Refaire de la commune un commun… par le sport par Patrick Bayeux

Parfois je perçois des choses sans réellement pouvoir les matérialiser, puis à la lecture d’un article tout s’éclaire. c’est ce qui m’est arrivé en lisant cet article signé par Daniel Behar « Elections municipales 2026 : faire face à la disparition de « l’habitant » dans la grande conversation. Selon l’auteur, dans un système politique français bousculé et polarisé, les élections municipales sont présentées comme un moment rassurant de retour à la proximité et à la légitimité à travers la figure du maire.
Mais dans une société où les mobilités diluent les appartenances, où les parcours de vie dessinent des « archipels résidentiels », la commune ne peut plus être considérée comme l’espace homogène d’une communauté stable en particulier du fait de la montée en puissance des intercommunalités et de l’évolution du rapport que les citoyens entretiennent à leur territoire de résidence. J’avais bien perçu cette idée mais sans jamais la formaliser d’une manière aussi claire…

Dans ce paysage fragmenté, le sport peut il constituer un levier pour retisser du lien, partager des pratiques, et incarner une forme renouvelée de « commun » ? c’est la question que je me suis posée.

Du lieu de résidence au lieu de convergence

Le sport local n’agrège plus uniquement les « habitants » au sens fiscal ou électoral. Les équipements sportifs, les clubs, les pratiques libres ou encadrées sont investis par des usagers multiples : riverains, actifs de passage, élèves d’un autre quartier, licenciés venus de communes voisines. La commune devient un nœud de circulations sportives, plutôt qu’un simple périmètre de compétence. Dans toute les études que j’ai pu réaliser, je suis toujours frappé par le nombre important d’adhérents dans les clubs n’habitants pas la commune. D’ailleurs à ce sujet, le nombre de licenciés recueillis par la DATA des fédérations (qui géolocalise par lieu d’habitation ) doit absolument être croisée avec la DATA des clubs pour comprendre la réalité de la vie sportive locale.

Le sport comme fabrique d’un commun local

Dans ce contexte, le défi n’est pas de restaurer une communauté perdue, mais d’inventer des formes de vivre-ensemble, qui transcendent les catégories d’usagers, de contribuables, d’électeurs. Cela suppose de penser la politique sportive non plus comme un service aux seuls « habitants », mais comme une manière de créer du lien entre toutes les personnes présentes sur un même territoire.

Cela implique notamment :

  • De reconnaître et valoriser les usages sportifs intermittents (pratique libre, intercommunalité, loisirs non affiliés),
  • De développer des événements fédérateurs ouverts à tous, au-delà des logiques d’inscription ou de résidence,
  • D’inscrire les équipements sportifs dans une logique de proximité ouverte, accessible et appropriable,
  • D’appuyer la co-construction avec les clubs et les associations comme acteurs engagés dans la vie sportive locale

Alors un club le club de demain c’est quoi ?

On a déjà posé la question plusieurs reprises :

Réinventer la légitimité politique par le sport : reconstruire à partir des territoires

Dans un paysage territorial en recomposition, où la figure de l’habitant se fragmente, le sport offre une opportunité unique de refondation locale. Mais cette reconstruction ne peut se faire qu’en sortant d’une approche centralisée ou opportuniste, et en s’appuyant sur une logique polycentrique, maillée, fondée sur les bassins de vie.

C’est toute une nouvelle vision de la politique sportive qui s’esquisse ici : repartir des territoires, des usages réels, et non des périmètres administratifs.

Cela implique selon nous d’organiser l’offre d’équipements et d’activités à partir de la carte scolaire, comme l’on pense les écoles, selon des ratios population/établissements. Il ne s’agit plus seulement d’investir dans des équipements, mais de les intégrer dans une trame territoriale lisible, au service de la pratique quotidienne.
Une école ? Un plateau EPS. Une salle de motricité. Un équipement ouvert à tous en dehors du temps scolaire, animé par un éducateur, une association, un club, une maison de quartier.

Il est essentiel de penser la politique sportive à l’échelle intercommunale tout en faisant de la commune le lieu où s’incarne le lien, où se construit le quotidien partagé

C’est dans ce type d’organisation qu’on peut redonner sens au mot « commune », non comme entité close, mais comme nœud relationnel d’un réseau de proximité active. Il est essentiel de penser la politique sportive à l’échelle intercommunale, là où se structurent les équipements, les flux et les ressources, tout en faisant de la commune le lieu où s’incarne le lien, où se construit le quotidien partagé, et où se rejoue la proximité entre élus, clubs, éducateurs et pratiquants.

C’est cette trame polycentrique, souple et interconnectée, que doit viser la politique sportive de demain. Non pas restaurer un modèle perdu, mais tisser un commun vivant, fait de proximité, d’usages partagés et d’initiatives locales.

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