#présidentielle2022 Bally Bagayoko et Michel Larive : « Jean Luc Mélenchon veut un sport et des corps libérés de l’argent »

Bally Bagayoko  animateur du livret sport et Michel Larive député de la 2ème circonscription de l’Ariège   sont en charge de la rédaction du programme sport pour le candidat de la France insoumise Jean Luc Melenchon  . Ils répondent à nos questions : bilan Macron, premières mesures, programme, héritage, gouvernance du sport

Vous êtes en charge de la rédaction du programme sport au sein de l’équipe de Jean Luc Melenchon.    Quel regard portez vous sur le quinquennat d’E Macron ? Selon vous le président a t il tenu ses engagements ?

Comme sur son bilan en général, nous déplorons les belles promesses non tenues et les actions de communication répétées, tandis que les moyens nécessaires n’ont jamais été mis sur la table pour mener une réelle politique sportive ambitieuse.

La politique sportive est aujourd’hui souvent réduite à la course aux médailles et à l’accueil des grandes compétitions internationales. Paris s’est engagée pour accueillir les Jeux olympiques de 2024. Mais pour faire quoi ? Dans quel projet de société cela s’inscrit-il ? Dépenser à perte dans des infrastructures et offrir quinze jours de publicité aux multinationales sponsors ? Tout cela n’a rien à voir avec une vraie politique de développement de la pratique sportive.

La preuve, la possibilité de la pratique des activités physiques et sportives pour toutes et tous est remise en cause par leur marchandisation et par l’imposition du paradigme néolibéral (financiarisation, corruption, précarisation). Ainsi, le ministère et l’ANS n’ont cessé de déshabiller Paul pour habiller Jacques, en utilisant l’organisation des JOP de Paris 2024 comme prétexte à la mise en place d’une politique ultra-élitiste, abandonnant ainsi le sport pour tous et détruisant le service public du sport.

On se retrouve donc dans une situation très préoccupante où les inégalités d’accès à la pratique et aux équipements subsistent, tout comme les inégalités entre pratique masculine et féminine ; les associations sportives luttent pour leur survie et perdent des bénévoles ; une partie du sport professionnel perd son ancrage territorial et populaire et devient le terrain de jeu des fonds spéculatifs ; les capacités physiques des jeunes diminuent et près de 50% de la population adulte est en surpoids ou obèse ; l’université française et les étudiants STAPS sont abandonnés.

Cerise sur le gâteau, nous avons eu droit à un discours ahurissant du Président devant les athlètes de haut-niveau français au lendemain des JOP de Tokyo en 2021, rempli d’idéologie néo-libérale et de mépris pour leur investissement quotidien.

Quelles sont les premières mesures que prendra Jean Luc Mélenchon dans le domaine du sport  s’ il  est  élu président de la république ?

Le chantier est immense et nous allons nous donner les moyens de mener une réelle politique volontariste en portant initialement le budget du sport à hauteur de 1% du budget de l’Etat, soit plus de  trois fois son niveau actuel. Ce passage au 1% est primordial car il ouvre  le champ des possibles pour mener le projet émancipateur que nous portons qui permettra à chacun de développer ses capacités créatrices et son estime de soi dans le respect des autres et de la nature.

Nous mettrons donc fin à la destruction du service public du sport en cours en supprimant l’ANS et en redonnant les clés à un ministère des sports de plein exercice qui doit être le garant stratégique et financier de l’Etat dans la politique sportive !   Cela passera aussi par une augmentation significative du nombre de Conseillers Techniques Sportifs pour garantir l’accessibilité de la pratique sportive partout et déployer les politiques des fédérations sportives et du ministère.

Il est primordial de réduire les freins à la pratique. Cela implique la gratuité pour les populations modestes et une réponse au manque d’équipements sportifs de proximité, vétustes pour la moitié d’entre eux et mal répartis territorialement. Il est recensé en moyenne deux fois moins d’équipements par habitant dans les QPV et territoires ruraux qu’en France métropolitaine, ce qui crée des inégalités d’accès à la pratique sportive au détriment des classes populaires. Les 5000 petits équipements annoncés par l’actuel Président n’y changeront rien. Il est urgent de mener à bien un plan national pour la construction et la rénovation des équipements sportifs (stades, piscines et gymnases) dans le respect de normes environnementales fortes et de l’accessibilité aux personnes en situation de handicap.

La marchandisation de la société impacte aussi l’engagement bénévole, principale ressource du mouvement sportif associatif. Un statut de dirigeant bénévole permettant l’accès aux droits sociaux et la comptabilisation de trimestres dans le calcul des annuités pour la retraite sera donc créé. Cette reconnaissance, couplée à la réduction du temps de travail, favorisera un renouveau démocratique au sein du monde associatif et la féminisation des instances dirigeantes des associations et fédérations.

Nous croyons que les activités physiques et sportives ont aussi un rôle à jouer au regard du vieillissement de la population et de l’augmentation des pathologies liées au surpoids et à l’obésité. Le sport sur ordonnance étant une hypocrisie s’il n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale, sa prescription ouvrira droit à remboursement dans des conditions à préciser.

Enfin, nous portons également des mesures ambitieuses pour le sport scolaire (augmentation du nombre de professeurs d’EPS, passage aux 4h d’EPS par semaine, création d’une association sportive dans chaque établissement, etc.). De surcroît, il est nécessaire de consacrer l’apprentissage de la natation dans le cadre scolaire en rendant obligatoire un module d’au moins douze séances chaque année comme composante du programme d’enseignement de l’école primaire, avec l’objectif que tous les enfants sachent nager à l’entrée en sixième (près d’un élève sur deux ne sait pas nager à la fin de la sixième, c’est gravissime et le plan aisance aquatique du gouvernement n’est pas au niveau).

