« Les élus de l’ANDES craignent une triple peine disproportionnée du sport local » Patrick APPERE
Patrick APPERE le président de l’ANDES s’exprime pour la première fois depuis le lancement de la pétition « Ensemble, entretenons la flamme de #Paris2024 » : baisse du budget, héritage, compétences, gouvernance sur les territoires, ANS, … « Face à l’hiver budgétaire, privilégions le dialogue pour développer des solutions agiles et économes. »
Vous avez lancé une tribune ENSEMBLE, ENTRETENONS LA FLAMME DE PARIS 2024 visant à mobiliser le monde du sport contre la diminution du budget dans le PLF 2025. Pourquoi avoir pris cette initiative ?
Le Sport et son budget national sont en grand danger ! Le projet de loi de finances 2025 prévoit de le diminuer de 33%. Six mois après la fin des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, c’est inacceptable !
Après l’alerte de l’amendement gouvernemental scélérat au Sénat, le 16 janvier, notre association nationale d’élus locaux en charge du sport (ANDES) a décidé de réagir en équipe, avec 2030 premiers signataires, et de fédérer tous les acteurs du sport français pour répondre collectivement à cette provocation et être offensifs dans le débat budgétaire, qui s’ouvre, à quelques jours de la commission mixte paritaire (CMP), le 30 janvier, et le retour devant le parlement.
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Aujourd’hui nous sommes mobilisés pour soutenir la ministre, Marie Barsacq, dans les ultimes arbitrages gouvernementaux. Nous avons amélioré notre engagement, en jouant plus collectif en ce début de 2ème mi-temps, mais désormais c’est le Money Time !
Le #CartonRougeABercy s’amplifie du côté de nombreuses fédérations. Nous constatons que l’action collective des athlètes, de notre tribune commune, du CNOSF et du CPSF ont commencé à faire bouger les lignes. Le Président de la République s’est exprimé. Les échanges avec Matignon et Bercy se poursuivent.
Nous restons donc très offensifs, notamment à l’endroit des 14 parlementaires de la CMP (7 sénateurs/7 députés). Mais au-delà de la CMP, et de son résultat, nous avons besoin de valider et d’homologuer le match, avec l’adoption du PLF/PLFSS 2025 ! Nous sommes aujourd’hui à -33% du budget sport. Notre objectif, c’est de gagner le match, comme nos amis de la Culture ! Il faut préserver le budget du sport !
Le sport n’est pas responsable du déficit français. Concrètement chaque euro investit par l’Etat en faveur du sport génère une économie directe et indirecte de 13 euros de dépenses publiques. Car le sport rassemble, éduque, soigne et ne peut donc pas constituer une variable d’ajustement.
Qu’attendiez-vous en héritage de #paris2024 ?
Grâce à l’équipe de Tony Estanguet, nous avons affirmé la place du sport en France. Le sport est notre bien commun, qui mérite une réelle reconnaissance. Le sport c’est 15 millions de licenciés, 3,5 millions de bénévoles sportifs, 200 000 emplois, 35 000 entreprises, 2,6% du PIB !
Le sport est au carrefour des solutions. Comme l’a affirmé le Premier Ministre, François Bayrou, « le sport est, comme la culture, un puissant facteur de cohésion, d’épanouissement et de fierté », nous espérions donc des actes, notamment financiers, pour amplifier cette dynamique olympique et paralympique, en particulier avec la perspective d’Alpes 2030. Nous militons donc, avec beaucoup d’acteurs du sport et des associations nationales d’élus, pour 1% du budget de la nation en faveur du sport. Le PLF 2025 l’effondre actuellement à 0,12% !
Comme élus locaux, nous défendons l’idée d’une trajectoire budgétaire responsable et soutenable, pour tendre, en 2030, à ce 1% Sport, en amplifiant dans le prolongement des excellentes initiatives de l’Etat et de l’ANS, avec les deux plans 5000 équipements de proximité, un vrai plan Marshall des équipements sportifs structurants. Nous défendons en particulier la mise en place d’un ambitieux Fonds Bleu, en faveur du parc de piscines françaises, vétuste et énergivore.
