Modernisation du sport : notre contribution au débat, IV les collectivités territoriales
Le second édito était consacré au rôle de l’Etat le troisième au rôle du mouvement sportif.
Ce quatrième édito est consacré aux collectivités territoriales (voir également sur ce sujet , Sport et décentralisation : finissons-en ! )
Deux postulats de départ
Cette réflexion tient compte de 2 postulats de départ :
– le rétablissement de la clause générale de compétences pour les conseils généraux et régionaux
– la mise en place de la conférence territoriale de l’action publique qui comprend une formation destinée à assurer la concertation entre les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et une formation associant l’Etat et les collectivités territoriales (donc 2 formations ! )
Nos propositions s’articulent autour de 4 thèmes
1 – Intercommunalité : rendre le débat obligatoire.
Ce point a déjà été abordé dans nos propositions (point 3) sur le mouvement sportif. Notre proposition est de rendre la compétence « sport d’intérêt communautaire « obligatoire et non optionnelle comme c’est le cas aujourd’hui pour les équipements sportifs d’intérêt communautaire. Nous avons la conviction que l’intercommunalité constitue un élément clé de la modernisation de l’organisation du sport en France.
2 – Conférence territoriale du sport : en faire une conférence territoriale de l’action publique appliquée au sport.
Dans la version 6 du projet de loi sur la décentralisation la conférence territoriale de l’action publique, dans sa formation destinée à la concertation
entre les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre :
1° concourt à l’élaboration du pacte de gouvernance territoriale prévu à l’article L. 1111-9-2 dans les conditions prévues par ce même article ;
2° peut émettre un avis sur les schémas régionaux ou départementaux régissant l’exercice des compétences des collectivités territoriales, lorsque ces schémas ne sont pas soumis à approbation par l’Etat.
La conférence territoriale dans sa formation associant l’Etat et les collectivités territoriales
1° peut émettre un avis sur les schémas régionaux ou départementaux régissant l’exercice des compétences des collectivités territoriales, lorsque ces schémas sont soumis à approbation par l’Etat ;
2° émet un avis sur la candidature de toute collectivité territoriale et de tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à l’exercice, à titre expérimental, de certaines compétences dévolues à une collectivité territoriale relevant d’une autre catégorie ou de compétences relevant de l’Etat.
3° peut être consultée par la commission consultative sur l’évaluation des charges prévue à l’article L. 1211-4-1 sur les conditions des transferts de compétence entre l’Etat et les collectivités territoriales
4° débat de tous domaines nécessitant une coordination entre les différentes catégories de collectivités territoriales et entre les collectivités territoriales et l’Etat ;
5° émet un avis sur les délégations de compétence de l’Etat aux collectivités territoriales prévues à l’article L. 1111-8.
Notre proposition est que la conférence territoriale du sport (une seule associant l’ensemble des acteurs du sport suffira ! ) puisse en amont de la conférence territoriale de l’action publique débattre des sujets ayant trait au sport en vue d’élaborer un pacte de gouvernance territoriale du sport et en particulier sur les sujets suivants :
– le sport de haut niveau. Nous proposons d’aller plus loin et de créer un GIP (cf nos propositions relative au role de l’Etat )
– un schéma de cohérence sur les équipements structurants
– un schéma de cohérence sur le sport professionnel
– un schéma de cohérence sur la formation initiale et professionnelle
Il faut souligner que l’enjeu de cette conférence concerne principalement le mouvement sportif, les autres acteurs étant présents dans la conférence territoriale. On peut imaginer qu’en l’absence d’une conférence territoriale du sport obligatoire, certaines conférences territoriales préfèreront créer des groupes sports ouverts au mouvement sportif qui agiront sur commande de la conférence territoriale de l’action publique avec comme avantage de replacer le sport au cœur des politiques publiques.
