JOP Hiver 2030, 2034, 2038 : la meilleure décision possible pour la France par Eric de Fenoyl

Le 29 novembre dernier la commission exécutive du CIO invitait le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) et le Comité Olympique et Paralympique des États-Unis (USOPC) à un dialogue ciblé en vue d’accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver 2030 dans les Alpes françaises, et l’édition 2034 à Salt Lake City-Utah. Dans le même temps Swiss Olympic était invité à un dialogue privilégié jusqu’à fin 2027 concernant les Jeux de 2038.

Depuis cette date les quelques critiques en impréparation ou irréalisme de la candidature Alpes Françaises qui avaient accompagné son annonce officielle, en juillet 2023, se sont mues en une contestation d’un choix prétendument dicté par l’absence de réelles candidatures ou de candidatures réellement démocratiques.

Au-delà des postures, dans un contexte contraint par le réchauffement climatique limitant progressivement après 2040/2050 les sites pouvant accueillir des épreuves lors des JO d’hiver, 2030 était l’édition idéale pour organiser des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver raisonnablement ambitieux.

La prétendue absence de réelles candidatures de démocraties ou de candidatures réellement démocratiques : un argument qui ne résiste pas à l’épreuve des faits

Trois dossiers étaient en lice pour cette édition 2030 : Suède, Alpes Françaises et Suisse (Switzerland203x). Trois candidatures, c’est davantage que le nombre moyen de candidatures sur les 5 éditions de 2010 à 2026 (moyenne de 2,6). C’est un regain d’intérêt après deux éditions, 2022 et 2026, n’ayant connu que deux candidatures.

Et ces trois candidatures émanaient de trois grandes destinations historiques des sports d’hivers, accueillant de grands championnats mondiaux de ces sports. Trois démocraties alors que ces dernières années, l’attribution de grands événements sportifs internationaux à des états autoritaires avait soulevé des critiques nombreuses.

Il y a lieu de se réjouir d’une issue favorable pour le dossier Alpes Françaises dans un tel contexte concurrentiel.

Mais on a étrangement plutôt entendu ou lu que le CIO aurait fait ce choix parce que le dossier Alpes Françaises serait le seul à ne pas nécessiter ou prévoir de référendum.

Cette allégation est erronée et il est possible de le constater dans les dossiers, publics, des études de faisabilité.

L’étude de faisabilité déposée par Swiss Olympic comporte une analyse juridique sur le sujet dont les conclusions sont très claires : « les voies du référendum ne devraient pas être ouvertes », « le risque d’un référendum est très faible, même s’il ne peut pas être exclu à 100% », « en cas d’acceptation d’un référendum, il serait également envisageable de se tourner vers des sites situés dans d’autres cantons, ce qui serait faisable pour la plupart des sports » [1].

S’agissant du dossier suédois l’étude de faisabilité réalisée par le CIO comporte une analyse du « political support » avec identification des collectivités publiques impliquées, du soutien politique et du sujet du référendum (ci-contre).

La présentation est sous la même forme et en même page pour l’étude de faisabilité du dossier Alpes Françaises (ci-contre).

Et les conclusions sont strictement identiques s’agissant du sujet du référendum : « not required / not planned » pour Sweden[2], « non requis / non prévu » pour Alpes Françaises[3].

Il est donc factuellement inexact d’avancer que le risque de référendum aurait fait la différence entre le dossier Alpes Françaises, le dossier Suède et le dossier Suisse.

2030, la bonne « fenêtre de tir » dans le contexte de réchauffement climatique

Personne ou au moins personne de sérieux ne nie la réalité du réchauffement climatique, ni son impact sur les sports d’hiver.

Depuis décembre 2022, le CIO a d’ailleurs fixé deux critères pour l’attribution des Jeux d’hiver :

–    « pour des raisons de durabilité, les futurs hôtes des Jeux Olympiques d’hiver devaient se fixer pour objectif de n’utiliser que des sites existants ou temporaires ; et

–    les conditions sur les sites proposés pour les compétitions sur neige devaient être fiables sur le plan climatique jusqu’au milieu du siècle au moins ».

Le dossier Alpes Françaises remplit ces deux critères en utilisant des sites existants (même si des équipements complémentaires, limités, devront être réalisés) et en retenant, pour les compétitions de neige, des sites présentant des conditions fiables jusqu’à après 2050.

