Gouvernance du sport sur les territoires : une usine à gaz qui inquiète ! par Patrick Bayeux
Peu de personnes dans les travées du salon des maires plébiscitaient la nouvelle gouvernance du sport. « On nous a annoncé une révolution il y a 2 ans. Pour l’instant rien n’a changé ». « Au niveau local l’Etat s’est désengagé, la part territoriale du CNDS est gérée par les fédérations et les services déconcentrés sont en voie de disparition. » « En tout cas au niveau des collectivités c’est silence radio ». « Tout ça pour transformer le CNDS en agence et pour que l’Etat se désengage »…
Voilà quelques propos entendus pendant ces 3 jours mais qui résument bien le sentiment de flou qui règne autour de cette nouvelle gouvernance.
Même l’atelier organisé par l’agence n’a pas convaincu. Sur les équipements sportifs l’agence a révélé avoir financé 317 équipements pour un montant de 55 M€ dont 133 équipements sportifs de niveau local pour un montant de 3,8 M€ … L’atelier a plus renforcé le sentiment d’un saupoudrage que celui d’une vision partagée et discutée par les acteurs de la gouvernance. Le seul axe qui semble clair comme l’ont rappelé les intervenants c’est le financement des piscines, « la priorité de la ministre ! » Pour le savoir nager c’est un autre problème plus personne n’y comprend rien entre ce qui relève du club, de l’éducation nationale, des collectivités, … on en parlera une autre fois
Au niveau de la gouvernance sur les territoires c’est encore plus flou
« Chaque conférence régionale devra définir le niveau des conférences des financeurs » a affirmé Frédéric Sanaur le directeur de l’agence. Propos réitéré avant hier à Bordeaux dans le cadre de la 3ème réunion de la conférence territoriale du sport de Nouvelle Aquitaine.
Sur le stand du ministère, c’est la soupe à la grimace. Un sentiment d’amertume lié au fait que pour certains les conférences des financeurs sont juste un moyen pour les collectivités de dépenser les crédits de l’agence, des crédits gérés avant par les commissions territoriales du CNDS et administrés par l’Etat.
Si chacun a compris le rôle des conférences régionales du sport (que certains dénomment parlement du sport) , qui est de définir avec l’ensemble des acteurs du sport un projet sportif territorial, le niveau des conférences des financeurs fait débat.
Pour l’agence : plusieurs conférences des financeurs par territoire
Dans la vision de l’agence, il pourrait y avoir une conférence des financeurs au niveau régional, une conférence au niveau départemental, des conférences au niveau métropolitain, voire au niveau de l’agglomération. Selon l’agence (présentation avant hier à Bordeaux) la conférence des financeurs
- « définit le seuil des financements à partir desquels les projets doivent lui être présentés
- s’assure de la conformité de ces projets aux orientations définies par le projet sportif territorial
- identifie les ressources pouvant être mobilisés par chacun des membres de la commission ».
Chaque collectivité pourrait avoir sa conférence des financeurs !
Une conférence des financeurs plus vue plutôt comme un parlement local du sport, une instance de démocratie participative. Pour que cela fonctionne il faudra que la région soit présente dans toutes les conférences des financeurs, le département dans celle de la région et des intercommunalités de son territoire… Ça promet un certain nombre de réunions. Sans compter qu’on imagine mal certains élus devoir justifier leur politique devant les co financeurs ! Côté simplification, l’enjeu essentiel de la nouvelle gouvernance, c’est raté. « on n’y comprend rien » « on se sait pas où ils vont et eux non plus visiblement » « Une usine à gaz, … sans gaz » prédisaient certains avant hier à Bordeaux. A vouloir construire une déclinaison territoriale de l’agence, là où l’enjeu consiste à organiser une gouvernance locale partagée, on « refait le CNDS avec moins d’argent et en beaucoup plus compliqué. Les élus de terrain ne pourront pas l’accepter… »
« Si la gouvernance sur les territoires ne fonctionne pas ce sera de la faute des représentants des associations de collectivités territoriale ».