D’une manière générale quelles sont les grandes orientations que Jean Luc Melenchon souhaite mettre en oeuvre durant ce quinquennat ?

L’objectif général du programme que nous portons est l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. Pour le sport, notre projet s’organise en cinq axes comprenant chacun une dizaine de propositions :

  • Remettre l’humain au centre des institutions sportives ;
  • Généraliser la pratique sportive ;
  • Construire l’égalité dans le sport ;
  • En finir avec le dopage et les dérives ;
  • Libérer le sport de l’argent.

Sans rentrer dans le détail des propositions dont certaines ont été évoquées dans la question précédente, nous souhaitons dire un mot sur les paris sportifs puisque cela est revenu dans l’actualité grâce au positionnement courageux de Kylian MBAPPE. Nous souhaitons depuis longtemps interdire leurs publicités. En effet, qui peut sincèrement vouloir faire du sport un outil d’insertion sociale, tout en permettant le développement des paris sportifs, alors qu’ils sont très néfastes pour les plus précaires et les plus jeunes. C’est de l’hypocrisie ! Certains nous rétorquent que cela serait contre productif car les paris sportifs financent le sport pour tous en venant abonder le budget de l’ANS via une taxe dédiée, mais nous souhaitons dire que nous n’avons pas attendu les paris sportifs pour construire des piscines et des gymnases, il existe d’autres possibilités, il s’agit simplement de choix politiques !

Nous portons aussi des mesures fortes pour construire l’égalité dans le sport, avec par exemple l’instauration au sein de chaque fédération l’égalité entre les salaires, indemnités et primes versés aux sportifs lorsque ces derniers représentent la France au cours de compétitions internationales dans des disciplines reconnues de haut-niveau.

Durant ce quinquennat auront lieux les JOP en 2024. Au delà des résultats et du nombre de médailles l’héritage constitue un enjeu essentiel souvent mis en avant mais aujourd’hui qui peine à se construire. Quelles dispositions comptez vous prendre ?

Tout d’abord nous rappelons que notre projet n’est aucunement incompatible avec un enthousiasme authentique pour le spectacle sportif ; mais nous sommes convaincus que la réussite de champions ne peut s’enraciner que dans une pratique populaire et massive. Ainsi, alors que l’organisation des JOP de Paris en 2024 est le prétexte à la mise en place d’une politique ultra-élitiste, abandonnant le sport pour tous et la diversification des pratiques, ils seront pour nous un point d’étape dans le projet émancipateur que nous porterons.

Nous souhaitons donc faire des JOP de Paris 2024 un événement au service de l’humain et de l’éducation populaire. Nous regrettons que la décision de les organiser ait été prise de manière non-démocratique, sans consultation des citoyens, qui seront pourtant les seuls à subir les effets néfastes de l’organisation d’un tel événement. En outre, à deux ans et demi de l’événement, le constat est implacable : malgré l’utilisation majoritaire d’équipements existants, les coûts financiers (plusieurs milliards d’euros d’argent public) mais aussi sociaux et écologiques sont importants et nuisent aux territoires concernés, en premier lieu le département de la Seine-Saint-Denis.

Considérant l’enjeu diplomatique que cela représente ainsi que les investissements déjà effectués, il paraît aujourd’hui impossible de remettre en cause leur tenue même si nos critiques restent d’actualité. Mais nous les soumettrons à un cadre écologique et social bien plus exigeant qu’il ne l’est actuellement. Ainsi, nous abrogerons la loi d’exception dite « loi olympique » qui permet au Comité d’organisation de bénéficier de nombreuses dérogations au droit commun, notamment au droit environnemental et de l’urbanisme. Elle permet par exemple la construction d’infrastructures anti-écologiques (destruction des Jardins d’Aubervilliers, échangeur autoroutier Pleyel, etc.). Nous veillerons donc à ce que les habitations et infrastructures prévues dans le cadre de l’héritage des JO servent bien les populations actuelles des territoires concernés et ne soient pas mises au service de leur gentrification au moyen de l’augmentation des prix du logement.

Une tribune signée par des sportifs, éducateurs, professeurs d’EPS, dirigeants associatifs, cadres d’organisation sportives, etc appelant à soutenir Jean-Luc Mélenchon pour permettre la mise en place d’une réelle politique sportive au service de l’émancipation

La nouvelle gouvernance a été mise en place en 2019.   Toutefois l’agence nationale du sport qui symbolise cette nouvelle gouvernance est critiquée. Vous avez annoncé vouloir supprimer cette agence. Comment comptez vous procéder pour continuer à exercer les missions de concertation et de soutien qu’elle est censée développée sur la haute performance et le développement des pratiques ?

L’ANS est un outil devant déployer la politique sportive pour le développement de la pratique et le haut-niveau, en lieu et place du ministère chargé des Sports. Cela symbolise le désengagement de l’Etat dans la politique sportive nationale, tant stratégiquement que financièrement. Cette agence va faire disparaître progressivement le ministère des Sports et donc le service public du sport. Nous portons le projet inverse.

Ensuite, nous déplorons son inefficacité. Beaucoup d’acteurs expriment leur mécontentement quant à son fonctionnement. Les missions de concertation et de soutien à la haute performance et au développement des pratiques seront donc intégrées à un ministère des Sports de plein exercice qui aura les moyens de ses ambitions, et la concertation avec les différentes strates territoriales sera bien sûr renforcée.

L’important est de se donner les moyens de ses ambitions. Sans ça, vous pouvez changer la forme et les apparences mais le problème ne sera pas réglé. Ainsi, notre projet est en rupture avec les politiques d’austérité des gouvernements successifs, qui ont mis à genoux les collectivités locales et territoriales.

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