PLF 2024, Régis Juanico  » Avec 0,18% du budget de la Nation… je dirai plutôt que les moyens affectés aux sports stagnent depuis l’exercice budgétaire 2022″. 

Député de la Loire pendant 15 ans Régis Juanico a occupé à l’Assemblée Nationale les fonctions de rapporteur spécial du budget des sports à la commission des finances et de co-président du groupe de travail sur les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Il ne s’est pas représenté aux dernières élections législatives. C’est un des meilleurs connaisseurs du sport en France et de ses institutions. Il a accepté de répondre à nos questions. Il vient de publier « Bougeons Manifeste pour des modes de vies plus actifs ». Il a accepté de nous donner son avis sur le PLF2024

Peut-on parler d’un « tournant historique » et d’un budget des sports « inédit » pour l’année 2024 ?

Si l’on rapporte les moyens budgétaires dédiés au Ministère des sports (889 millions d’euros hors crédits JOP et SOLIDEO) à l’ensemble des dépenses de l’Etat (491 milliards d’euros), l’effort financier représente 0,18% du budget de la Nation… je dirai plutôt que ces moyens stagnent depuis l’exercice budgétaire 2022. 

Ceux-ci avaient augmenté avant 2022 avec l’intégration de la masse salariale des Conseillers techniques et Sportifs de l’ordre de 90 millions d’euros, la création du dispositif Pass’Sport (100 millions d’euros et 85 millions aujourd’hui) et du plan 5000 équipements sportifs de proximité (100 millions d’euros) reconduits depuis.

En comptant les crédits JOP et Solideo, on dépasse le milliard d’euros budgétaire pour le sport. Et si l’on regarde les moyens dédiés au sport tous ministères confondus, on atteint 6,5 milliards d’euros soit 1,32% du budget de la Nation …

On est frappé à l’issue de l’examen de la 1ère partie du Projet de loi de Finances 2024 portant sur les ressources des largesses octroyées via le 49.3 du gouvernement aux institutions internationales du sport pourtant financièrement à l’aise (avec les exonérations fiscales et sociales pour l’installation de sièges des fédérations internationales en France ou l’allègement de TVA pour la filière e-sport) et la modestie des nouveaux moyens en direction du sport amateur dans les territoires…

Il n’y a pas eu de reprise, même partielle, de l’amendement parlementaire voté en commission des Finances relevant les différents plafonds des taxes affectées au financement du sport…

Comme en 2023, ce sont 166 millions d’euros, issus des sommes prélevées par l’Etat à la fois sur les jeux, sur les paris sportifs en ligne et sur les droits télévisuels (taxe Buffet), qui seront affectés à l’Agence nationale du sport (ANS) en 2024.

Je rappelle que nous avions porté le montant des taxes affectées au financement du Sport à un niveau inégalé de 300 millions d’euros (soit 77% du rendement total de ces trois taxes) en 2017. Ce montant a été divisé par deux en 2018 à 146 millions d’euros et a été relevé de seulement 20 millions par les amendements des parlementaires pourtant nombreux depuis lors (soit 34% du rendement total des taxes…).

Cela devrait aussi valoir pour 2025 et 2026, selon le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2023-2027. Il ne faudrait pas que le « souffle » budgétaire invoqué en 2024 ne retombe en « soufflé » pour les exercices post-2024. On compte sur les sénateurs pour faire preuve de combativité en la matière dans les prochaines semaines.

Et pourtant, le ministère communique sur une augmentation de 60 millions d’euros de ses crédits budgétaires ?

Sur les 60 millions de crédits supplémentaires affichés, une large partie, les deux tiers sont des crédits exceptionnels liés aux Jeux Olympiques et Paralympiques : 18,6 millions pour les primes des médaillés, 12 millions pour la Haute-Performance (Gagner en France ), 5,5 millions pour la billetterie solidaire, 5 millions pour les CNOSF CPSF (club France délégation olympique)…

On reste sur une logique de reconduction du plan 5000 équipements sportifs de proximité certes orientés sur les établissements scolaires et les cours de récréation actives avec des crédits exceptionnels reconduits de 100 millions par an et donc d’un milliard d’euros en… dix ans, sachant que l’ANS dispose en 2022 d’un excédent de … 96 millions d’euros. 

Cette logique conduit à soutenir peu d’équipements au niveau national, 700-800 chaque année avec un montant moyen de 40 000 euros alors que les collectivités demandent un effort financier sur des équipements structurants et innovants. Il faut passer d’une logique de crédits exceptionnels à une logique de crédits pérennes dans le cadre d’un plan pluriannuel d’investissements en particulier sur la rénovation-construction des équipements sportifs

Plus largement, on peut regretter la faiblesse des crédits – là aussi exceptionnels- en région pour l’animation territoriale en cette année olympique : 4 millions d’euros pour 4000 collectivités et la modestie de l’augmentation des crédits sport-santé (3M), du sport féminin (1,5M) du sport étudiant (1M) et surtout pour le handicap (1,5M) alors que l’héritage devrait d’abord porter sur le développement des parasports, 50% des personnes en situation de handicap ne pratiquant jamais d’activité physique et sportive.

