Mission relative au partenariat entre l’Etat et le CNOSF

La mission d’inspection générale relative à l’examen du partenariat entre l’État et le Comité
national olympique et sportif (CNOSF) revêt un caractère particulier, compte tenu de la spécificité
du lien tissé entre les pouvoirs publics et cette association reconnue d’utilité publique. Cette
situation s’explique, en partie, par la singularité du statut juridique du CNOSF qui exerce une
double fonction : il est le représentant français du comité international olympique (CIO) et
l’organisme de représentation de l’ensemble des fédérations sportives françaises.
La construction historique de la relation entre l’État et le CNOSF illustre la complexité de leur
lien qui ne peut pas être, a priori, qualifié de partenarial. C’est bien davantage le cadre
juridique et institutionnel qui oriente les rapports entre ces deux acteurs majeurs du sport
français et confère à chacun des prérogatives qui constituent autant de contraintes pour chacun
d’eux. (cf. partie n°1).
En tant que représentant français de l’olympisme, le CNOSF exerce les missions dévolues aux
comités olympiques nationaux par la Charte olympique. Il est chargé de veiller au respect des
dispositions de ce texte qui n’est pas, lui-même intégré dans l’ordre juridique français. La
compétence du comité est ici exclusive et il agit en toute autonomie1, notamment pour
l’approbation de la ville candidate à l’organisation des jeux ou la mise en place du comité
d’organisation des jeux Olympiques. Le code du sport reconnait cependant une partie des
pouvoirs exclusifs du CNOSF concernant l’utilisation des emblèmes olympiques (article L.141-5 du
code du sport) ou la représentation de la France aux jeux Olympiques (article R. 141-2 relatif à
l’inscription des sportifs aux jeux Olympiques).
En tant que représentant du mouvement sportif français, le CNOSF se voit reconnaître quatre
missions ou fonctions principales par les articles L.141-1 à L 141-5 du code du sport :

  • une fonction de représentation du mouvement sportif, c’est-à-dire des associations sportives,
    des sociétés sportives qu’elles ont constituées, des fédérations sportives et de leurs licenciés
    (article L.141-1) ;
  • une fonction de représentation juridique en tant que partie civile devant les tribunaux
    compétents de l’ordre pénal, pour toutes les infractions relevables sur l’exercice des
    prérogatives des fédérations et des associations sportives, des ligues professionnelles, sur les
    droits des sportifs de haut niveau et des sportifs professionnels (article L.141-2) ;
  • une fonction de veille du respect de la déontologie du sport (article L.141-3) ;
  • une mission de conciliation dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les
    associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées, à l’exception des conflits mettant en cause des faits de dopage (article L. 141-4).
    Chargé de tâches exclusives concernant l’image de la France sur la scène internationale et, par ailleurs, investi de fonctions multiples au titre de son rôle de représentant d’une unité du
    mouvement sportif français qu’il doit à la fois créer et porter, le CNOSF est donc un interlocuteur incontournable pour la puissance publique. C’est à ce titre que l’État lui apporte un soutien important aujourd’hui.

    En reconnaissant un caractère de service public à certaines des missions assurées par le CNOSF l’État pourrait clarifier la relation qu’il entretient avec lui et mieux identifier, justifier, quantifier et sécuriser le financement qu’il lui apporte.
    Plusieurs analyses relatives à la qualification juridique des missions du CNOSF permettent de
    confirmer que la nature privée des activités du CNOSF n’est pas incompatible avec l’exercice de fonctions et d’activités relevant de l’exécution d’une mission de service public.
    Le CNOSF répond, pour la plupart de ses activités, aux trois critères permettant de définir une
    mission de service public : un concours direct à la satisfaction de l’intérêt général, l’exercice de prérogatives de puissance publique, le développement d’un contrôle permanent des pouvoirs publics sur l’action de la structure chargée de l’exécution de la mission susvisée.
