Voici la fin du confinement et la fin de notre « retour sur la gouvernance du sport ». Episode 1 lancement du chantier gouvernance, Episode 2 une vision prometteuse, Episode 3 le processus de décision, Episode 4 (première partie ) Une mise en œuvre chaotique : le cadre législatif et réglementaire. Episode 4 (seconde partie) Une mise en œuvre chaotique mais une lueur d’espoir Dernier épisode première partie Quel sport en 2030 ? les tendances lourdes. Voici la seconde partie de notre vision du sport en 2030.
2 scénarios d’avenir
Les acteurs sont face à des choix qui pèseront durablement sur le modèle sportif dans les 15 prochaines années. Les scénarios de long terme sont eux-mêmes conditionnés par l’intensité de la crise actuelle et la durée de la première pèriode jusqu’à la découverte d’un médicament ou d’un vaccin. L’organisation du sport conservera longtemps les effets produits par la période pré- vaccin.
C’est la capacité des acteurs à s’organiser pendant cette période cruciale qui déterminera les scénarios de sortie de crise.
Le scénario de l’implosion – explosion
Chaque acteur a joué sa propre partition. Le ministère des sports a bien tenté de rassembler les acteurs autour de la gestion de la sortie du confinement avec la rédaction de guides pratiques mais rien de durable. Si le rôle de l’Etat a bien été identifié sur les problématiques de sécurité et d’éthique en revanche impossible ensuite de peser sur la sortie de crise.
Le mouvement sportif a implosé avec des fédérations affinitaires qui ont soutenu la FSGT dans le conflit qui l’opposait au CNOSF et ont décidé de créer leur propre mouvement en mettant en avant le sport santé et en revendiquant une mission sociale et éducative. Elles traitent en direct avec l’agence nationale du sport pour les subventions et pour certaines fusionnent pour être plus puissantes et constituer de véritables interlocuteurs pour les élus locaux qui privilégient le sport santé, l’inclusion sociale. Les assurances et mutuelles soutiennent cet élan des fédérations affinitaires.
La crise qu’a connue le sport professionnel pendant le confinement a laissé des traces. Chacun a joué sa rationalité personnelle, les recours ont été nombreux. Les collectivités incapables d’apporter une réponse collective partagée au niveau national ont été sous la pression des clubs soit pour augmenter les subventions et prestations de services soit pour supprimer les loyers. Passé la crise, le sport pro en particulier le foot est reparti de plus belle vers un système toujours plus inflationniste sur les salaires Les organisateurs d’événements ont négocié pendant la crise au cas par cas le report de dates ou des conditions particulières d’organisation. Résultat les évènements sont concurrents entre eux. C’est une course effrénée à la chasse au spectateur qui a été lancée depuis la sortie de crise sans compter des calendriers totalement anarchiques. C’est aussi une concurrence exacerbée pour la recherche de partenaires dont les moyens financiers depuis la crise ont été revus à la baisse. Le fossé s’est creusé entre Sport pro et sport de base vivent chacun leur vie de leur côté. La zone de chalandise du sport pro est internationale (Européenne). Le nombre de professionnels a beaucoup diminué. Leur rémunération tient autant compte de leur capacité à fédérer des communautés de spectateurs qu’à leur valeur sportive.
Paris 2024 a continué sur sa lancée avec ses challenges pour animer le label terres de jeux. De son coté le mouvement sportif s’accroche à son programme « sentez vous sport » à chaque rentrée. Le gouvernement a relancé la fête du sport et la journée olympique. Mais « en même temps « la semaine olympique est maintenue à une autre date. Personne n’y comprend rien et aucun message ne passe auprés de la population et des clubs. Sur le terrain les acteurs sont livrés à eux mêmes et multiplient les dossiers pour sauver les meubles. Les mois de confinement ont laissé des traces. Les bénévoles seniors condamnés à l’inaction n’ont pas repris leurs fonctions. Pour y suppléer les dirigeants ont recruté des salariés précipitant le recours à des produits sportifs solvables (subventionnables ou destinés à des publics solvables. Le club devient le refuge pour la pratique organisée. La réponse fédérale pour les pratiques non compétitives non solvables est moins évidente.
Coté financement c’est la cacophonie. Sur sa lancée l’agence du sport avec son peu de moyens a continué à lancer des appels à projets sans engagements des autres partenaires. Chaque acteur met en place ses propres appels à projet et ses propres critères. La gouvernance du sport sur les territoires a fait un flop retentissant du fait de l’incompréhension des nouveaux élus qui ont été renouvelés en 2021 (départements et régions). Avant cette date et compte tenu de l’urgence à gérer la crise du Covid 19 aucune conférence régionale et conférence de financeur n’a vu le jour.
Quant aux équipements sportifs c’est toujours aussi compliqué et aussi long de sortir un projet. La multitude des financements publics, l’absence de vision sur le long terme d’une politique territoriale d’équipements additionnées à une capacité financière des collectivités amenuisée suite à la crise du Covid 19 font que peu de projets sortent de terre. Le privé n’a pas pris en relais en l’absence d’outils adaptés permettant de garantir des investissements privés visant à satisfaire des missions d’intérêt général (cf nos différentes contributions sur le sujet et notamment celle faite en 2013 https://patrick-bayeux.blogspot.com/2013/05/2013-03-12-modernisation-du-sport-notre.html
La société a conservé les traces de cet affreux terme de distanciation sociale qui n était en réalité que de la distanciation physique. La distanciation sociale l’a finalement emporté sur la distanciation physique Les français ont privilégie une pratique plus individuelle avec des applications en ligne, la marche le vélo ou des activités collectives mais ne nécessitant pas de déplacement trop important. Le coaching sous toutes ses formes numériques a fait sa place.
