Mutualiser, renouveler et légitimer pour affûter l’esprit d’équipe des fédérations sportives Jean-Jacques Lozach, président ; M. Alain Fouché, rapporteur Sénateurs

L’attribution des jeux Olympiques et Paralympiques à la Ville de Paris en 2024 a accéléré le rythme de la réforme de l’organisation de la politique nationale du sport en France.

L’Agence nationale du sport (ANS) a tout d’abord été créée en 2019 avec pour mission de développer le sport de haut niveau mais également le sport pour tous. En quelques mois, l’Agence a su construire une relation dense avec les fédérations sportives à travers la définition des projets sportifs fédéraux (PSF) et en leur confiant la répartition des subventions destinées aux clubs.

Le ministère des sports a ensuite, en juillet 2020, été rattaché au ministère de l’éducation nationale, dans le prolongement du rapprochement déjà opéré entre les inspections générales et les administrations déconcentrées des deux ministères. Cette réorganisation n’est toutefois pas achevée car l’avenir des cadres techniques sportifs (CTS) n’est toujours pas assuré – alors qu’ils constituent la « colonne vertébrale » de notre modèle sportif –, la gouvernance territoriale de l’ANS a pris du retard malgré le vote de la loi du 1er août 2019 qui en définit les principes fondamentaux et le rôle de l’État dans la détermination de la politique nationale du sport mériterait d’être clarifié.

Si les fédérations bénéficient aujourd’hui d’un cadre plus propice à leur développement du fait notamment de l’émergence de l’ANS comme interlocuteur privilégié doté d’une compétence transversale, il leur reste à achever leur mue pour se mettre en situation de relever les défis de la professionnalisation, du développement et du renouvellement. Alors que le Gouvernement vient d’achever la préparation d’un texte législatif consacré au sport qui pourrait être discuté lors de la prochaine session 2020-2021, la mission d’information rappelle l’impérieuse nécessité de renforcer la légitimité des fédérations sportives ce qui passe par la poursuite de la modernisation de leur fonctionnement. Cette réforme pourrait reposer sur quatre principes :

  • Parfaire la réforme de l’organisation de notre modèle sportif en consolidant l’existence d’une politique nationale du sport, à travers notamment le maintien d’un ministère des sports doté d’un pouvoir d’impulsion fort ;
  • Préserver l’accompagnement public des fédérations (CTS, subventions) tout en renforçant leur capacité d’initiative dans le respect du principe de la liberté d’association ;
  • Approfondir la légitimité des dirigeants des fédérations et moderniser le statut de ces derniers
  • Développer les bonnes pratiques des fédérations en matière de transparence financière pour accroître leur légitimité et promouvoir l’autonomie financière du sport grâce aux revenus qu’il génère.

1 . RÉAFFIRMER LA NÉCESSITÉ D’UNE POLITIQUE NATIONALE DU SPORT FONDÉE SUR UNE DÉLÉGATION DE SERVICE PUBLIC AUX FÉDÉRATIONS

La création de l’ANS a constitué une grande avancée afin d’une part de créer une gouvernance plus collégiale du sport et, d’autre part, de faire émerger un partenaire des fédérations doté d’une expertise unique. La place prise par cette agence pose néanmoins la question de son pilotage politique et de son positionnement par rapport à la politique nationale du sport dans un contexte marqué par le rattachement du ministère des sports à celui de l’éducation nationale.

La mission, sans remettre en cause l’apport de l’ANS, souhaite préserver le rôle du ministère des sports dans la définition de la politique nationale du sport ainsi que dans sa mise en œuvre. Elle réaffirme son attachement à l’existence d’un ministère de plein exercice à un moment où le rattachement opéré auprès de l’éducation nationale fait craindre une disparition pure et simple d’un

département ministériel pérenne et autonome. La mission propose de confier au ministre en charge des sports la présidence non exécutive de l’ANS afin de rappeler la persistance d’une politique nationale du sport fondée sur des principes (solidarité, excellence, exemplarité) et des choix de développement (sport amateur, sport santé, territoires ruraux et carencés…).

La mission propose ensuite qu’une réflexion soit engagée concernant la création d’une Haute autorité du sport qui serait chargée de réguler les relations entre les acteurs (suivi et évaluation des engagements contractuels) et de veiller au respect des règles fondamentales (contrôle des élections fédérales, éthique, déontologie).

La mission estime également que le maintien d’une politique nationale du sport a pour corollaire la préservation de la délégation de service public de l’État aux fédérations et la subdélégation accordée par les fédérations aux ligues. Les ligues professionnelles doivent demeurer une émanation des fédérations afin notamment de préserver le lien entre sport professionnel et sport pour tous. La délégation de service public doit néanmoins être modernisée, ce qui passe par une clarification des conditions de reconnaissance des fédérations par l’État, une évolution de l’exercice de la tutelle vers un mode davantage contractuel ainsi qu’une redéfinition des critères des conventions d’objectifs.

