Paris 2024 , Rémunération, gouvernance, héritage, … Claudia Rouaux députée PS dénonce un manque de transparence et un entre-soi.
Claudia Rouaux est députée PS, membre de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, auteure d’un rapport « le sport au travail » avec Karl Olive, à l’initiative de la loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport , elle est également membre du Corem du COJO. Elle a également témoigné dans complément d’enquête « Les dispendieux du stade » dénonçant des rémunérations qui « ont récemment fait l’objet d’augmentations indécentes pour des cadres dirigeants, sans parler du recours en masse à des recrutements en contrats à durée indéterminée pour un événement par définition à durée déterminée. » (en savoir plus). Suite au versement de prime aux cadres du COJO, elle a accepté de répondre à nos question.
Les salaires et les primes des responsables des JO de Paris ont suscité des controverses. Selon vous, que faut-il retenir de cette situation ?
Ce qui me choque profondément, c’est l’écart entre les rémunérations observées et la réalité de nombreuses professions publiques. Des hauts dirigeants du comité percevaient des salaires comparables à ceux de grandes entreprises privées. Par exemple, Tony Estanguet, en tant que président, avait un contrat incluant un salaire de base autour de 260 000 euros annuels et des primes de 20 % chaque année pour « la réussite des Jeux », ce qui est très différent de primes liées à des résultats financiers. On parle aussi d’une prime potentielle de 300 000 euros, mais les chiffres exacts restent flous car la transparence sur ces montants est quasi inexistante. Les 10 directeurs du COJO affichent également des salaires supérieurs à 200 000 €. D’ailleurs le complément d’enquête est partie de là , l’augmentation de 45 k€ pour quelqu’un qui en gagnait déjà 150 k€….
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Vous évoquez un manque de transparence au sein des comités comme le Corem et le Cojo. Qu’est-ce qui pose problème selon vous ?
L’opacité totale des décisions est un véritable problème. Par exemple, les décisions prises par le Corem sont couvertes par une interdiction absolue de diffusion à l’extérieur. Cela soulève des questions sur la gouvernance. Sur le versement des primes votées lors du dernier CA du COJO, je n’ai pas pu participer au Corem, j’ai tenté de me connecter 3 fois, mais je suis restée bloquée dans la salle d’attente, … J’attends toujours le compte rendu d’ailleurs mais aussi a l’ordre du jour ! . A propos de primes, j’ai appelé l’inspection du travail pour savoir si ces primes sont légales. Elles le sont pour tous les salariés en CDI. Mais selon mon interlocuteur ils auraient très bien pu gérer tout ça en CDD . Tout cela crée un sentiment d’entre-soi, de l’entre-soi tout le temps doublé d’un manque de transparence.
Les Jeux Olympiques sont censés laisser un héritage positif. Selon vous, est-ce le cas ?
Sur le papier, l’héritage des JO est prometteur. Mais en pratique, je reste sceptique. Financièrement, il n’y a pas de retour significatif dans la vie associative ou dans le développement des infrastructures locales. Ce qui aurait dû être financé par les JO, comme des infrastructures ou des dispositifs de transport, les locaux pour l’antidopage, certains aménagements sur des sites non Parisiens, … a souvent été pris en charge par les collectivités locales. Difficile d’ailleurs dans ces conditions d’afficher un résultat positif. On attendra le rapport de la cour des comptes pour connaitre le vrai cout des jeux. Mais pour moi, en termes d’héritage face au manque d’argent il y a deux niveaux d’appréciation de la pratique : le premier, prioriser au minimum des équipements structurants peu coûteux comme des bassins pour apprendre à nager. Mais pour faire une grande nation sportive avec des résultats il faudra bien construire des équipements homologués pour la compétition c’est le second niveau d’appréciation
Dans tous les cas il faut absolument continuer à faire prendre conscience, partout où c’est possible de l’utilité de l’activité physique, les enfants doivent courir, sauter, tomber il en va de leur santé et les adultes de lutter contre l’inactivité et la sédentarité.
Vous semblez regretter le choix de Marie Barsacq comme ministre des Sports. Pourquoi pensez-vous qu’un élu local aurait été plus adapté ?
Ce choix illustre encore une déconnexion entre Paris et le terrain. Madame Barsacq est peut-être compétente, mais c’est une technocrate, elle n’a jamais été élue dans une collectivité locale. Elle ne connaît pas les contraintes des élus pour construire des équipements, répondre aux attentes locales et faire face à des budgets restreints. J’aurais préféré quelqu’un comme Gil Averous, un élu local avec les pieds sur terre, capable de comprendre les attentes des territoires et d’apporter des solutions réalistes. Aujourd’hui on a besoin de ministres enracinés dans la réalité locale pas de figure parisienne, souvent déconnectée. Là encore c’est de l’entre soi. On verra. Je m’interroge également sur le positionnement de son mari, rédacteur en chef du service Rugby à France TV, va-t-il se mettre en retrait comme l’avait fait avant lui Franck Ballanger le compagnon de Roxana Maracineanu ?