Certes le budget de l’Etat est important mais à l’échelle des moyens consacrés au sport, il pèse finalement relativement peu dans le modèle économique du sport en France. Chacun sait que le premier financeur du sport en France sont les collectivités territoriales. Doit-on être inquiet sur la capacité des collectivités territoriales à continuer à financer le sport dans les prochaines années ?
En effet, les collectivités sont les premiers acteurs du financement public du sport en France, avec un peu plus de 12 milliards d’euros par an. Si l’Etat est un nain budgétaire en matière de sport, les 50 ans de dérives des finances publiques nationales et le mur de la dette nous font craindre un décrochage des investissements sportifs des collectivités. Mais nous considérons que cette difficulté peut aussi être une opportunité pour repenser le financement du sport local, et diversifier ses ressources, tout en adaptant le service public local du sport.
La crise des recettes, imposée par l’Etat aux collectivités, risque néanmoins d’avoir de réels effets à court terme sur le développement du sport. L’obligation d’équilibrer les budgets des collectivités, conjuguée à l’effort demandé de 2,2 milliards, et certaines dépenses imposées, sont des signaux négatifs pour le sport local. Les élus de l’ANDES craignent une triple peine disproportionnée du sport local, par l’Etat, les collectivités, avec l’effondrement des financements croisés, et les acteurs économiques qui sont très inquiets de l’instabilité générale.
Nous entendons aussi un net épuisement des dirigeants bénévoles, et aussi parfois de la colère des élus locaux, démunis face à l’amplification des contraintes. Au regard des efforts attendus, nous pouvons craindre certaines réactions vives ! La résilience des acteurs du sport a aussi ses limites !
Le sport n’est pas une compétence obligatoire et risque d’être le premier impacté dans les économies budgétaires. Ne pensez-vous pas qu’il serait nécessaire de rendre le sport comme une compétence obligatoire pour les collectivités territoriales.
Évidemment, l’ANDES milite pour que le sport ne soit pas une variable d’ajustement budgétaire. Mais nous devons aussi en responsabilité assumer nos choix financiers. Le courage budgétaire est exigeant, mais les élus locaux comme de nombreux habitants et dirigeants de clubs sportifs, comprennent, et savent qu’il n’y a pas d’argent magique. La sobriété s’impose à nous. Soyons toutefois vigilants pour préserver l’accès au sport pour tous. Nous sommes inquiets de l’augmentation des fractures sociales et territoriales en matière de sport.
Ce n’est pas une question juridique. Le sport doit rester une compétence partagée. C’est la situation financière de l’Etat qui impose aux collectivités de clarifier leurs priorités politiques. Les élus locaux demandent d’abord qu’on leur fasse confiance et leur donne les moyens d’agir, en proximité. Il faut simplifier et aussi débureaucratiser toutes nos pratiques, nationales, locales mais aussi fédérales.
Prenons l’exemple de l’obligation de vidanges annuelle des piscine faîte aux collectivités. A l’ANDES nous pensons qu’il faut privilégier l’obligation de résultat, la qualité de l’eau, à l’obligation de moyens, qui coûte 30 millions d’euros par an, et gaspille 3 milliards de litres d’eau potable chaque année. Nous attendons toujours le décret interministériel, promis par Gabriel Attal en janvier 2024, pour faire cette économie !
Nous avons récemment alerté les ligues professionnelles et les fédérations sur les obligations imposées aux équipements des collectivités lorsqu’un club accède à une division supérieure. Face à l’hiver budgétaire, privilégions le dialogue pour développer des solutions agiles et économes.
En quoi la gouvernance du sport sur les territoires peut permettre aux différents décideurs du sport d’accompagner au mieux cette période délicate pour le sport français ?
La gouvernance du sport dans les territoires est insatisfaisante. Tous les acteurs en sont conscients, Marie-Amélie Le Fur, nouvelle présidente de l’ANS, en particulier. Des initiatives seront sans doute prochainement engagées pour améliorer cette situation. Nous sommes disposés à y prendre part.
Mais pour l’ANDES, ce n’est pas en démantelant l’Agence Nationale du Sport, ou en la spécialisant dans le haut niveau, que cela solutionnera le problème financier du développement des pratiques du sport en France ! Le sujet n’est pas mécanique mais politique !