Le réexamen des rapports entre l’État et les fédérations doit également passer par le transfert aux fédérations de l’essentiel de la compétence en matière de formation, l’État ayant vocation à se recentrer sur ses compétences régaliennes à l’image d’un contrôle systématique de l’honorabilité des bénévoles qui interviennent auprès des pratiquants des associations sportives.

Proposition 1 : Rétablir un ministère des sports de plein exercice en renforçant ses compétences régaliennes notamment en matière de contrôle.

Proposition 2 : Consolider une politique nationale du sport en confiant la présidence non- exécutive de l’ANS au ministre en charge des sports.

Proposition 3 : Engager une réflexion sur la création d’une Haute autorité du sport chargée de réguler les relations entre les différents acteurs, de garantir leur transparence et d’évaluer leur performance.

Proposition 4 : Maintenir la délégation de service public de l’État aux fédérations et la subdélégation des fédérations aux ligues professionnelles.

Proposition 5 : Clarifier les conditions de reconnaissance des fédérations par l’État. Proposition 6 : Faire évoluer la tutelle de l’État vers une relation plus contractuelle. Proposition 7 : Redéfinir les critères des conventions d’objectifs État-Fédérations sportives.

Proposition 8 : Veiller à ce que les calendriers des compétitions ne soient pas élaborés au détriment des équipes nationales et de la santé des sportifs.

Proposition 9 : Recentrer l’intervention de l’État en matière de formation sur les exigences liées à la sécurité des pratiquants et des tiers et laisser aux fédérations la responsabilité des formations propres aux disciplines pour lesquelles elles sont agréées.

Proposition 10 : Rendre systématique le contrôle de l’honorabilité des bénévoles intervenant auprès des pratiquants au sein des associations sportives.

2- accompagner les développement des fédérations en renforçant leur capacité d’initiative

La mission estime que les fédérations doivent demeurer les acteurs principaux du développement du sport en France. L’État – en lien avec l’ANS – a un rôle majeur à jouer pour définir des objectifs de moyen et long terme, dégager des moyens et évaluer les résultats mais il ne doit pas chercher à se substituer aux fédérations dont l’autonomie doit être préservée au nom en particulier de la liberté associative. Cet accompagnement public des fédérations doit reposer sur un ensemble de moyens (subventions, expertise, équipements…) mais il doit aussi prendre la forme d’un environnement juridique plus propice à la professionnalisation.

Comme l’a indiqué un représentant de la Cour des comptes lors de son audition, certaines fédérations, compte tenu de leur taille et de leur budget, sont des « fictions associatives ». L’enjeu de la professionnalisation de leurs dirigeants est donc fondamental. Au regard de l’importance prise par certaines fédérations sportives et des responsabilités attachées aux fonctions de direction, la mission estime qu’un assouplissement raisonné des règles relatives à la rémunération des dirigeants est aujourd’hui nécessaire pour garantir tant la qualité des

recrutements que l’indépendance et la probité des dirigeants. Elle recommande, en contrepartie, un renforcement des garanties de transparence. Le développement des fédérations est par ailleurs intrinsèquement dépendant des ressources humaines dont elles peuvent disposer, au premier rang desquelles figurent les conseillers techniques sportifs (CTS). L’ensemble des fédérations ont réaffirmé leur attachement aux CTS mis à disposition par l’État et l’impossibilité

– pour la plupart d’entre elles – d’en assumer la charge financière en cas de transfert. Dans ces conditions, la mission estime nécessaire de préserver le statut des CTS dédiés au haut niveau et de mettre un terme à la double tutelle fonctionnelle et hiérarchique qui nuit à l’exercice de leur mission afin de confier à l’ANS la mission de répartir et d’évaluer les CTS affectés dans les fédérations pour développer le sport de haut niveau.

Si la diversité des fédérations doit être préservée pour assurer une gouvernance adaptée aux différents sports, la mission estime qu’un rapprochement des fonctions support de certaines fédérations serait à la fois un gage d’économie et de meilleure insertion dans l’économie du sport. En particulier, la constitution d’un pôle d’expertise commun en matière de marketing pourrait permettre d’accompagner plusieurs fédérations dans l’indispensable développement de ressources annexes à la subvention versée par l’ANS. La mission préconise d’inciter financièrement les fédérations à procéder à des mutualisations.

S’agissant du sport professionnel, la mission recommande d’ouvrir la possibilité pour les fédérations sportives de créer plusieurs ligues professionnelles. Pour certaines fédérations, le verrou prévu par le code du sport, limitant la subdélégation à une seule ligue professionnelle, ne correspond plus à la variété du sport professionnel, tant en termes de niveau que de pratiques. En autorisant les fédérations à créer plusieurs ligues professionnelles, la mission entend ainsi favoriser le développement de toutes les compétitions professionnelles et renforcer la visibilité du sport féminin.

En complément, pour permettre aux ligues d’exploiter dans les meilleures conditions les compétitions qu’elles organisent, la mission recommande de les autoriser à créer des sociétés commerciales pour gérer leurs activités lucratives, sous le contrôle de leur fédération de tutelle.