En retenant un tel « horizon fini » (2050 ou probablement plus tard selon les sites), il est économiquement indiscutable que la première échéance olympique est la meilleure puisque la mieux à même de laisser le plus de temps après l’événement.

En retenant, pour les besoins du raisonnement, une échéance pessimiste de 2050, l’édition 2030 laisse pour amortir l’événement et organiser / poursuivre la transition, 20 ans là où l’échéance de 2038 n’aurait laissé que 12 ans.

Toute personne qui a un jour porté des investissements dans ses fonctions au sein d’une organisation publique, d’une entreprise privée, ou à titre personnel pour un bien immobilier ou mobilier a clairement conscience de l’enjeu de la période d’amortissement.

C’est la raison pour laquelle alors que les échéances initialement envisagées en 2034 et surtout 2038 pouvaient faire hésiter (surtout pour la seconde), il était judicieux de saisir la « fenêtre de tir » qui s’est ouverte pour l’échéance 2030.

Et dès lors que le dossier n’utilise, conformément aux nouveaux critères que des sites existants ou temporaires, le délai de 6 ans qui sépare de cette échéance reste réaliste. Sans évidemment lui dénier un caractère ambitieux imposant d’engager rapidement les opérations complémentaires d’équipements à mener et d’accélérer les opérations d’infrastructures aujourd’hui en projet (notamment pour les transports).

Le vrai sujet : l’avenir des Jeux Olympiques et Paralympiques

A travers les oppositions formulées il y a lieu de se demander si, au-delà de postures faisant feu de tout bois (y compris des arguments les plus erronés comme indiqué ci-dessus), ce n’est pas l’idée même de Jeux Olympiques et Paralympiques qui est contestée. Car il n’est pas exclu que certains souhaitent au fond la fin des Jeux et plus largement des grands événements sportifs internationaux. Un retour à un « chacun chez soi » dans une sorte d’autarcie sportive.

Il s’agit d’un positionnement idéologique répondant à une certaine logique.

On peut également penser qu’aussi longtemps que des grands événements sportifs internationaux, au premier rang desquels les Jeux Olympiques et Paralympiques pourront raisonnablement s’organiser, il sera pertinent que des démocraties candidatent à leur organisation.

A défaut ce serait, pour éviter des contestations locales, laisser ces grands événements être organisés dans des pays potentiellement bien moins respectueux des droits humains, sociaux et environnementaux et donc dans de moins bonnes conditions pour l’humanité et la planète.

De nombreuses voix se sont élevées ces dernières années contre la multiplication de ces grands événements dans des états autoritaires peu respectueux de l’environnement. Nombreuses ont vilipendé les Jeux Olympiques de Sotchi, de Pékin, le mondial au Qatar ou encore les futurs Jeux Asiatiques d’hiver en Arabie Saoudite (voire la coupe du monde de football).

Les Jeux Olympiques et Paralympiques et plus globalement les Grands Evénements Sportifs Internationaux de demain concilieront l’ambition et la raison lorsqu’ils seront organisés là où ils pourront l’être dans les meilleures conditions pour l’humanité et la planète.

Telle devra être l’ambition pour les Jeux Olympiques et Paralympiques d’Hiver 2030 dans les Alpes Françaises si l’attribution de ces Jeux devait être confirmée cet été par le CIO.

Eric de Fenoyl


[1]     Swiss Olympic, Jeux Olympiques et Paralympiques d’Hiver Switzerland 203x,  Rapport relatif à l’étude de faisabilité, 18 octobre 2023, https://www.swissolympicteam.ch/dam/jcr:4671c344-44cd-4f2c-9035-eb1cd8342410/SO_Machbarkeitsstudie_FR_171023.pdf

[2]     IOC Feasability Assessment, Olympic Winter Games, Sweden, November 2023 https://stillmed.olympics.com/media/Documents/Olympic-Games/Future-Host/ioc-feasibility-assessment-future-olympic-winter-games-sweden.pdf?_ga=2.115893760.764872079.1704742223-725257283.1695293725

[3]     Etude de Faisabilité du CIO, Jeux Olympiques d’Hiver, Alpes Françaises – France, Novembre 2023 https://stillmed.olympics.com/media/Documents/Olympic-Games/Future-Host/ioc-feasibility-assessment-future-olympic-winter-games-french-alps-fr.pdf?_ga=2.25594877.1720077515.1705933258-418156994.1705933258

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