La Cour des comptes célèbre la Journée olympique… à sa manière « Let’s Account! »
Alors que le monde du sport célèbre le 23 juin autour du mot d’ordre « Let’s Move! », la Cour des comptes a choisi un tout autre tempo : « Let’s Account! ».
Dans un rapport publié le 23 juin 2025, elle évalue les dépenses publiques liées aux Jeux de Paris 2024 à 5,96 milliards d’euros, répartis entre 2,77 Md€ de dépenses d’organisation (sécurité, transports, coordination) et 3,19 Md€ d’investissements en infrastructures (sport, aménagement, transport, sécurité).
Le Comité d’organisation des Jeux (COJOP) a été principalement autofinancé par des recettes privées (4,48 Md€, soit 93,6 % du budget), mais l’État a dû en parallèle assumer l’essentiel des coûts périphériques. La sécurité, notamment, pèse 1,44 Md€, « assumée à 95 % par l’État conformément à sa vocation régalienne ». À cela s’ajoutent 570 M€ pour les transports et 421 M€ pour la mobilisation populaire et la haute performance.
Le COJO dénonce « une publication précipitée » du rapport.
Dans sa réponse à la cour, « Paris 2024 regrette que l’important travail de recensement mené par la Cour ne se traduise pour l’heure ni par un bilan global des Jeux, très attendu tant par la représentation nationale que par les Français, ni a minima par une représentation fidèle des « dépenses publiques liées aux Jeux ». La publication précipitée de ce document introduira hélas, dans l’esprit du public, une confusion sur la réalité de cet événement majeur, qui a donné à voir le meilleur de notre pays il y a à peine un an.
Le COJO estime la dépense à 2 Md€ et non à 6 Md€
Et de poursuivre « À travers ses choix méthodologiques, la Cour s’est en effet refusée à examiner la seule question qui permettrait valablement d’éclairer le débat public : quel montant aurait été économisé par les finances publiques si les Jeux ne s’étaient pas tenus à Paris ? Il est incontestable que ce montant serait sans commune mesure avec les 6 Md€ aujourd’hui présentés par la Cour. Le comité d’organisation, ainsi qu’il l’a déjà indiqué pendant la contradiction, estime pour sa part que ce chiffre ne dépasse pas 2 Md€, quand par ailleurs les retombées économiques attendues des Jeux représentent 3 à 5 fois ce montant. »
« Je maintiens notre approche car le contexte des finances publiques » répond Pierre Moscovici.
Selon l’équipe, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, a souligné que les 6 Mds€ d’argent public dépensés pour les Jeux de Paris 2024 ne sont « pas si loin » de l’estimation de Matignon, s’élevant à 5,3 Mds€. « Les Jeux de Paris 2024 ne sont pas les plus chers de l’histoire, les coûts ont été tenus, à part pour la sécurité », a souligné Moscovici. « Je maintiens notre approche car le contexte des finances publiques a évolué, une approche la plus large possible même quand le lien est indirect » a poursuivi le dirigeant qui a rappelé l’importance de ce chiffrage à l’heure où « le pays se prépare aux Alpes 2030 ».
La réplique d’Amélie Oudéa-Castéra « La cour charge la barque et additionne des Choux et carottes »
Ce chiffrage, bien que méthodique, a suscité une réaction vive d’Amélie Oudéa-Castéra. Dans une déclaration à RMC Sport, la présidente du CNOSF a estimé que le rapport additionne « les choux et les carottes », dénonçant une méthode qui agrège des dépenses de nature très différente. « Ce rapport ne dénonce aucune dérive budgétaire, aucun relâchement dans la gestion des coûts, aucune dépense déconnectée des besoins des Jeux », explique Amélie Oudéa-Castéra. Elle reproche à la Cour d’intégrer sans distinction des « investissements long terme, de l’aménagement urbain, des droits TV, des dépenses de sécurité » et de ne pas valoriser « l’effet d’accélérateur d’investissements d’intérêt public » provoqué par les Jeux. Et d’enfoncer le clou sur Linkedin Ni dérive. Ni dépenses somptuaires. Ni dépenses injustifiées « la note d’étape de la Cour a 3 partis pris assumés mais regrettables, car il ne faudrait pas que ces partis pris soient instrumentalisés par ceux qui rêveraient de donner l’impression de surcoûts incontrôlés pour pouvoir – enfin ! – écorner l’image des Jeux de Paris 2024 »
Elle juge également que ce « rapport trop complet » dilue la spécificité des engagements pris lors de la candidature. Un point d’autant plus sensible que le rapport rappelle lui-même que certains effets positifs (recettes fiscales, retombées économiques) n’ont pu être évalués à ce stade.
2019 : Sébastien Chesbeuf avait prévenu
La publication de la Cour fait aussi écho à des alertes internes lancées dès 2019 sur le glissement budgétaire des Jeux. Dans La face cachée des JO, Sébastien Chesbeuf témoigne du flou sur le financement du stade temporaire de la place de la Concorde, destiné aux sports urbains. Sébastien Chesbeuf a été licencié par le COJO
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Début décembre 2019, Étienne Thobois, directeur général du COJOP, plaide pour « cranter la décision pour mettre l’État au pied du mur et le contraindre à payer ». Il conclut avec un sourire : « Donc, tu vois bien que j’ai raison. On ne paiera pas. »
Cette stratégie du fait accompli inquiète alors certains membres de l’exécutif. L’un d’eux écrit : « Mais comment, dans ces conditions, peut-on entériner dès maintenant ce projet sans connaître le budget pluriannuel d’ensemble ? (…) Comment sera-t-il financé dès lors qu’il ne figurait pas dans le budget initial ? » (Fabrice Lacroix, directeur des affaires financières du COJOP, 28 novembre 2019).
Jean Castex, alors en fonction, voit le piège, mais « il a laissé ce piège se refermer ». Le rapport de la Cour, cinq ans plus tard, en fournit la démonstration comptable.
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