Amélie Oudéa-Castéra « Vous verrez, cette décennie va être celle de la montée en puissance du sport au cœur de notre société, et 2024 une année charnière »

Amélie Oudéa-Castéra a été nommée ministre des sports et des JOP il y 6 mois jour pour jour (Décret du 20 mai 2022 relatif à la composition du Gouvernement) . Elle était prête pour la fonction, on l’avait écrit le jour de sa nomination ! En 6 mois jamais le nombre de dossiers sensibles à traiter n’a été aussi nombreux pour un / une ministre des sports dans un temps aussi court , nous avons voulu recueillir ses impressions aprés 6 mois de présence permanente sous le feu de l’actualité.

Vous êtes ministre des sports et des JOP depuis 6 mois. Vous attendiez-vous à une mission aussi difficile ?

Je m’attendais à quelque chose de forcément intense et exigeant sur les Jeux, avec un projet multi-dimensionnel et la nécessité de bâtir une relation aussi constructive que possible avec chacune des grandes parties prenantes. Et, pour y avoir travaillé depuis des années en profondeur, je savais l’ampleur de défis à relever sur nos politiques publiques sportives, de l’impératif de mieux impacter la jeunesse et la santé à celui de développer l’inclusion et l’emploi sportif, en passant par le challenge écologique, le suivi socio-professionnel des sportifs de haut niveau ou la nécessité de lutter contre toutes les formes de violences, pour ne citer que quelques priorités. 

Ce que je n’avais pas anticipé, c’est la place que prendrait, entre les Jeux et ces priorités, la gestion des crises et les réponses, y compris médiatiques, à apporter aux polémiques. Comme je ne veux rien lâcher pour autant sur le projet, les semaines sont bien remplies ! Il m’a fallu m’adapter à ce régime, mais je me dis que ce contexte donne plus de relief encore aux valeurs que je veux porter pour le sport français, des valeurs tournées vers la force du collectif, le respect des personnes, l’éthique et l’intégrité.

Pendant ces premiers 6 mois vous avez du gérer des dossiers sensibles complexes et ils sont trés nombreux, sans tous les nommer bien sur on peut citer, les JO avec les risques de dérapages financiers, la sécurité des évènements, la crise de gouvernance au GIP 2023, celle dans certaines fédérations, la coupe du monde qui débute au Qatar, la gouvernance sur les territoires qui patine, … comment expliquer qu’à moins de 2 ans des jeux, le sport français soit dans une telle situation ? Est ce une crise de croissance ? Est ce conjoncturel ?

Oui les challenges sont nombreux et il y a plusieurs crises, notamment de gouvernance, à gérer. Mais je ne partage pas ce tableau que je trouve trop négatif de la situation. 

Sur les Jeux, il n’y aura pas de « dérapages financiers » mais la nécessité de faire des arbitrages, lucides et courageux, face aux vents contraires de l’inflation notamment.

Sur la sécurité, nous avons tiré les leçons du Stade de France ; avec le Ministère de l’Intérieur, nous en sortons plus forts, plus vigilants, plus alignés et cela se verra dans tous les prochains grands événements à venir en 2023/2024. 

La crise du GIP 2023 est maintenant derrière nous et, pour difficile qu’elle ait été, nous l’avons gérée sans nous diviser. 

Quant à la vie des Fédérations, elle n’a jamais été un long fleuve tranquille, ne l’oublions pas ! Alors nous prenons les problèmes avec méthode, énergiquement, avec la volonté d’être justes, de prendre les bonnes décisions dans le bon timing, en gardant le bon équilibre entre la nécessaire autorité de l’Etat et le respect de l’autonomie du mouvement sportif. 

Pour ce qui est de la Coupe du monde, elle fait certes l’objet de polémiques et parfois de regrettables instrumentalisations politiciennes, mais avec le coup d’envoi de cet après-midi le sport va pouvoir reprendre ses droits. Et là aussi, j’ai confiance dans le fait qu’elle entraînera à l’avenir des progrès dans les critères d’attribution des grands événements sportifs ; c’est une nécessité et, à cet égard, je suis heureuse que la France ait mis la responsabilité sociétale au coeur de son modèle, tant pour les Jeux que pour la Coupe du monde de rugby. 

Enfin, s’agissant de la gouvernance du sport dans les territoires, il est vrai que sa mise en place doit s’accélérer. Mais nous avons maintenant un calendrier et j’ai le sentiment que nous avons purgé beaucoup de débats ; il faut simplement que les acteurs développent l’appétit d’entreprendre ensemble ce que, seuls, ils ne pourraient pas réussir. Je vais continuer à sillonner le terrain pour les y aider. 

Bref, pour moi, le sport français ne se porte pas mal à dix-huit mois des Jeux : au contraire, par certains aspects, nous sommes plutôt en bonne, voire en très bonne position ! Nous avançons sur tous les grands chantiers du programme que nous nous sommes fixé, avec un engagement que je salue de tous les acteurs de notre écosystème sport. Et sans plus d’ambiguïtés ou de faux semblants sur le « qui fait quoi » qui perturbait, voire paralysait toutes les discussions il y a encore quelques mois. Je me réjouis aussi que beaucoup de fédérations aient retrouvé leur niveau de licenciés d’avant crise, voire les ont dépassés, signe de la résilience de notre modèle fédéral et de l’efficacité aussi des interventions de l’Etat à leurs côtés. Et sur la haute performance, plusieurs disciplines sont dans une excellente dynamique – escrime, cyclisme, natation, rugby par exemple, y compris sur le volet paralympique ; de nouvelles étoiles émergent – Léon Marchand, Victor Wembanyama – ou déverrouillent le potentiel qu’on leur connaissait – Caroline Garcia, Mathilde Gros, par exemple.

Qu’est ce qui vous rend optimiste pour l’avenir ?

Les Jeux vont nous permettre de mettre le sport, chaque mois passant, au cœur des attentions. Il va bientôt faire vibrer les Français, faire rêver nos enfants. Cette expérience des Jeux d’été à domicile sera unique, inédite pour nous tous ; elle nous oblige à donner chacun le meilleur de nous-mêmes dans la préparation, jour après jour. Ce sens des responsabilités est essentiel. Dans mon rôle, il m’anime au quotidien, à chaque heure qui passe. 

Amélie Oudéa-Castéra

Et structurellement, ce qui me rend optimiste, c’est qu’un nombre croissant de personnes réalisent que le sport est une valeur d’avenir, que c’est – en soi – du développement durable ; cette conviction, le chef de l’Etat la porte depuis longtemps, et je la vois monter au coeur du Gouvernement, dans la vision qu’en ont maintenant mes collègues ministres, côté Travail, côté Santé, côté Éducation, côté Transition écologique pour ne citer que quelques exemples. Il se passe vraiment quelque chose, la Première Ministre est elle-même très attentive à nos avancées ; elle présidera le prochain CIJOP et ouvrira le Grenelle des métiers du sport que nous planifions pour le printemps prochain.

Vous savez, en 6 mois, j’ai rencontré beaucoup des forces vives de notre sport. Je sens leur envie, l’importance de ce qu’ils portent, de ce pour quoi ils se battent au quotidien, parfois depuis des années. Ces efforts vont payer. Vous verrez, cette décennie va être celle de la montée en puissance du sport au cœur de notre société, et 2024 une année charnière. On en a tous besoin. A travers les générations, les territoires. Il y a peu d’activités humaines qui cochent autant de cases positives.

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