Vers une gouvernance automatisée du sport ? et si à l’ANS, le développement des pratiques était remplacé par une IA ? Patrick Bayeux
Dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint, l’Agence nationale du sport (ANS) est sur la sellette. Tandis qu’un rapport sénatorial en propose la suppression pure et simple, selon nos informations, l’ANS pourrait déjà faire les frais des économies exigées par l’État, notamment par des réductions de personnel.
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Le recentrage du pouvoir de décision vers les préfets et les services déconcentrés, annoncé par le Premier ministre, interroge : est-ce le prélude à une transformation profonde de la gestion du développement des pratiques sportives sur les territoires ?
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Dossiers de subventions : quand l’IA parle à l’IA
Depuis plusieurs mois, j’ai interrogé — dès que l’occasion s’en présentait — l’usage croissant de l’intelligence artificielle pour instruire les dossiers de subvention déposés par les associations sportives. Objectif affiché : prioriser les demandes, détecter les incohérences, identifier les projets jugés « stratégiques ». Un agent d’un service départemental me confiait récemment :
« Pour arbitrer entre 800 et 1 500 €, une IA fera aussi bien que nous, avec moins de biais et plus de réactivité. »
Et d’ajouter, lucide :
« Ça nous permettrait d’aller sur le terrain, pour être vraiment utiles. »
Ironie du sort : les associations elles-mêmes sont de plus en plus nombreuses à s’appuyer sur des outils d’IA pour formuler leurs demandes de subvention. Quand l’IA parle à l’IA, que reste-t-il de l’intention politique ?
Alors pourquoi s’en priver, me direz-vous ? Si l’intelligence artificielle permet d’accélérer les procédures, de neutraliser les biais, de gagner en lisibilité… n’est-ce pas là un progrès administratif ?
Une gouvernance partagée… jamais vraiment installée
En réalité, cette évolution signe l’échec d’un projet plus ambitieux : celui d’une gouvernance partagée à responsabilité répartie. Faute d’avoir su démontrer son intérêt, faute surtout d’avoir mis en place un véritable dialogue entre les financeurs sur les projets, la gouvernance du sport vacille. Le risque, désormais bien réel, est l’instauration d’un pilotage automatisé de la subvention, fondé sur des critères quantifiables issus de la data, pour répartir les crédits de manière soi-disant équitable.
Ce n’était clairement pas la vision initiale.
D’une gouvernance partagée à responsabilité répartie à une gouvernance désaccordée, à financement automatisé ?
Peut-on développer le sport sur les territoires sans débat, sans écoute du terrain ? À l’heure où l’on cherche partout des économies, le risque n’est pas seulement celui d’une gestion déshumanisée. Il est aussi celui d’un désengagement pur et simple de l’État dans les territoires, avec des crédits appelés à disparaître.
Faut-il y voir le retour de la logique d’Action Publique 2022 ? Une vision technocratique que j’évoquais déjà dans cet article : Vers un CNOSF puissant et un ministère des Sports diminué : quel avenir pour le sport français ?
Ce qui devait être une gouvernance partagée à responsabilité répartie est en train de devenir une gouvernance désaccordée, à financement automatisé. Le développement du sport sur les territoire mérite mieux qu’un algorithme.