Les équipements sportifs constituent le fondement même d’une politique sportive. Au delà de leur positionnement sur le territoire de leur dimensionnement, leur fonctionnalité constitue un élément majeur de leur capacité à répondre à la demande du public à générer du lien social, à accompagner les clubs dans leur vie associative et leur autonomie.
Il n’y a rien de plus structurant dans une politique sportive qu’un équipement sportif.
Chacun sait que les équipements sont aujourd’hui datés et nécessitent des travaux de rénovation ou de reconstruction pour mieux répondre à la demande sociale.
Le problème est qu’aujourd’hui le financement d’une rénovation ou d’une construction est un parcours semé d’embuches.
En premier lieu le financement partagé impose un accord préalable de tous les partenaires. La difficulté aujourd’hui, et encore plus à venir est liée au calendrier politique et à la nouvelle gouvernance des collectivités que souhaite mettre en place le gouvernement. Difficile à partir des prochains mois de lancer une construction d’équipement tout au plus une étude de faisabilité en raison des élections municipales de mars 2014. Le report annoncé des élections cantonales et régionales en 2015 va figer toutes les politiques contractuelles et les financements entre les élections municipales et les élections cantonales et régionales.
A ceci s’ajoute la réforme des collectivités territoriales, c’est le second point et la nécessité de définir une nouvelle gouvernance par compétence et donc les financements croisés (cf notre édito du 13 novembre Sport et décentralisation : Finissons en ! ).
A ces difficultés d’agenda qui risquent de geler les projets sur les 3 prochaines années, s’ajoutent des difficultés contextuelles liées au financement public. Aujourd’hui les collectivités ont de réelles difficultés pour emprunter à long terme « Prêter à long terme des encours importants à des clients qui ne proposent aucun dépôt, ce qui oblige à aller chercher systématiquement sur les marchés de l’argent pour le leur prêter devient un exercice complexe » analysent les experts.
Le gouvernement est conscient de cette crise et a décidé de lancer la semaine dernière un plan en 7 mesures Financement des collectivités locales : un plan d’action en sept mesures.
Dans ce contexte l’annulation de la campagne de subvention de l’automne (23 millions d’euros) pourrait paraître anecdotique. Cette décision n’est qu’un obstacle de plus dans la recherche de financements et peut-être pour certains le report à un calendrier plus propice. Sur le CNDS nous pensons qu’il aurait été préférable au contraire de renforcer la part nationale Equipements sportifs afin de doter les acteurs du sport d’un outil efficace pour renfoncer l’accès pratiques sportives et lutter contre les déséquilibres. En effet la part territoriale du CNDS (142 M€ en 2011) finance les clubs sportifs, les comités départementaux et régionaux des fédérations. Nous proposons d’arrêter le saupoudrage aux clubs (soit la moitié de la part territoriale) (cf notre édito du 13 novembre Sport et décentralisation : Finissons en ! ) et de mobiliser cette enveloppe au profit des équipements sportifs. Dans une logique de subsidiarité cette part territoriale dédiée aux clubs dont les objectifs varient selon les ministres n’a pas de pertinence, elle est souvent reconduite d’une année sur l’autre sans évaluation.
Il faut cesser avec cette idéologie démagogique qui laisserait entendre du l’Etat pourrait grâce aux subventions qu’il verse aux associations infléchir leur politique.
Des inquiétudes sur les grandes enceintes aussi
Et si les subventions publiques aux grandes enceintes sportives étaient illégales au regard du droit communautaires ? C’est en substance la question que le gouvernement français aurait du poser la commission européenne pour les stades et les arénas. Cela fait maintenant 6 ans que nous alertons les pouvoirs publics sur cette fragilité juridique
Cf notre édito : Présidence de l’union européenne : les dossiers d’actualité dans le sport ne manquent pas , que compte faire le ministère ? (13/05/2008) cf notre édito Le SIEG absent de la déclaration de Biarritz : et pourtant il y a urgence (02/12/2008)
De quoi s’agit il ? La commission européenne considère que les aides d’Etat (en langage européen il s’agit à la fois des aides d’Etat et des aides des collectivités locales) attribuées pour la construction et l’exploitation de complexes sportifs multifonctionnels pourraient être de nature à fausser la concurrence. Ainsi la Commission a ouvert une enquête approfondie sur le financement de complexes multifonctionnels à Copenhague et à Uppsala. Pour l’Euro 2016 le précédent gouvernement a laissé la patate chaude à l’actuel qui doit saisir la commission européenne avec à l’appui tous les dossiers de l’Euro 2016. « la Commission européenne doit être saisie afin de s’assurer de la validité des subventions versées » déclarait V Fourneyron à l’assemblée nationale le 17 juillet 2012.
