Le régime d’inégalités de la gouvernance des fédérations sportives françaises par Annabelle Caprais
Publié dans management et organisation du sport, et signé par Annabelle CAPRAIS, de l’Université de Bretagne Occidentale, Laboratoire d’Économie et de Gestion de l’Ouest, cet article s’intéresse à la gouvernance des fédérations sportives françaises. L’objectif est d’analyser les processus organisationnels qui produisent des inégalités (de genre, de classe, de race, etc.) en leur sein. À cette fin, l’étude mobilise cinq études de cas de fédération (basket-ball, cyclisme, rugby à XIII, danse et UFOLEP). La méthode s’appuie des entretiens semi-directifs avec des dirigeants et des dirigeantes (n=78) et une étude documentaire. Elle montre que derrière un fonctionnement désincarné, la gouvernance constitue un espace peu formalisé où la sociabilité joue un rôle essentiel. Au lieu d’égaliser les règles de participation à la gouvernance, le système électoral produit et légitime des discriminations indirectes. Les votes, inégalement répartis entre les candidats et les candidates, favorisent ceux issus des territoires les plus importants en termes de pratique licenciée. Le recrutement des dirigeants repose sur un système de recommandations claniques qui participe à leur reproduction sociale. Si ces résultats confortent la littérature sur la gouvernance du sport, l’étude met par ailleurs au jour de nouveaux processus participant au régime d’inégalités. Évoluer hiérarchiquement nécessite l’acquisition de dispositions corporelles et temporelles spécifiques. Enfin, si les fonctions dirigeantes sont bénévoles, elles engagent un investissement économique afin d’accès aux postes les plus importants. Ces éléments constituent autant de filtres organisationnels qui participent à restreindre l’accès aux postes décisionnels et au maintien d’hommes, perçus comme blancs, et issus des classes sociales les plus privilégiées à la présidence. Ces résultats invitent à mettre en perspective les actions engagées envers la lutte contre les inégalités dans la gouvernance du sport. En effet, suivant une approche individualisante, celles-ci privilégient pour l’heure la promotion des dirigeantes via des formations dédiées, laissant quasi inchangé le système global de production des inégalités.