Le scénario de la raison
La crise du Covid 19 a eu du bon. Les acteurs ont compris l’intérêt de travailler ensemble et de porter collectivement un bien commun. C’est un véritable plan de relance du sport qui a été mis en place. Les acteurs historiques de l’agence du sport ont été rejoints par la fondation du sport. Le COJO dont le président siège au sein de l’agence nationale du sport a pesé de tout son poids et a conçu la politique d’héritage de Paris 2024 avec l’ensemble des acteurs. Mieux, les partenaires financiers du COJO ont accepté que soit versé un pourcentage de leur participation au financement des actions de l’agence nationale du sport tout comme la fondation du sport français qui a rejoint l’agence comme le proposait le rapport gouvernance (proposition 57). Y compris les assurances et les mutuelles sont présentes dans le tour de table avec une forte volonté de financer le sport santé.
Le mouvement sportif a fait front. Il a profité de la crise du Covid 19 pour se réinventer. Il a créé un actif immatériel : la licence universelle (idée suggérée dans le chantier gouvernance le 5 mars 2018 mais non retenue). Tous les enfants qui entrent au CP ont désormais une licence sportive avec un numéro à vie. Accompagnée d’un passeport sportif qui contient le dossier médical sportif, ses expériences, compétences et diplômes il comporte en plus une mention test covid qui permet de pratiquer les sports de contacts ou d’aller dans les enceintes sportives.
Les professeurs d’EPS pendant le deconfînement ont profité de cette période atypique pour marteler un message des bienfaits de la pratique physique pour la santé. Sur 10 ans le taux de pratiquants a progressé chez les ados. Y compris la télé-réalité s y met. Pas une série sans une routine quotidien d’activités physiques. La pratique physique régulière est devenue une routine.
Sur le terrain les acteurs du sport ont apporté des réponses lisibles et concertées. Etat, collectivités, mouvement sportif, partenaires économiques, COJO, partenaires financiers portent ensemble une politique publique du sport. Messieurs Doussot et Dirx ont rendu dès le déconfinement leur rapport sur la mise en œuvre de la nouvelle organisation territoriale du sport et ont été décisifs dans la nouvelle organisation territoriale qui a permis de désigner rapidement des chefs de file par compétence et d’être efficace.
Les fédérations ont renouvelé leur mode de gouvernance. Elles travaillent ensemble et mutualisent les services communs dont les associations de base ont besoin. Vis-à-vis des associations locales elles évoluent d’un modèle « fait ce que je te dis » à « Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ». Elles encouragent et gèrent la solidarité entre les sports professionnels et le sport de base. Elles acceptent l’innovation et la diversité des situations locales.
Les organisateurs de grands évènements sportifs ont créé un fonds de garantie des évènements sportifs qui permet d’assurer le report ou l’annulation de grandes manifestations. Le sport pro après s’être déchiré pendant la période de confinement a réalisé ce qui était impensable : l’harmonisation des calendriers au niveau national et international. La LFP a adopté un calendrier d’été, le rêve de Frédéric Thiriez. Le rugby a modifié son calendrier international. Les sports de salle aussi ont compris la nécessité de mutualiser les enceintes sportives et de s’entendre sur les calendriers. Une régulation internationale et européenne intervenue pendant la crise a permis au sport professionnel de revoir son modèle économique. La loi a été modifiée pour permettre aux clubs de gérer les équipements sportifs sans mise en concurrence. Cela vaut pour les clubs pros ou les clubs locaux qui pour certains ont compris tout l’enjeu de se regrouper au niveau intercommunal. De plus en plus d’équipements sont ainsi gérés par le mouvement sportif qui accueille aussi les scolaires la journée. Les pistes cyclables mises en place pendant le confinement ont été maintenues. A l’image des pays nordiques ce sont de véritables autoroutes à vélo qui traversent les métropoles. Même les grandes surfaces qui avaient amorcé une stratégie de décroissance avant la crise du Covid 19 consacrent des espaces à la pratique physique et sportives. Certains friches industriels sont désormais consacrés aux activités physiques et sportives.
Conclusion
Le scénario implosion/explosion semble le plus vraisemblable à moins que la pandémie agisse comme un révélateur de l’intelligence collective.
Mais qui aura suffisamment de légitimité pour appeler à cette « révolution » ? peut on imaginer le monde d’après avec ceux qui ont construit le monde d’avant ?
« Ce monde n’est pas fini, il va gigoter encore. Après le confinement un boom économique provisoire le rassurera. Seul un nouveau mouvement citoyen animé par une pensée forte et une conscience lucide pourra ouvrir le chemin d’un nouveau monde » disant Edgar Morin dans un tweet daté du 26 mars 2020 ‘1 :40 PM
et si le sport donnait l’exemple.
Etant à l’origine de la création de l’agence nationale du sport mais n’ayant pas été invité à son lancement et n’ayant jamais eu aucun contact avec les dirigeants de l’agence, je me positionne aujourd’hui comme un lanceur d’alerte.
Aujourd’hui j’ai un nouveau rève pour 2020 (j’en avais fait un en début d’année http://patrick-bayeux.blogspot.com/2020/03/20200121-ce-dont-javais-reve-pour.html ) , ou plutôt je formule un vœux, voire je lance un appel pour la création d’un grand plan de relance concerté entre tous les acteurs du sport.
Les acteurs du sport sont ils capables de se mobiliser pour se réinventer. A eux de choisir leur scénario.