L’article R 131-33 du code du sport est sans ambiguité. « les fédérations délégataires définissent les règles applicables aux équipements nécessaires au bon déroulement des compétitions sportives qu’elles organisent ou autorisent, c’est-à-dire à l’aire de jeu ouverte aux sportifs et aux installations édifiées sur celle-ci ou aux installations qui, tout en étant extérieures à l’aire de jeu, concourent au déroulement de ces compétitions dans des conditions d’hygiène, de sécurité et de loyauté satisfaisantes ;
A ce titre, elles ne peuvent imposer, en matière d’équipements sportifs, des règles dictées par des impératifs d’ordre commercial, telles que la définition du nombre de places et des espaces affectés à l’accueil du public ou la détermination de dispositifs et d’installations ayant pour seul objet de permettre la retransmission audiovisuelle des compétitions. »
Et pourtant les ligues professionnelles ne se privent pas pour imposer des normes de plus en plus couteuses pour le contribuable.
La recette : la licence club pour le foot, le label stade pour le rugby.
L’intention est louable « Désireuse d’accompagner les clubs professionnels dans les projets de construction ou de rénovation de leur stade, la Ligue Nationale de Rugby instaure le « Label Stades ». » « la Licence Club a été bâtie pour récompenser les investissements effectués par les clubs pour leurs infrastructures utilisés et leur organisation »
Récompenser les clubs ou les propriétaires des stades ?
La grande majorité des stades appartient aux collectivités. Il aurait été plus exact de parler de récompenser les investissements des collectivités pour les stades que les clubs devraient louer en s’acquittant d’une redevance qui doit tenir compte au minimum de la valeur locative et des frais à la charge de la collectivité pour l’entretien du stade !
Le système est simple. Un cahier des charges définit des critères : capacité d’accueil du stade, orientation du terrain, dimension du terrain, dimension du stockage, des vestiaires, des locaux administratifs, des business seat, …. (159 critères pour le rugby). Pour le foot, la licence club ne porte pas uniquement sur le stade puisqu’elle tient compte également du centre de formation et de la structuration salariée. A noter toutefois que la LFP a récemment modifié son règlement pour donner une part de plus en plus importante au stade dans l’attribution du label.
Un système de notation par critères permet d’obtenir des points avec à la clé l’obtention du label ou de la licence et le versement par la ligue d’une contribution prise sur les droits TV pour l’effort consenti par les clubs pour rénover les stades. En toute logique cette participation de la ligue devrait permettre aux clubs locataire de payer la redevance aux collectivités. Avec ce sytème, les ligue ont donné aux clubs un moyen de faire pression sur les élus. « Si tu ne fais pas les travaux je vais perdre le produit de la licence club ».
Une redevance obligatoire
Il convient de rappeler que le paiement d’une redevance est obligatoire en application de l’article L 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, « La redevance due pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation. »
Ainsi selon la jurisprudence, trois éléments doivent être retenus pour calculer le prix de la redevance :
– La valeur locative du stade,
– les frais à la charge de la Ville liés à l’organisation des matchs,
– les avantages retirés par le titulaire du titre d’occupation du domaine public : l’ensemble du chiffre d’affaires développé par le club grâce à son exploitation du domaine public.
Les stades de l’euro 2016 surveillés à la loupe
Par ailleurs la commission européenne a rappelé à la France à l’occasion des stades réalisés pour l’euro 2016 qui ont tous bénéficié d’une aide d’Etat (subvention de l’Etat à travers le CNDS et financement des collectivités territoriales) que les redevances devaient être fixées au prix du marché afin de limiter le risque de distorsion de la concurrence, notamment par l’octroi d’avantages indus à certains clubs de football ».
A ce titre précise la décision de la commission européenne « les collectivités territoriales porteuses des projets de rénovation ou de construction des stades destinés à accueillir l’UEFA « EURO 2016 » qui pourraient être bénéficiaires de subventions versées par les autorités publiques devront communiquer à l’Etat les conventions de mise à disposition des stades aux clubs résidents à chaque fois que ces conventions comporteront des évolutions de nature à modifier le montant des redevances dues par les clubs résidents ou les méthodes de calcul permettant de déterminer ce montant. L’Etat disposera ainsi du montant de ces redevances et pourra évaluer si leur montant et leur méthode de fixation sont respectueuses des termes du marché. » On en reparlera certainement …
Le paiement au prix du marché et la limite de la distorsion de la concurrence seront d’autant plus flagrant en France lorsque d’un coté l’OL et le PSG auront financé leur stade et de l’autre les clubs non propriétaires s’acquitteront d’une redevance qui pourrait être considérée comme trop faible.
Comment justifier aujourd’hui les dépenses des collectivités en faveur du sport pro ?
Le cas de l’OM qui refuse de payer la redevance fixée par la ville n’est pas isolé en France. Les négociations sur les redevances sont toujours complexes et tendues. (Le club pro cherchant soit à minimiser le cout du stade soit à le compenser par une augmentation des subventions ou des prestations de services versées par les collectivités).
Par ailleurs certaines collectivités ont investi des millions d’euros dans un stade pour se retrouver aujourd’hui sans locataire.
Cette situation intervient en début de mandat période pendant laquelle les clubs ne sont pas nécessairement en position de force et dans un contexte de tension financière sans précédent pour les collectivités avec la baisse des dotations d’Etat.En même temps les droits TV vont augmenter pour le foot et le rugby pour les prochaines saisons. Dans ce contexte il va être de plus en plus difficile pour les collectivités de justifier toute dépense publique supplémentaire en faveur du sport pro.