JOP #Paris2024 Alexis Corbière demande la requalification de 45 000 bénévoles comme salariés sous contrats rémunérés.
Dans une question parlementaire adressée à la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympique le député LFI de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière demande la requalification des bénévoles en salariés sous contrats rémunérés, au regard des contraintes, des cadences et des compétences exigées par les organisateurs
M. Alexis Corbière alerte Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques sur le possible salariat caché des 45 000 futurs bénévoles des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 à Paris. Dans moins d’un an, la capitale accueillera des sportifs du monde entier, durant trois semaines, pour les jeux Olympiques. C’est d’ailleurs la Seine-Saint-Denis qui sera le principal hôte des épreuves, département dans lequel le taux de chômage est plus haut de quasiment 3 % que la moyenne nationale, atteignant au premier trimestre 2023 9,8 %. À cette occasion, Paris 2024 vise près de 45 000 volontaires pour aider à son organisation. Selon les mots mêmes du président du comité d’organisation, c’est « le plus grand programme de volontaires organisé en France, c’est un vrai défi collectif ». La phase de sélection ouverte en mars 2023 et qui pourrait largement s’apparenter à une méthode de recrutement tant elle est dense, durera jusqu’à l’automne, où les réponses seront données aux 300 000 candidats ayant postulé. Pour cette sélection, il fallait par exemple indiquer son niveau d’études ou encore celui en langues puis répondre à un long questionnaire de plus de 90 questions, servant à évaluer la motivation des postulants. Pour les 45 000 volontaires « heureux élus », débutera alors une formation intensive au premier semestre 2024. D’après les documents officiels des JO 2024, les bénévoles seront amenés à travailler entre huit et dix heures par jour, six jours sur sept, sans rémunération et sans prise en charge de leurs frais de transport pour monter sur Paris ou d’hébergement éventuels. Ne seront payés que les frais de transports en commun locaux alors là même que, dans ce contexte d’inflation et d’augmentation du coût des logements à Paris en prévision des Jeux, se loger relèvera quasiment du parcours du combattant ! Enfin, ces bénévoles n’auront pas droit à des quelconques réductions ou même un billet gratuit pour assister à une épreuve. Ultime étape pour enfin être accrédités, une enquête administrative des services de l’État sera menée pour chacun d’entre eux. Ces personnes engagées pour le bon déroulement de ces Olympiques seront subordonnées, amenées à recevoir des ordres de supérieurs hiérarchiques, devant respecter des horaires précis ainsi que des missions stipulées par des fiches de postes. Enfin, ces volontaires seront à la disposition totale du Comité d’organisation des jeux Olympiques, exécutant leurs sollicitations et se conformant à leurs directives. Or tous ces éléments réunis sont un faisceau d’indices menant à un salariat supposé. À cela, il faut ajouter les nombreux « services civiques » aux statuts ambigus et mis à disposition du COJOP pour prôner les valeurs olympiques dans tout le territoire, à travers le programme « Génération 2024 ». Enfin, des entreprises privées comme l’entreprise suisse d’horlogerie Omega, qui chronomètre les Jeux depuis 1932 et liées aux jeux Olympiques par des contrats, pourront s’appuyer sur l’aide de bénévoles, c’est-à-dire une main-d’œuvre gratuite et corvéable. Dans le cas d’Omega, il est en effet inscrit dans la charte des bénévoles publiée par le comité olympique, que quatre types de missions se feront « sous la supervision des équipes d’Omega » : opérateur tableau d’affichage, statisticien, opérateur chronométrage et notation et équipier ». C’est donc en mobilisant des bénévoles qu’Omega peut s’afficher comme le chronométreur officiel des Jeux, jouissant à cet égard d’une campagne publicitaire à moindres frais mais aussi d’un régime fiscal plus qu’avantageux. Celui-ci a été voté dans un article du PLF 2020, permettant à l’horloger suisse de ne pas être « redevable des impositions au titre des rémunérations perçues du comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques », d’après le rapport relatif à l’effort financier public dans le domaine du sport, publié en annexe du projet de loi de finances pour 2023. C’est donc d’une pierre, deux coups pour l’entreprise qui disposera d’une exonération de quatre millions d’euros, sans avoir à débourser un euro pour les statisticiens et autres opérateurs bénévoles, qui travailleront pourtant pour elle. D’autres entreprises privées ont même trouvé un moyen de se faire une belle publicité grâce aux JO, comme Sanofi par exemple, qui a prévu d’affecter plus de 2 000 salariés comme « bénévoles » complémentaires, à une condition : qu’ils portent un maillot avec des produits Sanofi. Ces volontaires-salariés serviront donc de panneau publicitaire humain, sans frais, pour leur entreprise. Oui, le bénévolat joue un rôle clé dans l’organisation d’évènements, dans le milieu associatif ou dans le milieu sportif, notamment pour des petites structures disposant de moyens réduits. Mais ce que proposent les jeux Olympiques est à une tout autre échelle, du fait notamment de l’argent dont dispose le puissant comité d’organisation, ainsi que les nombreux sponsors qui participent au financement de l’évènement. De plus, avec un emploi du temps extrêmement chargé, sans réelle pause ou possibilité d’avoir du temps personnel libre, avec une stricte définition des tâches, des objectifs à remplir et un fort lien de subordination, cela s’apparenterait plus à un travail, qu’à un « don » consenti de son temps pour les volontaires. Ces jeux Olympiques ne doivent pas être une zone de non-droit du travail, où celui-ci est allègrement outrepassé et où les bénévoles n’auront pas la capacité de se défendre, sous prétexte que ce serait un moment incroyable et unique dans leur vie que de participer à ce grand évènement sportif, tout aussi gigantesque pour son côté lucratif. Est-ce pour Mme la ministre cette image que la France doit projeter, lorsqu’elle parlait récemment sur France Inter du « vrai projet pour notre pays [ ] qui est audacieux, qui est confiant en lui-même et qui est conquérant » ? Le droit du travail doit être respecté, partout sur le territoire et tout le temps : Paris 2024 ne peut être exempté de cette obligation. De plus, l’inspection du travail doit pouvoir agir et intervenir en toute transparence sur les différents sites pour effectuer des contrôles, afin d’éviter tout abus. Il est indécent qu’un tel évènement ne repose quasiment que sur des bénévoles. Sans ces volontaires, les Jeux ne pourraient se tenir. Ces bénévoles vont effectuer des tâches salariales sur la plage horaire maximale légalement autorisée par le droit du travail français. En conséquence, ils doivent être considérés comme des salariés et donc rémunérés décemment. M. le député demande donc solennellement à Mme la ministre d’appuyer la requalification de ces 45 000 bénévoles comme salariés, sous contrat, afin qu’ils puissent percevoir un salaire honnête au vu de leurs fonctions et tâches réelles. Tout travail mérite salaire, d’autant plus lorsque l’on sait que rémunérer a minima au SMIC horaire brut tous ces bénévoles ne coûterait même pas 1 % du budget total des jeux Olympiques de Paris, qui s’élève aujourd’hui à 8,8 milliards d’euros ! Il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.