Ce propos d’un fin connaisseur du dossier résume bien ce qui pourrait être la vision politique du gouvernement (Bercy et Matignon) qui a toujours en tête le scénario AP 22 (l’Etat gère le haut niveau et les collectivités le développement), . En effet les collectivités ont refusé dans le chantier gouvernance la répartition de compétences ou la désignation de chefs de file. Cette position a été ré affirmée (par les mêmes représentants d’ailleurs) devant la commission du Sénat. Et bien « les représentants des collectivités devront assumer cette prise de position ! Qu’ils expérimentent, on verra bien … »
L’absence de chefs de file, et la volonté d’examen par projets : deux erreurs majeures
Pour ma part je considère que cette absence de chef de file est une erreur majeure surtout si plusieurs conférences des financeurs sont mises en place sur un seul territoire.
- Soit il existe une seule conférence des financeurs au niveau régional avec des thématiques. C’est ce qui avait été imaginé dans le chantier « rénovation de la gouvernance du sport ». A noter que seuls les financeurs étaient présents au sein de la conférence des financeurs. Dans notre vision la conférence de financeurs définissait les modalités de financement des politiques discutées au sein de la conférence régionale du sport en identifiant un type de financement par financeur en fonction de sa politique. Chacun conservait ensuite son pouvoir de décision individuelle de financement. Ce qui changeait, c’est que ces décisions financières intervenaient dans un cadre concerté. Par exemple pour le soutien aux clubs professionnels et de haut niveau, chaque niveau de collectivité se prononcerait sur le type de soutien : la région sur l’emploi et la formation, le département pour le soutien à la mise en place de section sportive dans les collèges, ou pour des actions en faveurs des handicapés, les métropoles et le bloc communal en faveur d’un soutien aux centre de formation, pour des actions éducatives auprés des jeunes, …
- Soit il existe plusieurs niveaux de conférences des financeurs, une au niveau régional, une au niveau des départements, une au niveau du bloc communal c’est à dire trois conférences des financeurs par région mais chacune avec des compétences partagées et des chefs de files clairement désignés.
Par exemple la région aurait en charge la conférence des financeurs sur la formation, le haut niveau, les grands évènements sportifs, de la santé. Le département aurait en charge la conférence des financeurs en charge des sports de nature, du handicap, de l’accès aux pratiques sportives en milieu rural, les métropoles le bloc communal la conférence en charge des du sport professionnel, des équipements sportifs, de l’éducation par le sport. C’est la notion de spécialisation « à la carte » proposée par les collectivités dans le cadre du chantier « rénovation de la gouvernance du sport » Au final, ce qui se construit, c’est une sorte de « subsidiarité inversée » dans lequel tout le monde s’occupe de ce qui ne le concerne pas. Gageons sur la rationalité des élus locaux pour qu’ils boycottent de telles usines à gaz. Mais, alors, « tout ça pour ça ? »
Extrait du rapport « gouvernance »
En outre, une « conférence des financeurs » pourrait être expérimentée, voire créée par la loi, pour réunir l’État, le mouvement sportif, les collectivités (région, départements, intercommunalités, communes), le monde économique, et définir sur la base du projet sportif territorial un programme coordonné de financement.
Ainsi, par territoires, la conférence des financeurs pourrait constituer « un guichet unique » pour les acteurs du sport, chaque financeur intervenant sur sa priorité tout en construisant des réponses plus lisibles et plus cohérentes pour les bénéficiaires.
Les collectivités n’ont pas souhaité répartir des compétences entre elles, ni désigner de chef de file, tant la situation sur les territoires est hétérogène. Elles considèrent que les élus locaux et les acteurs du sport sont suffisamment responsables pour définir à l’échelle de chaque territoire qui porte quelle politique, ce qui revient à discuter, par territoire, de la spécialisation « à la carte » des différents acteurs (voir chapitre 5-2).
La contractualisation pourrait se faire sur la base du projet sportif territorial qui comprendrait a minima 4 grandes politiques publiques. Elle permettrait de garantir une pluriannualité des engagements et le respect de la volonté de chaque partenaire.
http://www.sports.gouv.fr/autres/Gouvernance_Rapport.pdf