Enfin il faut rappeler que l’avant projet de loi prévoit que le pacte de gouvernance territoriale est constitué par les schémas d’organisation qui déterminent, chacun dans le champ de la compétence concernée:
a) Les délégations de compétences entre collectivités territoriales ainsi que les délégations de la région ou du département à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, dans les conditions prévues à l’article L. 1111-8-1 ;
b) Les créations de services communs, dans le cadre de l’article L. 5111-1-1, notamment
les créations de guichets uniques ;
c) Les conditions de la rationalisation et de la coordination des interventions financières
des collectivités territoriales, dans le but de réduire les situations de financements croisés et de clarifier et simplifier les conditions d’attribution des subventions.
3 – Relations avec les clubs sportifs : favoriser un engagement pluri annuel auprès du mouvement sportif.
La convention d’objectifs pluri annuelle est possible depuis la Circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations : conventions d’objectifs et simplification des démarches relatives aux procédures d’agrément . La proposition est de sécuriser ces conventions d’objectifs pour ne pas risquer la requalification en marché public ou en délégation de service public dès lors que les objectifs assignés aux associations sont trop précis ou que les missions d’intérêt général mises en œuvre par l’association sont trop proches du service public.
L’objectif est de donner de la lisibilité au mouvement sportif dans sa relation avec les collectivités locales dont on devine qu’elles harmoniseront leur soutien dans le cadre de la conférence territoriale du sport.
4 – Sport professionnel : passer d’un modèle public privé à un modèle privé public
Nous reprenons ici nos propositions faites en 2011 lors du vote de la Loi Depierre sur l’Euro 2016 (cf notre article Grands équipements sportifs : football 1 – autres sports 0 )
Depuis qu’il existe, le sport professionnel s’est développé sous « dépendance publique ». Dans les années quatre-vingt alors que la libéralisation du paysage audiovisuel permettait une exposition médiatique décuplée avec pour corollaires une meilleure valorisation des sponsors et une augmentation très significative des droits TV, les clubs auraient pu prendre leur autonomie et investir progressivement dans les enceintes sportives. Au contraire, la médiatisation des compétitions exacerbée en France avec la Coupe du monde 1998 n’a fait que renforcer le lien entre les collectivités locales et les clubs professionnels, lien que les premières souhaitaient conserver pour des raisons politiques et que les seconds trouvaient confortable pour des raisons financières.
Il a fallu que la loi Buffet définisse des plafonds de subventions et de prestations de services pour limiter des engagements des collectivités qui étaient parfois infinis. Pour autant, l’exploitation des stades n’a pas évolué. Dans ce schéma de « dépendance publique » pour les équipements et avec des équipements non modernisés, les clubs sportifs n’ont pas suffisamment développé leurs outils de marketing, considérant que le spectacle sportif offert sur la pelouse était suffisant pour faire venir les spectateurs. À leur décharge, le développement de tels outils n’aurait pas pleinement produit d’effets avec des stades vieillissants.
Le résultat est qu’aujourd’hui les clubs peinent à remplir des stades, dont ils ne sont ni propriétaires et ni impliqués dans l’exploitation. Ils restent largement tributaires de droits TV à l’avenir incertain.
Notre proposition est de renverser le modèle économique pour passer d’un modèle public privé à un modèle privé public en mettant en place des dispositions permettant aux collectivités locales de soutenir les projets privés avec des aides publiques (subventions et garanties) en contrepartie d’affectation au spectacle sportif : grands événements internationaux organisés en France, compétitions organisées par les fédérations et leurs ligues… et en ouvrant la possibilité aux collectivités de contractualiser sur le long terme des achats de créneaux d’utilisation de ces équipements, d’espaces publicitaires ou de loges et places, … Ces dispositions renforceraient la bancabilité de projets qui souffrent aujourd’hui de la réticence des banquiers à prêter à des clubs sportifs soumis à un aléa sportif fort. Ces dispositions sont à lire avec celles relatives à la création d’une ligue semi fermée (cf notre précédent édito sur le mouvement sportif).