Proposition 11 : Accepter une professionnalisation accrue des dirigeants des fédérations en contrepartie d’exigences renforcées sur le plan de la transparence.

Proposition 12 : Reconnaître à l’ANS la responsabilité d’affecter et d’évaluer les CTS dans le champ de la haute performance.

Proposition 13 : Encourager financièrement les fédérations à rapprocher leurs services support afin de renforcer leur expertise notamment en matière de marketing.

Proposition 14 : Ouvrir la possibilité pour les fédérations sportives de créer plusieurs ligues professionnelles.

Proposition 15 : Permettre aux ligues avec l’accord de leurs fédérations de créer des sociétés commerciales pour gérer leurs activités lucratives.

3.ACCROÎTRE   LA   LÉGITIMITÉ  DES   DIRECTIONS   DES   FÉDÉRATIONS SPORTIVES EN ASSOCIANT PLUS LARGEMENT TOUS LES ACTEURS

Les travaux de la mission ont montré une attente forte et partagée en termes de rénovation du fonctionnement des fédérations sportives.

Le fonctionnement des fédérations pourrait également être fluidifié par un renforcement de la légitimité de leurs équipes dirigeantes à travers un élargissement du corps électoral. La mission considère que le recours à des « collèges électoraux » pourrait permettre de mieux associer l’ensemble des acteurs. Elle propose ainsi de préciser les dispositions obligatoires qui doivent figurer dans les statuts des fédérations sportives afin que le vote direct des présidents de clubs ait un poids électoral au moins égal à la moitié des suffrages. Par ailleurs, ces statuts pourraient prévoir des modalités de représentation des sportifs de haut niveau ou professionnels au sein des instances dirigeantes. Enfin, un consensus semble se dégager parmi les représentants du monde sportif auditionnés pour limiter à trois le nombre de mandats consécutifs qu’une même personne peut exercer à la tête d’une fédération sportive.

Si la parité progresse au sein des instances dirigeantes nationales, notamment sous l’effet de dispositions législatives, des progrès importants peuvent encore être faits au niveau des instances territoriales. La mission propose ainsi de prolonger la dynamique enclenchée par la loi du 4 août 2014 afin de favoriser la présence de représentants des deux sexes au sein des instances locales des fédérations sportives, en cohérence avec leur représentation parmi les licenciés.

Proposition 16 : Prévoir dans les critères d’agrément des modalités d’élection conférant au moins la moitié du poids électoral aux clubs sportifs.

Proposition 17 : Prévoir dans les statuts des fédérations agréées une disposition relative à la représentation des sportifs de haut niveau ou professionnels au sein des instances dirigeantes.

Proposition 18 : Définir une proportion minimale de membres de chaque sexe au sein des instances territoriales des fédérations sportives en cohérence avec la proportion de chaque genre parmi les licenciés.

4. ACCROÎTRE    LES    EXIGENCES    DE    TRANSPARENCE    FINANCIÈRE ET RECONNAÎTRE L’AUTONOMIE FINANCIÈRE DU MOUVEMENT SPORTIF

Depuis plusieurs années, le financement du sport est confronté à une situation paradoxale : le dynamisme marqué de l’économie du sport ne s’est pas traduit par une montée en puissance comparable des moyens du mouvement sportif. Une telle évolution s’inscrit à rebours des objectifs initiaux fixés par le législateur, la logique des prélèvements institués étant précisément de faire

« financer le sport par le sport ». C’est pourquoi la mission recommande de consacrer dans la loi ce principe, et de le concrétiser en déplafonnant l’affectation à l’ANS des prélèvements opérés sur le sport – taxe Buffet et prélèvements sur les paris sportifs – pour répondre aux enjeux de financement de l’ensemble du mouvement sportif dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. En complément, pour sécuriser les conditions dans lesquelles des acteurs privés soutiennent les clubs sportifs dans nos territoires et les inciter, dans un contexte économique dégradé, à maintenir cette ressource essentielle pour de nombreux clubs sportifs, la mission souhaite que la distinction entre parrainage et mécénat soit clarifiée par l’administration fiscale.

Si chaque fédération sportive est tenue de se doter d’un règlement financier, une grande liberté leur est donnée quant au contenu de ce règlement. La mission considère qu’il serait pertinent de le préciser davantage, afin d’en faire un vrai outil de transparence financière et d’aide à la gestion. Notamment, si les règles de la commande publique devaient être interprétées comme ne s’appliquant pas aux fédérations sportives, il serait souhaitable que des règles minimales de mise en concurrence soient respectées.

Proposition 19 : Préciser le contenu du règlement financier des fédérations et compléter les procédures financières.

Proposition 20 : Inviter les fédérations sportives à intégrer dans leurs règlements financiers les grands principes de la commande publique.

Proposition 21 : Inscrire dans la loi le principe selon lequel « le sport est financé par le sport » et déplafonner l’affectation à l’ANS des prélèvements opérés sur le sport.

Proposition 22 : Clarifier la distinction entre parrainage et mécénat afin de sécuriser les conditions dans lesquelles un acteur privé peut accompagner un club sportif dans le cadre du mécénat.

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