Voyez-vous des points positifs dans ce budget ?

Les 36 nouveaux emplois, après les 20 ETP créés en 2023, dans les services déconcentrés du Ministère des Sports, des Jeux Olympiques et Paralympiques en particulier sur les missions régaliennes de prévention des violences sexuelles, sont une bonne nouvelle à condition qu’ils soient bien pourvus.

Autre avancée : les dix millions d’euros de crédits budgétés pour la Grande Cause Nationale « Activité physique et sportive » en 2024 à condition que ces crédits irriguent bien les territoires notamment le mouvement associatif et pas que des grandes structures nationales ou les campagnes de communication dans les médias…

L’effort financier du Ministère des Sports pour la filière des métiers de l’insertion par le sport de l’ordre de 6 millions d’euros est également à souligner. Le président de la République vient d’annoncer le financement sur trois ans de 1000 postes d’éducateurs socio-sportifs avec un véritable statut protecteur dans les clubs dès 2024 avec à la clé 50 millions d’euros déployés d’ici 2026, à priori sur les crédits du Ministère de l’Emploi et du Travail.

Et du côté du Ministère de l’Education Nationale ?

On ne sent pas le Ministère de l’Education Nationale moteur sur l’activité physique et sportive qui semble avoir du mal à passer d’une logique d’expérimentation à la généralisation, au déploiement national de certains dispositifs.

Les 30 minutes d’activité physique à l’école en complément de l’EPS qui devaient être généralisés à la rentrée 2022 dans toutes les écoles, sont engagées au mieux dans 30% des écoles aujourd’hui (on devrait en savoir plus avec la mission sénatoriale d’évaluation du dispositif conduite par Jean-Jacques Lozach).

Les deux heures de sport supplémentaires au collège sont une mesure peu lisible par les acteurs de terrain et qui devrait concerner seulement 700 collèges sur 7000 en 2024, puis progressivement 2000 établissements. On se demande bien pourquoi ce dispositif est financé à hauteur de 15 millions d’euros par le Ministère des Sports et pas par celui de l’Education Nationale qui consacre déjà plus de 5 milliards d’euros à l’activité physique et sportive avec notamment la masse salariale des enseignants EPS, ).

A ma connaissance, il n’y a pas le début d’une inscription budgétaire dans les crédits de l’Education Nationale en 2024 pour la mise en place des annonces du Président de la République à Orthez le 4 septembre sur la « généralisation des tests de capacités physiques en 6e » à la rentrée prochaine, l’objectif d’au moins une heure d’activité physique quotidienne à l’école en complément de l’EPS et la multiplication par 2,5 du nombre de places en section sportives scolaires et d’excellence de 10 à 25000 d’ici 2026…

Vous appeliez cet été à un « Acte 2 » de la prescription des activités physiques adaptées, où en est-on ?

La « discussion » sur le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2024 n’est pas terminée et tout comme le PLF 2024 devrait se solder par un 49.3 à l’assemblée nationale.

D’ores et déjà un amendement a été adopté en commission visant à expérimenter la possibilité de prescrire un certificat d’aptitude sportive aujourd’hui réservée aux médecins, à certains autres professionnels de santé comme les infirmiers en pratique avancée ou masseurs-kinésithérapeutes lorsqu’ils interviennent dans le cadre d’une structure d’exercice coordonné.

Un amendement déposé par le gouvernement prévoit que les assurés sociaux traités en raison d’un diabète ou d’un cancer peuvent se voir prescrire par un médecin un programme d’activité physique adaptée comprenant des bilans et des séances d’activité physique adaptée avec une prise en charge financière par l’assurance-maladie des frais relatifs à l’activité physique adaptée.

C’est un premier pas qui était attendu dans la prise en charge financière des activités physiques adaptées : reste à confirmer dans les dispositifs réglementaires quel sera le nombre de séances, de bilans et le montant financier du remboursement pour les patients… Inévitablement, la question va se poser : pourquoi ne rembourser que ces deux pathologies et pas les autres ? 

Le soutien financier aux Maisons sport-santé (MSS) de six millions d’euros par le Ministère des Sports reste faible au regard des 573 MSS labellisées sur le territoire (10 000 euros par structure) et qui doivent dans les nouvelles règles d’habilitation présenter des budgets à l’équilibre pendant cinq ans avec un cahier des charges strictes sur les missions à remplir : accueil, information, orientation, formation coordination des acteurs…

Il s’agit comme des parlementaires l’ont suggéré en déposant des amendements au PLFSS de créer un fonds spécifique du côté du ministère de la Santé de façon à compléter un financement national qui ne dépende pas du bon vouloir des ARS.

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