#présidentielle2022 Nicolas Bonnet Oulaldj pour Fabien Roussel « La France des jours heureux sera sportive »

Nicolas Bonnet Oulaldj est en charge de la rédaction du programme sport pour le candidat PCF Fabien Roussel. Il répond à nos questions*.

Vous êtes en charge de la rédaction du programme au sein de l’équipe de Fabien Roussel, quel regard portez-vous sur le quinquennat d’Emmanuel Macron ? selon vous le président a-t-il tenu ses engagements ?

Son bilan est très décevant. Gardons en mémoire la lettre ouverte de 400 athlètes de haut niveau, les fameux premiers de cordée, Teddy Riner, Renaud Lavillenie, Kevin Mayer, Martin Fourcade et autres, pour ne citer qu’eux. « La famille du sport français est en danger », écrivent-ils, regrettant la réduction du budget alloué au sport et la suppression de postes de cadres techniques de l’Etat suite à l’élection présidentielle, « contradictoires avec l’objectif des performances attendues » et même « désastreuses pour l’héritage qu’on laissera aux nouvelles générations ».

Le coup d’accélérateur en fin de mandat est plutôt un coup de com avec une augmentation du budget en trompe l’œil, même s’il approche un milliard d’euros. L’augmentation s’explique principalement par le plan de relance post – Covid et par les dépenses obligatoires en vue de l’accueil des Jeux Olympiques et Paralympiques. D’ailleurs la baisse de 50 % des crédits du CNDS avant la création de l’Agence Nationale du Sport n’a jamais été compensée, et certains crédits dédiés au développement du sport associatif ont été détournés pour d’autres missions.

Après la crise sanitaire, qui a mis en avant l’importance de la pratique régulière d’une activité physique et sportive pour la santé, on aurait pu s’attendre à un grand plan d’urgence pour le sport. Or le développement du sport santé sur prescription n’est pas accompagné d’un remboursement par la sécurité sociale, et le « pass sport » de 50 euros n’a pas eu l’effet levier escompté pour favoriser plus d’inscriptions dans les clubs. D’ailleurs, il semblerait que seulement 40% des crédits de cette enveloppe soient consommés, ce qui montre que ce dispositif n’est pas adapté.

La situation sur le terrain reste extrêmement difficile, la crise sanitaire a agi comme un accélérateur des fractures déjà existantes et un révélateur des besoins en matière de politique sportive. Certaines fédérations ont perdu beaucoup d’adhérents, en particulier le sport scolaire et les associations des quartiers populaires. Selon différentes études, les capacités physiques de nos enfants ont diminué et la sédentarité a augmenté.

Plutôt que de répondre aux besoins de la population, la réponse a été la mise sous tutelle du ministère des sports par le Ministre de l’éducation nationale avec l’obsession d’installer le concept de « bouger 30mn par jour » plutôt que de renforcer l’enseignement de l’éducation physique sportive. C’est un appauvrissement culturel et un abandon des savoirs et des apprentissages sportifs. On s’éloigne de plus en plus de l’ambition d’une culture sportive pour toutes et tous.

A cela s’ajoute une surenchère autoritaire et administrative avec la création du contrat d’engagement républicain mis en place par la loi du 24 aout 2021 qui remet en cause les agréments des fédérations désormais renouvelables tous les 8 ans. C’est une atteinte à la liberté associative dénoncée par beaucoup d’acteurs de la vie associative, notamment sportifs.

La grande loi sport et société promise par le Président n’est jamais venue, nous n’avons eu à la place qu’une petite proposition de loi à l’envergure très limitée.

Pour nous le sport ne doit plus être la 5e roue du carrosse des politiques publiques, mais une grande cause nationale.

Quelles sont les premières mesures que prendra Fabien Roussel dans le domaine du sport si il est élu président de la République ?

