Gouvernance territoriale du sport : les collectivités sous tutelle ? Les élus l’ont-ils bien compris ?
Le projet de décret relatif aux conférences régionales du sport et aux conférences des financeurs du sport va être une nouvelle fois examiné au Conseil d’État vendredi puis publié. Nous avons eu accès à la dernière version du décret qui sera présenté en Conseil d’État et le moins que l’on puisse dire c’est qu’une explication de texte s’impose.
En effet si au niveau de l’Agence nationale du sport l’État n’a plus la main sur les budgets affectés au développement de la pratique sportive (aujourd’hui apportés uniquement par l’État) en n’ayant que 30 % des votes, le décret prévoit que sur les territoires les collectivités sont minoritaires pour voter les budgets affectés aux politiques sportives territoriales. Budgets apportés principalement par les collectivités. L’Etat est sous tutelle au niveau de l’Agence nationale du sport, les collectivités sont sous tutelle au niveau des territoires. En arbitres, le mouvement sportif et le monde économique. Ça promet !
Visiblement il y a une incompréhension de taille, peut être entretenue par l’Agence nationale qui peut laisser penser que toute cette usine à gaz a été mise en place sur les territoires pour que les acteurs se répartissent l’argent de l’Agence nationale du sport (ou ce qu’il en reste). En réalité c’est tout le financement public et associatif du sport qui sera discuté et voté par les conférences régionales et conférences des financeurs. Un financement apporté principalement par les collectivités.
2 vainqueurs, 1 perdant, 1 spectateur
L’État sort vainqueur de cette nouvelle gouvernance en étant à la manœuvre sur les territoires. D’ailleurs les agents de l’État seront-ils suffisamment nombreux pour assurer la conduite des projets sportifs territoriaux ?
Le mouvement sportif est également gagnant en ayant récupéré l’ex-part territoriale du CNDS gérée aujourd’hui par les fédérations.
Le perdant, les collectivités qui ne pourront plus décider librement du financement accordé aux politiques sportives !
Quant au monde économique pour l’instant il assiste au spectacle.
Si notre lecture s’avérait erronée et qu’au final toute cette usine à gaz ne vise qu’à décider de la répartition des fonds de l’Agence sur les territoires, ce ne serait qu’un moindre mal mais franchement tout ça pour ça ! Si notre lecture s’avérait exacte il faudra que les élus qui siègent au sein de l’Agence nationale du sport expliquent comment on a pu en arriver là ! En tout cas ça mérite une précision…
Explication de texte.
La conférence régionale du sport c’est
– 1 délégué territorial de l’Agence : le préfet de région. « Le préfet est le délégué territorial de l’agence. L’Agence nationale du sport participe aux travaux de la conférence régionale selon les modalités déterminées par son délégué territorial. »
– 1 secrétariat assuré l’État : le secrétariat est assuré par le service de l’État chargé de la politique publique du sport. Il peut être mutualisé avec les services de l’institution dont est issu le président de la conférence.
– 1 présidence : la présidence est élue parmi 4 collèges. Les 4 collèges délibèrent à la majorité simple des présents : État (30 %), mouvement sportif (30 %), collectivités territoriales (30 %), autres personnes physiques et morales intéressées par le développement du sport et des organisations professionnelles représentatives des acteurs du monde économique (10 %).
La conférence régionale du sport élabore et adopte un projet sportif territorial…
Le projet sportif territorial concerne « 8 domaines » :
1° Le développement du sport pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire ;
2° Le développement du sport de haut niveau ;
3° Le développement du sport professionnel ;
4° La construction et l’entretien d’équipements sportifs structurants ;
5° La réduction des inégalités d’accès aux activités physiques et sportives ;
6° Le développement des APS adaptées aux personnes en situation de handicap ;
7° La prévention de et la lutte contre toutes formes de violences et de discriminations
8° La promotion de l’engagement et du bénévolat dans le cadre des activités physiques et sportives.
Le projet sportif territorial est construit en 3 étapes :
– Un bilan de l’offre sportive existante sur le territoire régional ;
– Un programme comportant les mesures et les actions à mettre en œuvre au regard notamment des objectifs ;
– Les modalités de suivi du programme d’action.
… qui donne lieu à des contrats pluriannuels d’orientation et de financement
« Le projet sportif territorial donne lieu à la conclusion de contrats pluriannuels d’orientation et de financement qui précisent les actions que les membres des conférences des financeurs du sport s’engagent à conduire ainsi que les ressources humaines et financières et les moyens matériels qui leur seront consacrés, dans la limite des budgets annuellement votés par chacun de ces membres. » prévoit l’article L 112-14 du code du sport.
L’agence est à la manœuvre
On relève que globalement le financement pour chaque domaine est apporté par les collectivités territoriales. Mais c’est l’État qui est à la manœuvre en assurant le secrétariat de la conférence régionale du sport et l’Agence qui dirige la manœuvre puisque le décret prévoit que « l’Agence nationale du sport participe aux travaux de la conférence régionale selon les modalités déterminées par son délégué territorial. »
La ou les conférence(s) des financeurs instituée(s) par la conférence régionale
Une conférence est créée pour le ressort territorial ou pour les domaines dont elle traite. Ainsi le choix est donné :
– soit de créer des conférences au niveau inter départemental, au niveau départemental ou au niveau métropolitain,
– Soit par domaine en référence aux 8 domaines ci-dessus.
Une conférence présidée par les collectivités. Le décret prévoit que « lors de sa première réunion, chaque conférence des financeurs élit, en son sein, à la majorité simple des membres présents, un président, sur proposition du collège des collectivités territoriales. »
4 collèges :
– État : 7 membres ou plus si plusieurs Creps
– Collectivités territoriales : région : 1 ; département 1 par chaque département du périmètre géographique (4 à 13 département par région selon les régions) ; commune 3 ; CC et CA : 1 par métropole, 1 par communauté urbaine (soit 2 à 4 selon les régions)
– Mouvement sportif : 6 membres
– autres personnes physiques et morales intéressées par le développement du sport et des organisations professionnelles représentatives des acteurs du monde économique : 6 membres
Les collectivités minoritaires en voix mais très largement financeurs
Quelle que soit l’hypothèse retenue, les collectivités qui financent en grande majorité les 8 domaines précités ne sont pas majoritaires dans la conférence des financeurs. L’Agence nationale du sport participe aux travaux de la conférence des financeurs du sport selon les modalités déterminées par son délégué territorial.
La mission de la conférence des financeurs : « conclure les contrats pluriannuels d’orientation et de financement ».
La conférence des financeurs doit :
1° Définir les seuils de financement à partir desquels elle examine les projets
d’investissement et les projets de fonctionnement qui lui sont soumis pour examen et avis ;
2° Emettre un avis relatif à la conformité de chaque projet qui lui est soumis aux orientations définies par le projet sportif territorial ;
A noter que pour ces 2 premiers points les délibérations sont prises à la majorité absolue des membres présents. 3° Identifier les ressources humaines et financières et les moyens matériels que les
membres de la conférence lui indiquent être susceptibles d’être mobilisés, dans la limite des
budgets annuels, en vue d’un contrat d’orientation et de financement.