Bilan, défis et perspectives du métier de Maître-Nageur Sauveteur. Interview de Jean-Claude SCHWARTZ Président National de la FNMNS 

Jean Claude SCHWARTZ est Président National de la FNMNS depuis 20 ans. il a accepté de répondre à nos questions sur le bilan de la réforme de la filière aquatique, les défis et perspectives du métier de MNS, les dossiers importants pour la FNMNS

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On annonçait une pénurie de MNS cet été. Quels retours avez-vous de votre côté ? Plus globalement est ce qu’il y a un déficit des MNS en France ?

Cette année, nous avons pu observer une légère inflexion des appels téléphoniques ou d’emails parvenant au siège, pour des postes restant vacants.

L’arrêté de juin 2023 libéralisant l’emploi des BNSSA a dû porter ses fruits. Il s’est avéré cependant que pas mal de responsables de petites piscines n’ouvrant que l’été, n’aient pas été  au courant de ces nouvelles dispositions.

La pénurie existe toujours mais principalement en raison du turn-over que nous pouvons observer au sein de notre profession. Si les causes sont multiples, elles concernent en premier lieu les rémunérations salariales qui sont loin d’être attractives et les conditions de travail qui, avec un taux d’incivilités croissant, ne cessent de se dégrader.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la filière aquatique sur ces dernières années ? Est-ce que les mesures prises répondent aux besoins ?

Nous étions opposés à la libéralisation totale des conditions d’emploi des BNSSA que permet dorénavant l’arrêté de juin 2023, compte tenu des risques que cela représentait pour les MNS. Toutefois, afin de mieux répondre aux besoins saisonniers, nous étions favorables à une extension de la durée de leur employabilité, notamment durant les congés scolaires et les weekends. Cette nouvelle réglementation ouvrant la voie à un recrutement permanent des BNSSA nous fait craindre de voir des employeurs, peu scrupuleux, n’embaucher que cette catégorie de surveillants sauveteurs à la place des actuels MNS. Cela se fera encore une fois au détriment de l’enseignement de la natation alors que ce secteur est déjà déficitaire depuis bien trop longtemps.

Nous aimerions vraiment que le BNSSA devienne un tremplin permettant d’aller vers la formation de MNS et que la profession de Maître Nageur Sauveteur soit valorisée financièrement en reconnaissance des tâches d’enseignement et d’animation que, ceux qui l’exercent, sont amenés à accomplir. Cela fait des années que nous évoquons le problème et si on ne trouve pas rapidement de solutions, le désamour que l’on constate envers la  profession de Maître Nageur Sauveteur ne cessera de croître ; ce qui à terme aboutira à une offre de plus en plus limitée des cours de natation et, par voie de conséquence, se traduira à la fois  par une diminution sans cesse croissante du nombre d’enfants sachant nager et d’une probable augmentation du nombre de noyades.  

Cette filière aquatique mérite véritablement que l’on porte plus d’intérêt pour son rétablissement car elle est réellement malade…

Selon vous, comment se porte l’apprentissage de la natation en France ?

Si on se satisfait des médailles que la France a remporté aux JO de Paris, on pourrait penser que tout va bien… Mais derrière tout cela se cache une triste réalité.

De plus en plus d’enfants arrivant au collège ne savent toujours pas nager et, d’année en année, cela s’amplifie. L’Education Nationale n’est pas capable de tenir son rang, les professeurs des écoles sont peu ou mal formés et on complète les effectifs d’encadrement avec des parents qui, dans la plupart des cas, n’ont reçu aucune formation préalable.

Avec le programme d’aisance aquatique, les pouvoirs publics essayent de rectifier le tir en proposant une démarche d’apprentissage de la natation que, certes, nous soutenons mais ce n’est pas en mettant en place des « stages massés » à coup de subventions qu’on y arrivera.

En effet, une fois ces stages passés, aucun suivi n’est mis en place pour entretenir et perfectionner ces acquis ? Pour y parvenir, il faut des professionnels de la natation, des créneaux horaires et des piscines et pas seulement du saupoudrage.

Nous courrons le risque que l’autonomisation des BNSSA en piscine toute l’année et, sans limitation d’exercice, entraîne une régression de l’enseignement de la natation dans le milieu scolaire qui déjà va très mal. Pour y remédier, nous avions émis une proposition de quota en fonction du nombre de MNS employés pour l’enseignement sans que cela ait trouvé actuellement un écho favorable auprès des ministères de l’Education Nationale et des Sports.

On en revient toujours à l’essentiel. L’apprentissage de la natation doit être fait et encadré par des professionnels de la natation.

Malheureusement, force est de constater que ce qui est possible dans d’autres pays de l’union européenne, ne l’est pas en France… On en est presque à regretter les années 70, avec la mise en place de  l’opération « Mille piscines », ces petites structures avec lesquelles on a pu pendant un temps développer, de façon significative, l’enseignement de la natation alors qu’ aujourd’hui, on construit des établissements qui valent plusieurs millions d’euros, orientés le plus souvent sur les loisirs aquatiques où la recherche de rentabilité est prépondérant  et où la place laissée à l’enseignement de la natation est devenue portion congrue.

Comment se porte la FNMNS ? Quelles sont aujourd’hui ses principales missions ?

Notre fédération se porte bien. Ses effectifs sont en constante augmentation et nous comptons actuellement plus de 6 000 adhérents.

Une enquête réalisée fin 2023 par le Ministère des Sports nous place comme l’organisation professionnelle la plus représentative des métiers de la natation et du sport.

Nous représentons les professionnels de la natation auprès des ministères de tutelle.

Nous intervenons dans différents domaines comme l’expertise, le conseil, la formation, l’information, et bien sur la défense de nos collègues auprès de différentes instances juridictionnelles, secteur d‘activité qui ne cesse de croître et qui, malheureusement, est très révélateur de la crise que traverse notre profession.

Notre Centre National de Formation et ses 170 centres départementaux et antennes affiliés en métropole et en outre-mer, délivrent environ 26 000 certifications par an.

Les formations proposées concernent aussi bien le secourisme que les formations conduisant aux métiers de la natation et du sport (BNSSA, MNS, SSA en milieu naturel, Aquamarche, etc…).

Nous formons près de 2 000 BNSSA et environ 180 BPJEPSAAN chaque année. 

Quels sont les grands dossiers importants pour la FNMNS ces prochaines années ?

Principalement, les conditions de travail des MNS, la prise en compte de leurs responsabilités et des risques qu’ils encourent et la reconnaissance, à sa juste valeur, du face à face pédagogique. Ce sont des problématiques qui inlassablement reviennent systématiquement sur le devant de la scène, sans que les pouvoirs publics y apportent des solutions véritablement efficaces. Sans remédiation de ces derniers, nous allons droit dans le mur. 

Quitte à nous répéter, il est urgentissime de procéder à une revalorisation de ce métier, le MNS, sans laquelle le désintérêt pour ce métier ne cessera de croître. Cela se traduit déjà, sur le terrain, par une baisse du nombre de formations en raison du manque de candidats.

Cela passe également par une meilleure répartition des compétences et une révision totale de la formation du BNSSA ; lequel n’est plus du tout adapté à ses nouvelles conditions d’exercice en autonomie en piscine et encore moins en milieu naturel.

Ce n’est qu’à ce prix que l’on pourra envisager de créer ce continuum solide permettant de mettre plus de candidats qui pourront s’engager, de manière pérenne, dans cette carrière afin ne plus les voir abandonner après quelques années d’activité.

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