La première mesure sera un plan d’urgence pour le sport avec le doublement immédiat des crédits dédiés au sport dès le début du quinquennat (2 milliards d’euros) pour atteindre progressivement 1% du budget soit 3 milliards d’euros par an. La priorité sera donnée aux associations sportives et aux collectivités pour relancer l’offre sportive sur notre territoire, avec des critères d’objectifs visant à réduire les inégalités.

Nous remplacerons « le pass sport » par une aide à l’inscription en club pour toutes et tous à hauteur de 50% de la cotisation sur critères sociaux (quotient familial) quel que soit l’âge. Cette aide reposera sur un système de gestion simplifié pour les clubs en concertation avec les collectivités locales et les directions départementales du ministère des sports. Elle sera plafonnée sur la base de la cotisation moyenne en France.

La deuxième mesure sera un grand plan de rattrapage des équipements sportifs pour les collectivités territoriales avec 1000 nouvelles piscines et 1000 nouveaux complexes sportifs ou salles spécialisées et terrains de jeux. Pour répondre aux besoins nous devons aménager le territoire en fonction des lieux de vie ; « école, travail et domicile » pour inscrire la pratique sportive dans la proximité et le quotidien de la vie. Nous aiderons les collectivités territoriales à financer les rénovations et les nouvelles réalisations.

La troisième mesure sera de renforcer la culture sportive dans notre pays. L’accès à une culture sportive pour toutes et tous passe par le respect de 3 à 5 heures d’EPS par semaine de la maternelle à l’université avec le doublement des recrutements des professeurs d’EPS, le retour des épreuves d’EPS aux examens qui ont été supprimées. Chaque élève partira en classe de découverte à dimension sportive dans sa scolarité. Nous créerons un brevet sportif populaire à la sortie du CM2 et de la 3e pour tous les élèves. Nous augmenterons le nombre de classes aménagées pour le sport au collège et au lycée. Nous rendrons obligatoire la création d’une association sportive scolaire dans chaque établissement scolaire du primaire à l’université. Un module d’EPS sera obligatoire à l’université et dans les BTS. Nous proposons la banalisation du jeudi après – midi dans l’enseignement supérieur pour le sport universitaire. Nous nous appuierons sur les SUAPS pour développer la présence du sport dans l’Enseignement supérieur.

D’une manière générale quelles sont les grandes orientations que fabien Roussel souhaite mettre en œuvre durant ce quinquennat ?

Historiquement, le développement du sport dans notre pays a toujours été étroitement lié à la conquête du temps libre, à l’accès à de nouveaux espaces de pratiques (la mer, la montagne…) et à la vitalité associative. Aujourd’hui, nous devons engager une nouvelle étape historique de la conquête du temps libre comme ce fut le cas en 1936 puis à la libération. Nous inscrivons notre programme des jours heureux dans le prolongement de ces grandes conquêtes sociales.

Le programme de la France des jours heureux s’attaque à la racine des problèmes : le manque de temps libre, le coût de la pratique, le manque d’installations sportives, l’absence ou un mauvais encadrement ou encore les stéréotypes culturels. Le sport sera un droit accessible à toutes et tous que s’il y a une avancée du pouvoir d’achat et du temps libre. Le programme des jours heureux met en priorité l’augmentation des salaires, des minimas sociaux et des pensions, la retraite à 60 ans à taux plein, la semaine de travail à 32h et la sécurisation de l’emploi et de la formation.

Durant ce quinquennat auront lieux les JOP en 2024. Au-delà des résultats et du nombre de médailles l’héritage constitue un enjeu essentiel souvent mis en avant mais aujourd’hui qui peine à se construire. Quelles dispositions comptez-vous prendre ?

L’héritage c’est que nous aurons construit qui restera après les Jeux. Mais si on s’engage dans des jeux « low cost » avec peu d’investissement dans l’équipement du territoire, l’héritage ne sera pas à la hauteur des attentes. Or l’héritage ne peut pas être le vernis du dossier de candidature mais l’objectif principal. Nous considérons que pour un euro d’argent public dépensé pour l’accueil des jeux olympiques et paralympiques, il doit y avoir un euro pour le développement du sport sur le territoire. Il faut investir dès maintenant pour l’accueil des futurs pratiquants dans les clubs sur tous les territoires. C’est l’objet du plan d’urgence et d’équipement du territoire que nous proposons.

