« T’es une sportive, t’as du shampoing », toujours pas de tremplin vers l’égalité par Eric de Fenoyl

« Non mais allo quoi, t’es une fille, t’as pas de shampoing ». Cette célèbre réplique de Nabila était assurément inconnue de Selina Freitag lorsque, mettant en exergue la différence de traitement entre les hommes et les femmes à l’occasion des épreuves de saut à skis de Garmisch-Partenkirchen, elle a provoqué un légitime tollé médiatique.

Si les montants de primes en cause restaient faibles pour les hommes, 3000 CHF (francs suisses), au-delà de l’absence totale de prime monétaire, le symbole du « cadeau » composé de shampoing, gel douche et serviettes pour les femmes a probablement contribué à la médiatisation.

Ceux qui connaissent le monde du sport savent que de tels écarts sont malheureusement fréquents sans que cette fréquence ne les légitime aucunement.

Paradoxalement le ski est l’un des sports les plus « égalitaires »

Paradoxalement c’est dans le ski que le sujet est posé en ce début d’année 2025, alors qu’il s’agit probablement d’un des sports les plus « égalitaires ». En ski alpin le règlement de la coupe du monde de la Fédération Internationale de Ski (FIS) est unique pour hommes et femmes et impose un montant minimum par événement (course) de prize money global s’élevant à 144.000 CHF pour l’ensemble des trente meilleurs coureurs[i] (en pratique 47.000 CHF pour la première place). Ce minimum est « la règle », seules deux étapes faisant exception : Flachau en slalom féminin avec 169.000 CHF de prize money global et 59.500 CHF pour la première place et surtout Kitzbühel dont les trois épreuves, toutes masculines (descente, super géant et slalom), qui sont primées en euros et pas en CHF, ont chacune un prize money global de 333.200 dont 100.000 pour le vainqueur[ii]. Sur 74 courses programmées, 70 distribuent ainsi des primes strictement égales parce que conformes aux exigences minimales ne distinguant pas en fonction du genre. Kitzbühel fait figure d’anomalie avec ses montants très élevés associés à une longue tradition d’épreuves masculines. Si la piste de la Streif fait l’objet d’homologations FIS hommes et femmes[iii], elle n’a pas accueilli de courses féminines depuis 1961. Mais Lindsey Vonn a skié cette Streif l’an passé, de nuit, descente qui a donné lieu à une vidéo impressionnante produite par une marque de boisson « énergisante » très présente dans le monde du sport et notamment du ski[iv].

En l’espèce le chemin vers l’égalité est moins affaire de prize money que d’ouverture de Kitzbühel à des épreuves féminines (le sujet est également sensible et même peut être davantage chez les voisins suisses de Wengen).

Sur les 10 dernières saisons, le plus important montant de prize money en ski alpin sur une saison a été gagné par une femme à 6 reprises et par un homme à 4 reprises. Et Mikaela Shiffrin détient le record de prize money sur une saison avec 964.200 CHF en 2023[v].

En freeski park & pipe, la règle est encore plus claire puisque si un montant plus élevé que le montant minimum peut être alloué par l’organisateur, le règlement dispose qu’il doit être égal par genre[vi].

En ski alpin et en freeski park & pipe notamment le site de la FIS affiche en vis-à-vis sur la même page le montant de prize money femmes et hommes. Ce qui permet de comparer immédiatement[vii].

Cette étonnante affaire des épreuves de saut à skis de Garmisch-Partenkirchen montre qu’il reste des « poches de résistance » au sein des différentes disciplines de la FIS même si cette fédération internationale est peut-être la plus avancée sur le chemin de l’égalité.

Le débat ainsi ouvert mériterait de s’étendre à d’autres fédérations internationales et d’autres sports dans lesquels les écarts sont sans commune mesure.

[i] Rules for the FIS Alpine Ski World Cup, Edition 2024/2025, November 2024

[ii] https://www.fis-ski.com/DB/v2/prize-money?discipline=AL&season=2025&category=WC

[iii] Homologation en descente pour les hommes avec une variante hommes/femmes plus courte. Homologation Super G pour les hommes et les femmes

[iv] Lien vers la vidéo : https://www.redbull.com/fr-fr/videos/lindsey-vonn-streif-nuit

[v] FIS | Prize Money Standings – Alpine Skiing

[vi] RULES FOR THE FIS SNOWBOARD / FREESTYLE / FREESKI / SKI CROSS WORLD CUPS, Edition 2024/2025, §2.4: “The Organiser must make available at least CHF 30’000 (equivalent in Euro/US$) per event/gender for prize money. Greater prize money is permitted and must be equal per gender”.

[vii] Lien vers la page concernant le park & pipe où, à la date du 6 janvier 2025 on voit qu’Eileen GU est largement devant Alex Ferreira FIS | Prize Money Standings – Freestyle