    La mission d’inspection générale considère donc que la coopération entre l’État et le CNOSF peut être structurée à partir d’une cartographie des missions et des activités du CNOSF, déclinées selon 3 catégories :
  • les missions relevant du « cadre olympique » qui portent sur les prérogatives exercées par
    le CNOSF au titre de la Charte olympique, mais dont une partie peut et doit bénéficier
    d’un soutien de l’État, conformément aux principes mêmes de la Charte2 (en particulier
    les activités liées à la délégation olympique) ;
  • les missions remplies au titre de l’exécution de missions de service public dont le contenu
    devra être précisé, mais qui couvrent d’une part, l’intégralité des activités liées à la
    fonction de représentation du mouvement sportif français, en particulier les compétences
    consultatives du CNOSF sur les projets de textes et l’attribution des délégations, la
    conciliation, la participation aux instances de pilotage et de gestion du sport, l’exercice des
    droits de représentation juridique, la défense de la déontologie du sport, la participation à
    la prévention du dopage, la contribution à l’insertion sociale et professionnelle des
    sportifs de haut niveau et la gestion des aides personnalisées, ainsi que, d’autre part, la
    mission de soutien au rayonnement international, et plus particulièrement, les actions de
    soutien au « comité français pour le sport international » récemment créé ;
  • les missions qui pourraient relever d’un cadre d’accords négociés entre l’État et le CNOSF
    et qui portent principalement sur les actions partagées en matière de promotion du sport
    pour le plus grand nombre, de « sport-santé », de formation initiale et continue dans le
    champ du sport au profit des bénévoles et des éducateurs sportifs. Ces coopérations, qui
    existent déjà, pourraient être mieux mises en cohérence avec les actions déjà identifiées
    dans les conventions d’objectifs passées entre l’État et les fédérations.
    Les missions ne rentrant pas dans l’une des trois catégories précitées, qualifiées par les rapporteurs de « missions exclusives », n’ont pas vocation à être intégrées dans un conventionnement avec l’État. En conséquence, leur identification analytique dans la comptabilité du CNOSF devrait être mieux formalisée. Ces missions portent en particulier sur les prérogatives que le CNOSF exerce au titre des droits associés aux emblèmes olympiques et à leur commercialisation, aux opérations de marketing qui y sont associées, y compris celles spécifiquement menées en prévision ou lors des jeux Olympiques.

    Le nouveau cadre juridique ainsi défini devrait permettre de structurer une relation de
    coopération efficiente reposant sur des bases clarifiées qui fait aujourd’hui défaut. Les auditions conduites par les rapporteurs leur ont ainsi permis de relever que la relation actuelle entre l’État et le CNOSF ne satisfaisait aucun des acteurs concernés, y compris les fédérations sportives.
    La coopération entre l’État et le CNOSF semble en effet perturbée par différents facteurs liés à
    des enjeux de la gouvernance, à l’autonomie d’action du CNOSF, à son rôle vis à vis des
    fédérations sportives, voire aux attentes mutuelles de chacun des acteurs dans une relation qui est beaucoup plus imposée que choisie (cf. partie n°2).
    Ainsi, la volonté commune de partager des analyses et des projets, unanimement évoquée lors des auditions organisées par la mission d’inspection générale, semble-t-elle aujourd’hui se heurter à des enjeux portant sur les rôles respectifs de l’État, des fédérations et du CNOSF, alors même que le cadre général des responsabilités est déjà fixé au plan juridique.
    Le président du CNOSF a ainsi indiqué à la mission d’inspection générale que le désengagement continu de l’État constitue, selon lui, un facteur irréversible qui rend nécessaire la diversification des sources de financements du mouvement sportif. Cette analyse le conduit à remettre en cause la gouvernance actuelle du sport et à s’interroger sur la nécessité de maintenir à terme une structure ministérielle spécifiquement dédiée au sport.
    L’évolution du modèle sportif français proposée par le président du CNOSF s’appuie sur la notion de « chefs de file » qui pourraient être désignés sur 6 thématiques différentes : le rayonnement international et le haut niveau seraient pilotés par le CNOSF, les équipements, par les collectivités territoriales, la formation, l’emploi et la certification par la branche professionnelle, le sport pour le plus grand nombre, le sport scolaire et le « sport-santé » par l’État et le développement des pratiques sportives licenciés par les fédérations. Le CNOSF s’estime par ailleurs marginalisé dans les relations bilatérales que l’État entretient avec les fédérations, et revendique un élargissement de ses compétences, y compris dans la fonction de répartition des subventions.
    Les rapporteurs considèrent que ce schéma ne garantit pas, a priori, le renforcement des
    coopérations et l’amélioration de l’efficacité des actions à mener en commun.
    Les auditions conduites par les rapporteurs ont d’ailleurs permis de constater que les positions
    adoptées par le CNOSF ne sont pas clairement partagées par les fédérations sportives. Le
    consensus souhaité par le CNOSF sur les sujets de gouvernance du sport et sur les dossiers
    d’actualité laisse place à des divisions internes assez marquées entre les fédérations.
    Au-delà de ce manque apparent de cohésion en faveur d’une remise en cause majeure de la
    gouvernance du sport français, la fragilité de cette proposition tient également à l’insuffisante
    autonomie financière du CNOSF et au caractère inachevé de sa structuration.