Les jeux doivent être aussi l’occasion de créer de nouveaux emplois dans les métiers du sport et la formation doit être relancée. Nous lancerons un grand plan de formation et de recrutement des professeurs de sport de l’Etat et des cadres techniques mis à disposition des fédérations. Chaque étudiant en STAPS doit trouver un emploi dans les métiers du sport à la sortie de sa formation. Nous mettrons en place un système de pré-recrutement des étudiants en STAPS leur permettant d’être rémunérés pendant leur formation comme fonctionnaires-stagiaires. Nous lancerons un plan de formation pour créer 5000 postes d’éducateurs spécialisés dans l’insertion par le sport qui accompagneront les publics les plus éloignés de l’emploi, les jeunes en situation de décrochage scolaire et / ou professionnelle vers des métiers du sport. Nous augmenterons le financement des programmes d’insertion professionnelle par le sport aux cotés des grands acteurs de l’inclusion. Nous poursuivrons le soutien à l’apprentissage pour les structures du sport et aux formations pour les métiers en tensions. Nous soutiendrons l’émergence d’une nouvelle industrie française basée sur des solutions environnementales vertueuses dans le secteur du sport, des loisirs et du cycle.

Le financement des pratiques partagées valide/ non valide, du sport adapté et du handisport sera augmenté. Nous développerons un dispositif « sport sénior » avec les départements et des interventions spécifiques dans les EHPAD. Nous soutiendrons les clubs qui participent à l’accueil des réfugiés dans leurs pratiques sportives. La culture de paix sera une priorité dans le sport autour des évènements internationaux que nous accueillerons dès les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, avec le soutien aux projets d’échanges et de coopération entre les jeunes sportifs et sportives. Nous lancerons un appel à projet dans les collèges et lycées « je joue, je rencontre le monde » pour des échanges internationaux autour du sport.

La nouvelle gouvernance a été mise en place en 2019. Toute fois l’Agence Nationale du Sport (ANS) qui symbolise cette nouvelle gouvernance est critiquée. Certains candidats souhaitent la supprimer. Qu’avez conseillé à Fabien Roussel ?

On la gardera et on la fera évoluer. La gouvernance, les moyens attribués à l’agence et les objectifs doivent changer pour en faire un outil efficace pour les clubs et les communes.

La présence du secteur privé, notamment du Medef est fortement critiquable. A quel titre est-il légitime pour représenter les acteurs économiques, alors que les premiers contributeurs sont les familles et les associations ? D’autant plus qu’il n’y a pas d’argent privé aujourd’hui qui alimente le budget de l’ANS. La volonté cachée est peut-être qu’à terme l’ANS finance le secteur marchand au détriment du secteur associatif.

La baisse de 50% des crédits du CNDS à destination des clubs avant la création de l’ANS doit être compensée et les crédits doivent augmenter. Denis Masseglia avait évoqué à l’époque « un hold up » L’enjeu est le développement du sport pour toutes et tous, la réponse aux besoins des associations sportives, et la réduction les inégalités sociales. Nous créerons un observatoire des inégalités territoriales du sport au sein du Ministère des sports qui sera un préalable à l’évolution des missions l’Agence Nationale du Sport. Deux axes sont prioritaires pour viser l’égalité d’accès au sport : un plan d’équipement du territoire et le développement de la vie associative.

L’agence ne doit en aucun cas remplacer le Ministère des sports. Elle a sa place en tant qu’opérateur de l’Etat si nous renforçons le ministère des sports, si nous augmentons les budgets, si nous mettons l’accent sur le développement du sport pour tous. Il faudra clairement repenser l’articulation avec le ministère des sports pour réaffirmer son rôle central, notamment dans sa relation aux fédérations sportives.

  • nous avons sollicité tous les candidats à la présidentielle
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