Pendant le confinement, retour sur la gouvernance du sport – Épisode 2 : une vision prometteuse
Après un premier épisode consacré au lancement du chantier Gouvernance du sport ce second porte sur le résultat de la démarche. Le troisième traitera de la décision de changer de modèle, une décision tumultueuse.9 mois de concertation, 6 séminaires, plus de 500 personnes associées à la réflexion, une consultation numérique et finalement un consensus qui émerge sur une nouvelle gouvernance.
Un consensus sur le constat
Une nouvelle gouvernance pour changer le modèle actuel marqué par sa complexité, le manque de lisibilité des politiques sportives et des missions respectives des différents acteurs, les difficultés entre les acteurs pour gérer une compétence partagée, un saupoudrage de moyens.
Mais aussi une difficulté à s’adapter à l’évolution de la demande sociale, aux nouveaux modes de consommation, un niveau de pratique sportive en baisse chez les jeunes et chez les femmes, des résultats aux JO stables, voire en baisse pour les paralympiques.
Un consensus sur la nécessité de faire évoluer le modèle
Faire évoluer le modèle a été considéré comme une nécessité. L’organisation du sport est ancienne et exclusivement fondée sur une relation entre l’État et les fédérations. Elle ne tient pas suffisamment compte des collectivités dont le financement est majeur. Le système de financement est obsolète avec un financement en silos ou chaque acteur porte ses propres objectifs. Sur le terrain les clubs en tension répondre à de multiples injonctions pour toucher des subventions.
Un consensus qui a rapidement pris forme quant au modèle à privilégier
Rapidement après 2 séminaires de concertation 4 scénarios ont été proposés aux membres du comité de pilotage de la nouvelle gouvernance (dans lequel étaient représentés l’Etat, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et le monde économique).
– Le scénario de la continuité qui améliorait le modèle actuel, mais sans clarification des compétences. Un modèle où « chacun continue à poursuivre ses objectifs propres sans vision commune, ni coordination »
– Le scénario de la rupture dans lequel toutes les compétences et financements (taxes) étaient transférés au mouvement sportif qui organise le sport au niveau national et sur les territoires à la fois dans sa dimension de gestion du haut niveau et de la performance et dans sa dimension d’organisation du développement de la pratique sportive. Ce scénario, qui rappelle le modèle italien, a été repoussé par tous les acteurs, y compris le mouvement sportif.
– Le scénario de la décentralisation dans lequel la haute performance et le haut niveau sont dissociés du développement des pratiques sportives. La haute performance et le haut niveau relèvent de l’État et du mouvement sportif d’une part, le développement des pratiques relevant des collectivités territoriales et du mouvement sportif d’autre part. C’est clairement le scénario d’AP 22. Un scénario non retenu pour plusieurs raisons et notamment que le haut niveau est très largement financé par les collectivités mais aussi que chaque acteur souhaite que les Jeux soient partagés sur tout le territoire et laissent un héritage. « Ce scénario visant à supprimer l’intervention des collectivités territoriales en faveur de la haute performance et du haut niveau n’aurait pas de sens, tout comme celui de supprimer celle de l’État en matière de développement des pratiques ».
– Le quatrième celui de la gouvernance partagée à responsabilité répartie a été retenu avec « le souhait de créer au niveau national et au niveau territorial des structures collégiales de concertation et de décision ».
Un modèle pour une nouvelle vision de la place du sport dans la société
Une vision qui impose le sport commune un bien commun, un bien partagé, construit de générations en générations, transmissible et évolutif. Un bien d’utilité sociale du fait des bienfaits de l’activité physique sur la santé, sur le renforcement du lien social, sur l’éducation, l’inclusion. Un bien économique qui pèse prés de 2% du PIB.
Une nouvelle conception de la gouvernance
Dans cette vision du sport comme un bien commun, la puissance publique doit redéfinir sa place pour « libérer les énergies» de tous les acteurs et créer les conditions pour responsabiliser les acteurs et stimuler le développement d’une offre de pratiques en réponse à une demande sociale en pleine évolution. L’Etat devient facilitateur et permet aux acteurs du sport d’affirmer une vision collective de l’intérêt général fondée sur la co-construction des politiques publiques. En bref une nouvelle doctrine de gouvernance : le gouvernement ouvert qui vise à favoriser la transparence, la discussion sur les choix, la responsabilisation des acteurs et leur participation aux décisions gouvernementales et locales.
Une agence nationale
Affirmer une vision collective de l’intérêt général c’est le rôle de l’agence nationale du sport dans laquelle sont présents tous les acteurs : l’Etat, le mouvement sportif, les collectivités et le monde économique. Cette agence doit permettre de concilier « deux temporalités : celle de la co-construction nécessaire à la coordination des politiques et stratégies de développement, et celle de la réactivité et de l’agilité nécessaires à la haute performance. » (rapport gouvernance page 34).
Dans cette agence comme le précise la convention constitutive « Chaque membre s’engage à mobiliser, en faveur de ce projet commun et d’intérêt général, sa capacité d’influence d’intervention pour entraîner ses adhérents et ses réseaux dans la mise en œuvre de ce nouveau modèle »
L’agence nationale du sport a été pensée pour insuffler une nouvelle culture de gouvernance fondée sur la concertation et « la volonté des parties prenantes de créer au niveau national et au niveau territorial des dispositifs collégiaux de concertation à travers les conférences régionales du sport, et de décision à travers les conférences des financeurs, permettant de donner de la lisibilité aux politiques publiques sportives et de la cohérence dans leurs financements » (préambule de la convention constitutive de l’agence) et pas uniquement une instance de décisions des critères d’attributions des moyens de l’agence.
Un parlement du sport : la conférence régionale pour débattre des compétences et du projet sportif
Refusant une répartition des compétences entre les niveaux de collectivités et même la mise en place de chefs de files, les représentants des collectivités territoriales « considèrent que les élus locaux et les acteurs du sport sont suffisamment responsables pour définir à l’échelle de chaque territoire qui porte quelle politique, ce qui revient à discuter, par territoire, de la spécialisation « à la carte » des différents acteurs « page 36 du rapport gouvernance. A titre personnel j’étais pour la répartition législative des compétences plutôt qu’une répartition définie région par région.
Ainsi un consensus a été trouvé autour d’une conférence régionale du sport comme « lieu privilégié de concertation et d’expression de l’ensemble des acteurs du domaine du sport, y compris des représentants des usagers. »
Une conférence qui a pour mission de faire des propositions et d’émettre des avis à l’attention des financeurs sur l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation du projet sportif territorial. (Page 35 du rapport)
Une conférence des financeurs pour des financements répartis et lisibles
La conférence des financeurs quant à elle au niveau régional devait associer les services déconcentrés de l’État, les organes régionaux et départementaux représentant le mouvement sportif, les régions, les départements, les intercommunalités, les communes et le monde économique. Chacun au sein de la conférence discute et s’engage sur les compétences qu’il a décidées. Chaque acteur recueille l’avis de ses partenaires sur ses choix, et demeure seul décideur de ce qui relève de sa compétence dans le respect du principe de l’autonomie des collectivités locales. Les contrats pluriannuels d’orientation et de financement par grandes politiques publiques permettent aux acteurs du sport de se doter contractuellement de spécialisations librement consenties et d’avoir de la lisibilité sur plusieurs années.
« Un guichet unique » pour les acteurs du sport, ou chaque financeur intervient sur sa priorité tout en construisant des réponses plus lisibles et plus cohérentes pour les bénéficiaires. page 36 du rapport
Prochain épisode : une décision tumultueuse.