    La mission d’inspection générale relève ainsi que les subventions versées par le CNDS au titre du fonctionnement du CNOSF ont connu une augmentation très importante ces dernières années3 et
    représentent en moyenne plus de 40% des recettes annuelles du CNOSF. Par ailleurs il apparaît que l’évolution du montant de ces subventions n’est pas proportionnelle à l’augmentation des recettes constatées des comptes de résultat des exercices budgétaires correspondants.
    Si la contribution des membres du CNOSF, sous forme de cotisation, demeure particulièrement
    basse on relève que l’apport du CIO au financement du CNOSF est important ; elle est l’une des plus élevées parmi celles allouées aux CNO. Mais la complémentarité entre les subventions de l’État et les aides des partenaires privés du CNOSF sur chaque action ou chaque poste de dépenses est difficilement appréciable. Malgré les efforts significatifs produits par le CNOSF en matière de comptabilité analytique, les finalités et les modalités d’utilisation des aides apportées par les partenaires économiques du comité et par le CIO lui-même, demeurent peu lisibles dans la ventilation analytique des charges et des produits.
    Cette situation donne tout son relief à l’aide apportée par l’État au CNOSF. Celle-ci apparaît mal maîtrisée. L’effort fait en commun par le CNOSF et le CNDS pour intégrer les contraintes de présentation de la LOLF donne une présentation purement formelle de la décomposition par
    actions mais n’indique pas en quoi ces financements sont justifiés, ce qu’attend l’État de cet effort, ce qu’apporte cette contribution à l’action du CNOSF et l’impact des variations marginales de la subvention de l’État. La justification de la subvention par une convention d’objectifs de pure forme ne constitue, dès lors, qu’un « habillage » destiné à en garantir la régularité comptable.
    Les rapporteurs ont constaté que les contrôles opérés par le CNDS sur l’utilisation des subventions versées au CNOSF n’ont porté, depuis 2006, que sur la connaissance de l’état comptable de la consommation des crédits et ont donné lieu à la production de bilans particulièrement sommaires.
    A l’exception des fonds dédiés au financement de la délégation olympique, les parts de
    subventions non consommées n’ont fait l’objet d’aucun ordre de reversement et ont donné lieu, au cas par cas, à des réaffectations de nature conventionnelle, mais sans contractualisation.
    Plus globalement, l’absence d’évaluation partagée sur les conditions d’utilisation des subventions versées au CNOSF est le témoignage d’une approche « politique » de la relation entre les deux acteurs, qui ne relève pas d’un cadre de relations institutionnelles construites.
    Les décisions de subvention s’appuient sur le critère du point d’inflation ou répondent à des
    demandes du CNOSF « au coup par coup ». Elles font bien souvent l’objet d’un échange direct
    entre le ministre chargé des sports et le président du CNOSF, sans que le contenu précis de ces échanges ne soit forcément bien connu de la direction des sports et du CNDS.
    Si l’accroissement des aides au fonctionnement du CNOSF versées par le CNDS a permis un
    renforcement manifeste des coopérations au sein du mouvement sportif, il n’a pas conduit à une augmentation proportionnelle du volume des services et des actions développés par le CNOSF en faveur de ses adhérents. Le CNOSF a certes engagé depuis 2010 une réflexion importante sur la mutualisation de services au bénéfice des fédérations sportives et les efforts déployés pour développer de nouveaux services et des outils communs au mouvement sportif sont significatifs.
    Les projets mis en oeuvre couvrent un champ large de besoins. L’évaluation de l’impact global de ces projets n’est cependant pas possible aujourd’hui, car un grand nombre d’entre eux sont encore en cours de développement. On peut cependant observer que grâce, notamment, au soutien important de l’État, le CNOSF a fortement accru ses effectifs à compter de 2008, tout en procédant à une profonde réorganisation interne propice à son adaptation aux enjeux du sport français.
    Certaines activités du CNOSF, singulièrement celles relevant de la fonction de représentation du mouvement sportif, se situent par nature dans des champs très proches de ceux du ministère chargé des sports. L’articulation entre les acteurs n’a jamais donné lieu à la recherche de complémentarités. Cette lacune crée les conditions d’un rapport concurrentiel.

    Au plan territorial, la relation entre le CNOSF et ses instances déconcentrées est mal identifiée par les responsables des services déconcentrés de l’État (DRJSCS, DDCS et DDCSPP) et par les élus locaux. Un projet de création d’une convention d’objectif entre le CNOSF et les CROS avait été envisagé, mais n’a pas été mis en oeuvre.