Difficile d’imaginer les conséquences d’une réponse négative de la commission … mais nous pensons que le travail aurait du être fait en 2008 pour garantir tous les projets et tous les montages et éviter, ce qui serait dans le cas d’une réponse négative ou nuancée un terrible revers pour la France.
Cette désinvolture a créé un nouveau point de fragilité.
Notre proposition : un choc des mentalités pour un modèle d’équipements sportifs 2.0
Longtemps les collectivités ont cru qu’elles devaient se concentrer sur les équipements destinés à l’éducation et à la compétition. En miroir les opérateurs privés seraient en charge du sport loisirs, du bien être, de la détente. Cette croyance fondée dès les années 70 sur la dichotomie opposant le sport qui coute d’une part et le sport qui rapporte d’autre part est à l’origine d’une génération d’équipements publics pensés essentiellement pour la première catégorie. Il n’y a guère que les piscines qui ont du dès les années 9O s’adapter pour répondre à toutes les catégories de public et toutes les finalités de pratiques (éducation, compétition, santé, hygiène, bien être, détente, ludique, …. ).
Face à la pression sociale de ceux qui ont été classés à une époque comme les auto organisés, les collectivités locales ont pris aujourd’hui conscience que tous les équipements sportifs avaient vocation à répondre à toutes les demandes sociales. Fini le temps où le gymnase, où le stade n’était réservé qu’aux scolaires et aux clubs, le gymnase doit permettre d’accueillir des non licenciés, le stade doit permettre à une bande de copains de faire leur match le dimanche matin, … les fameux auto organisés ne se contentent plus du jogging sur les bords du canal ou du fleuve, de l’équipement de proximité. Les bénéficaires des J sport (début des années 90 ) ont grandi !
Cette évolution qui modifie les conditions d’accès aux équipements va impacter leur tarification. Alors que la gratuité a longtemps été la règle, de plus de plus de communes mettent en place une politique tarifaire différenciée et n’hésitent plus à faire payer les bénéficiaires. La généralisation de la tarification des équipements sportifs est une question de temps mais est une tendance lourde. A terme les collectivités préfèreront faire payer les équipements et verser des subventions aux personnes et passer progressivement d’une logique d’égalité à une logique d’équité.
Dans ce contexte nous renouvelons notre proposition d’inverser le modèle pour les grandes enceintes sportives, en confiant la maitrise d’ouvrage et les ouvrages existants aux clubs et aux opérateurs privés d’un coté et de l’autre en permettant aux collectivités de soutenir cet investissement par l’achat de places, des loge, d’espaces publicitaires, et en louant l’équipement pour des missions de service public, voire en apportant des garanties. (cf notre édito)
La ligue fermée une voie d’avenir ? par Patrick Bayeux (03/04/2012)
Cette approche serait également pertinente pour les équipements qui génèrent des recettes telles que les piscines, les patinoires et aussi à terme les complexes sportifs.
Cette proposition que nous mettons au débat est de nature à accélérer l’adaptation du parc d’équipements sportifs à la demande sociale, à trouver de nouvelles sources de financement. Elle permet également de sécuriser le fonctionnement du sport professionnel. Elle n’est que la conséquence d’une mondialisation du sport professionnels , dont les fonds publics ne peuvent plus être la variable d’ajustement. Mais, cela nécessite avant tout une évolution des mentalités.