Rugby 2023 : Un fiasco financier où chacun a sa part de responsabilité

La Coupe du monde de rugby 2023, organisée en France, restera dans les mémoires comme un paradoxe : une réussite sportive (même si la France n’est pas championne du Monde ! ) et populaire, mais un désastre financier cuisant. Dans son rapport, la Cour des comptes dresse un bilan sévère, loin des promesses initiales, et distribue les responsabilités entre les organisateurs, la Fédération française de rugby (FFR) et l’État. Retour sur un échec où personne n’échappe au blâme.

1. Un succès populaire terni par un fiasco financier
L’événement a captivé les foules, avec des stades pleins et une audience mondiale au rendez-vous. Pourtant, les chiffres racontent une autre histoire. Alors que le comité d’organisation tablait sur 68 millions d’euros de bénéfices, le résultat oscille entre un maigre excédent de 18,5 millions d’euros (dans le meilleur des cas) et un déficit de 13,9 millions (scénario pessimiste). Une douche froide qui contraste avec l’enthousiasme des supporters.

2. La FFR, grande perdante
La Fédération française de rugby paie le prix fort. Elle subit une perte nette estimée entre 19,2 et 28,9 millions d’euros, aggravant une situation financière déjà précaire. L’espoir d’un héritage économique pour développer le rugby amateur ou renforcer les clubs s’est envolé. Le programme “Campus 2023”, ambitieux projet de formation de jeunes apprentis dans le sport, s’est révélé coûteux, mal piloté et n’a pas atteint ses objectifs, contribuant au déséquilibre financier global indique la cour

3. Une cascade de responsabilités mal assumées
Le rapport n’épargne personne, à commencer par Claude Atcher, directeur du comité d’organisation (GIP 2023) jusqu’à son éviction en 2022. Ses prévisions irréalistes et sa gestion opaque sont qualifiées de « responsabilité écrasante ». Mais la FFR, dirigée à l’époque par Bernard Laporte, et l’État ne sont pas en reste. Leur supervision défaillante et une gouvernance chaotique ont laissé le champ libre aux dérives, jusqu’à ce que la crise éclate.

4. Des engagements coûteux et déséquilibrés
Pour décrocher l’organisation, la France a mis le paquet : une redevance de 196 millions d’euros versée à World Rugby, bien plus que ses concurrents. Résultat ? La fédération internationale a empoché un bénéfice record de près de 500 millions d’euros, tandis que les organisateurs français ont accumulé les pertes. Une générosité mal calculée qui interroge la stratégie de négociation française.

5. La Cour des comptes tance le gouvernement
Au-delà des chiffres, la Cour adresse une leçon cinglante à l’État. Elle déplore son manque d’anticipation et de contrôle face aux dérives financières du Mondial. Alors que l’événement impliquait des fonds publics, le gouvernement s’est contenté d’un rôle passif, laissant des acteurs comme Atcher agir sans garde-fous. Une critique qui résonne comme un avertissement pour les futurs projets d’envergure.

6. Une leçon pour demain et pour les GESI
Face à ce fiasco, la Cour des comptes ne se limite pas au constat : elle appelle à une refonte de la gestion des grands événements sportifs. Elle recommande une doctrine étatique claire, des budgets rigoureusement encadrés et des nominations indépendantes, loin des influences politiques ou personnelles. Avec les JO d’hiver 2030 en ligne de mire, cet appel à la réforme tombe à pic.

En conclusion un échec collectif
La Coupe du monde 2023 illustre « un cas d’école de gestion publique défaillante » comme l’ai indiqué Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes. Reste à espérer que les leçons soient tirées pour que le sport français ne revive pas un tel cauchemar.

Les 8 recommandations

  • Recommandation n° 1. (délégation interministérielle aux grands événements sportifs, direction des sports, direction du budget) : Élaborer une doctrine claire et étayée de l’État et d’outils fiables relatifs aux candidatures des fédérations sportives à l’organisation des grands
    évènements sportifs internationaux
  • Recommandation n° 2. (délégation interministérielle aux grands événements sportifs, direction des sports, direction du budget) : Conditionner les engagements juridiques, financiers et opérationnels de l’État accompagnant les candidatures des fédérations sportives à l’organisation des grands événements sportifs internationaux d’envergure à un examen préalable approfondi des dossiers de candidature et de leur soutenabilité financière et opérationnelle.
  • Recommandation n° 3. (délégation interministérielle aux grands événements sportifs, direction des sports, direction du budget) : Prévoir des procédures de nomination des candidats à la présidence et la direction générale des comités d’organisation des grands événements sportifs internationaux d’envergure, comme des personnes qualifiées au conseil d’administration et aux comités régaliens (comité d’audit et comité des rémunérations), fondées sur l’avis de comités des nominations indépendants.
  • Recommandation n° 4. (délégation interministérielle aux grands événements sportifs, direction des sports, direction du budget) : Élaborer une doctrine de contrôle par l’État des comités d’organisation des grands événements sportifs internationaux d’envergure, adossée à des objectifs préalablement définis ainsi qu’à des procédures de coordination des représentants
    statutaires de l’État (administrateurs, commissaire du gouvernement, contrôle général économique et financier) permettant d’en assurer l’effectivité.
  • Recommandation n° 5. (délégation interministérielle aux grands évènements sportifs) Assurer, dans le cadre de l’organisation de grands événements sportifs internationaux, l’intégration dans une structure juridique unique du comité d’organisation de la gestion des droits commerciaux liés à l’organisation de l’événement.
  • Recommandation n° 6. (délégation interministérielle aux grands événements sportifs, direction des sports, direction du budget) Inscrire dans les statuts des comités d’organisation des grands événements sportifs internationaux le respect des principes de libre accès, d’égalité
    de traitement et de transparence dans l’attribution des contrats et marchés.
  • Recommandation n° 7. (délégation interministérielle aux grands évènements sportifs) Évaluer, dès le dossier de candidature, les contributions financières et matérielles des collectivités territoriales qui seront reprises dans les conventions conclues avec le comité d’organisation, ainsi que les contreparties associées, en vue de clarifier la nature et le niveau de leur engagement dans l’organisation de l’évènement.
  • Recommandation n° 8. (délégation interministérielle aux grands évènements sportifs, GIP « France 2023 », GIE « Rugby Hospitalités et Voyages », Fonds de dotation « Rugby au coeur ») S’abstenir de toute décision provisoire en matière de répartition de l’excédent de liquidation dans l’attente du règlement des contentieux impliquant les structures du comité d’organisation et de la notification au GIE de l’issue de son contrôle fiscal.

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