    Au terme de ses investigations, la mission d’inspection générale a retenu plusieurs
    préconisations destinées à préciser les conditions juridiques et matérielles d’une
    contractualisation susceptibles de faire évoluer la relation entre l’État et le CNOSF (cf. partie
    n°3).
    Une véritable coopération pourrait être développée entre l’État, sous réserve d’une évolution
    majeure des représentations de chacun des acteurs, s’agissant de leurs rôles respectifs, des enjeux qui s’y attachent, de la nature juridique des missions conduites et des domaines possibles de collaboration.
    La définition d’un nouveau schéma de collaborations entre l’État, le CNOSF et les fédérations ne peut pas s’appuyer sur la simple remise en cause de la place de chacun de ces acteurs. Elle doit partir d’un examen partagé de la capacité de chaque acteur à prendre en charge de nouvelles missions en fonction de ses compétences propres, ou des missions qu’il assurait déjà mais selon de nouvelles modalités.
    Ce travail doit, selon les rapporteurs, s’appuyer sur une analyse partagée de la nomenclature des missions permettant de mieux identifier les domaines dans lesquels le CNOSF participe à
    l’exécution de missions de service public. La délimitation entre les différentes missions, pourrait alors structurer les relations partenariales entre l’État et le CNOSF.
    La décision de confier les actions de rayonnement international au « comité français pour le sport international » pilotée par Bernard LAPASSET et placée auprès du CNOSF est cohérente avec cette démarche. Justifiée dans son principe et pertinente au regard du contexte international, elle est conforme à l’exigence de placer les actions de valorisation du potentiel sportif et olympique de la France dans les mains du mouvement sportif afin de se conformer aux principes de la Charte olympique. Elle permet de mieux intégrer dans la stratégie française les actions développées par le
    CNOSF et les fédérations sportives tout en laissant à l’État les prérogatives qu’il exerçait déjà dans ce domaine.
    Une démarche équivalente peut également être envisagée pour la définition des rôles des acteurs en matière de haut-niveau. Dans ce domaine, il est important que l’État conserve le pilotage. Celuici relève de ses prérogatives propres et il y consacre des moyens importants comme le souligne la
    Cour des comptes dans son récent rapport thématique4. Le CNOSF doit cependant être pleinement associé à la réflexion et aux décisions opérationnelles, au même titre que les fédérations sportives, aux travaux de la sous commission chargée du sport de haut niveau au sein du conseil national des sports. Le lancement d’une démarche de livre blanc pourrait favoriser une évolution concertée sur ce champ précis.
    Enfin des transferts ponctuels semblent tout à fait envisageables dans certains cas dès lors qu’ils se justifient par des compétences avérées et n’ont pas d’impacts sur les emplois et les financements.

    Ainsi, dans l’hypothèse d’un maintien de la gestion des aides individualisées par le CNOSF, la
    mission d’inspection générale considère que son intervention en amont sur l’instruction des
    demandes serait justifiée, de même que, son implication dans les démarches d’insertion sociale et professionnelle des sportifs de haut niveau.
    Sur l’ensemble des actions relevant des politiques publiques conduites dans le champ du sport, le CNOSF devrait, en tout état de cause, être mieux associé par l’État aux choix stratégiques. La mise en place du conseil national des sports par le décret n° 2013-289 du 4 avril 2013 doit permettre de reconfigurer les modalités de concertation avec le mouvement sportif et de créer un véritable lieu de dialogue et de travail en commun.
    En ce qui concerne le financement du CNOSF, il convient de porter attention à la question soulevée soulevé par la Cour des comptes dans son rapport thématique sur le sport : le financement du CNOSF par le CNDS caractérise une situation de conflit d’intérêt dont il faut sortir.
    Plusieurs scénarios sont développés dans le rapport afin de trouver une réponse juridiquement
    conforme à cette situation qui ne l’est pas, dont, notamment, celle consistant à créer un compte d’affectation spéciale dédiée spécifiquement au financement du CNOSF.
    La mission considère enfin qu’il convient d’examiner le scénario visant à faire du CNOSF la tête de réseau du CNOSF déconcentré (CROS, CTOS et CDOS) en lui affectant la partie des subventions allouées à ces structures au titre de leur fonctionnement, sur la part territoriale du CNDS. Ce scénario, qui constitue une source potentielle d’économies n’est envisageable que dans le cadre d’une concertation approfondie avec le CNOSF, auquel serait alors confié un important levier de pilotage dans le champ des politiques publiques sportives.
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