qui invitent à l’engagement, accessibles, inclusifs, praticables hors des stades et faisant appel à la créativité.

Comment tenir ces promesses dans un contexte de plus en plus complexes : crise sanitaire, guerre en Ukraine et augmentation des prix, inflation, sécurité, grèves, ..  Mais le COJO malgré toutes incertitudes maintient le cap même si quelques ajustements commencent à se dessiner.

Paris 2024 : une rupture et des innovations à tous les étages.

  • Innovation dans le concept même des jeux : des parcs aux sites

L’organisation des JO répond depuis son origine à la règle des 3 unités chère aux amateurs de théâtre: unité d’action- unité de temps -unité de lieux. Les précédents jeux étaient organisés autour de parcs olympiques qui regroupaient des installations et équipement. passé le contrôle du parc, les spectateurs pouvaient passer d’un équipement à l’autre. En général , les JO étaient organisés autour de 3 ou 4 parcs (hors sites délocalisés pour des raison techniques). A Rio il y avait 4  parcs, à Londres  le parc olympique regroupait les grandes infrastructures sportives.  A Paris les épreuves se dérouleront sur une trentaine de sites différents rompant ainsi avec la concentration géographique des épreuves. Et c’est toute la ville de Paris qui sera parc olympique. Le défi de la complexité – des transport – de la logistique est lancé.

  • Innovation dans la conception des équipements sportifs

C’est le choix de jeux maitrisé avec cette volonté assumée de recourir au maximum à des équipements existants. « En s’appuyant sur des sites existants, Paris 2024 minimise son budget d’investissement et son impact carbone, pour un concept résolument responsable grâce à des Jeux compacts. »  affirme le COJO https://www.paris2024.org/fr/concept-jeux-compacts/  Le recours à des équipements existants non initialement destinés aux jeux permettra t il de réaliser tous les test events en amont des épreuve pour garantir l’organisation. Un autre défi.

  • Innovation dans l’organisation des épreuves avec le recours à des prestataires : fédérations, spécialistes de l’évènementiel, gestionnaires de sites pour « délivrer » l’organisation des épreuves.

Autant de contrats, de conventions, de précisions dans la définitions de prestations attendues, d’évaluations et de contrôles mobilisateurs de compétences bien spécifiques.

  • Innovation dans la sécurité et le contrôle

Avec le déploiement de solutions technologiques reposant sur l’intelligence artificielle, le recours à des algorythmes pour analyser les comportements, les drones pour sécuriser la cérémonie d’ouverture, …

  • Innovation dans la médiatisation de l’évènement  

Orange, seul opérateur choisi par le comité d’organisation, a en charge la totalité de l’équipement technologique de l’événement. Une architecture unifiée, nativement IP, permettra aux utilisateurs et partenaires de bénéficier d’une interface unique. Le réseau permettra d’interconnecter les équipements d’affichage, de sonorisation, de chronométrage et ainsi d’optimiser la diffusion des images TV vers les journalistes 

  • innovation dans la billetterie et sa commercialisation.

Outre une billetterie 100 % dématérialisée, le COJO a prévu un système de tirage au sort face au succès attendu. Des packs sur mesure sont prévus pour assister aux épreuves de son choix mais sont soumis à un tirage au sort. Pourra t on au final assister à l’épreuve de son choix . un défi supplémentaire avec en plus une problématique de transport entre les sites.

  • innovation environnementale :

 énergie 100% renouvelable pendant les Jeux, économie circulaire, alimentation durable, numérique responsable, mobilité propre pour la flotte olympique, transports en commun et moyens de mobilité douce pour les spectateurs, préservation de la biodiversité, gestion de l’eau, en matière d’environnement le COJO se veut exemplaire et a fait la promesse  de 1,5 million de tonnes de CO2 , il s’agit d’émissions « résiduelles » qui ne pourront pas être évitées et qui seront compensées, et même au-delà, pour une contribution positive pour le climat.

  • innovation dans l’expérience spectateurs

Pour la première fois dans toute l’histoire olympique, chacun pourra devenir un acteur des Jeux et plus seulement un spectateur ou téléspectateur« , a ainsi indiqué Tony Estanguet. Comment ? Par les sports connectés et virtuels. Les fans du monde entier auront ainsi l’occasion de partager l’expérience olympique et de se mesurer aux meilleurs athlètes mondiaux. Ils pourront également participer physiquement à certaines épreuves grand public, à l’image du marathon.

En multipliant des ruptures par rapport à l’histoire des jeux, le COJO aura déjà réussi à proposer un mode d’organisation innovant … mais ….

L’innovation n’est pas sans risques. 

Toutes ces ruptures privent les organisateurs des expériences acquises sur d’autres jeux.

Innover à 360° c’est écrire sur une page presque blanche et c’est prendre le risque de la perte des fondamentaux, d’un socle sur lequel on peut s’appuyer : c’est se confronter à une forme d’incertitude liée à la gestion des risques. Si on ne peut supprimer totalement les risques la question est :  comment les réduire pour qu’ils deviennent acceptables ?

  • Le risque financier est anecdotique. Tant qu’on parle en millions dizaines ou centaines de millions pas d’inquiétude on s’inquiétera quand on dépassera le milliard même si politiquement cette position est aujourd’hui intenable. Avec un BT 01 (indice des couts dans le secteur du batiment ) qui augmente de plus de 6% par an et l’explosion du cout des fluides, il était impossible au moment de la candidature d’anticiper une telle évolution.
  • Le risque social lié à une dégradation des relations dans le monde du travail ..
  • le risque climatique. Une canicule pendant les jeux serait elle un accelérateur de prise de conscience internationale ?
  • Le risque sécurité est le plus sensible et c’est d’ailleurs le principal risque tant les facteurs à prendre en compte sont nombreux.  
  • Le risque sportifs (nombre de médailles) fait partie du jeux mais au final ce n’est pas celui qu’on retiendra.
  • Le risque sociétal lié à un désintérêt pour l’évènement ? Situés entre 2 transhumances estivales (26/07 -11/08) qui vont éloigner les Français de leur poste de télé, les jeux devront reconstruire un lien qui touche les vacanciers sur leurs lieux de villégiature, à moins que les jeux ne deviennent une destination de vacances ?

Nous avons la conviction que ces risques sont anticipés et assumés.

Quid du risque d’un héritage raté ?  Ce n’est pas au COJO de l’assumer.

Un risque de confusion est né parmi les instances dirigeantes du sport français. Ce n’est pas nouveau et la question du qui fait quoi, du qui assume quoi reviendra inéluctablement sur la table à l’heure des bilans.

Depuis le début de la candidature l’héritage des JO est mis en avant par les organisateurs. J’ai toujours affirmé que c’était à l’ANS avec tous les acteurs sportifs traditionnels de porter l’héritage car ce sont eux qui figurent parmi les principaux héritiers, et non le COJO.

L’héritage que doit porter le COJO c’est l’héritage matériel :  l’empreinte environnementale et le devenir des équipements. En ayant recours à 85 % à des équipements existants le COJO a su limiter le risque 

Par contre l’héritage immatériel en termes de gouvernance, de développement des pratiques était aussi la promesse des jeux. Force est de constater qu’aujourd’hui tous les voyants sont au rouge mais ce n’est pas au COJO de l’assumer le risque de l’héritage immatériel.

Pour un héritage possible, des jeux réussis c’est une condition indispensable mais pas suffisante.

Entre le légataire et les héritiers, le leg n’est pas encore certain. Le temps presse pourtant. Le COJO est destiné à disparaitre, aux institutions inscrites dans la continuité de reprendre le flambeau !

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