Dispositifs scolaires pour l’accès au haut niveau et à la haute performance : un changement de paradigme s’impose.
Ce rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale, publié aujourd’hui mais daté du mois de novembre 2022, recommande que la réussite du sportif de haut niveau, dans son double cursus scolaire et sportif, soit garantie par l’individualisation d’aménagements scolaires adaptés à son parcours sportif. Rapport rédigé par Laurent de LAMARE, Christine LABROUSSE, François MICHELETTI.
Un changement de paradigme s’impose
La mission propose un changement de paradigme en plaçant le sportif de haut niveau au centre de son projet de vie. La réussite dans le double cursus scolaire et sportif implique désormais que la scolarité et la formation s’organisent en s’adaptant aux contraintes sportives et non plus l’inverse. En effet la mission relève les limites actuelles des aménagements portant sur l’emploi du temps hebdomadaire avec une scolarité en collège ou en lycée des élèves sportifs de haut niveau entièrement réalisée au sein de l’établissement. L’élévation du niveau de la concurrence sportive internationale, la multiplication des compétitions nationales et internationales et l’augmentation sensible des volumes d’entraînement constatés ces dernières années conduisent à rendre plus difficiles les aménagements de scolarité et d’examens dans le secondaire et le supérieur. La mission considère qu’il convient d’envisager la notion d’aménagement dans son acception large mais n’est pas favorable à une dispense totale d’un enseignement obligatoire.
Des clarifications à opérer
Selon la mission, outre un pilotage national à renforcer, une clarification des rôles et des collaborations entre les différents acteurs nationaux dans le pilotage du sport de haut niveau s’impose
Des moyens humains et financiers à mobiliser dans les cadres des conférences régionales du sport et des financeurs
Les politiques publiques d’accès au sport de haut niveau nécessitent des moyens humains et financiers. La mission préconise que des crédits soient identifiés afin de soutenir les projets d’aménagement scolaire les plus innovants au sein des établissements relevant du ministère chargé des sports de même que dans le cadre de la démarche engagée par l’éducation nationale « notre école, faisons-la ensemble ». Des projets concernant l’accès au sport de haut niveau pourraient être retenus dans le cadre des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs.
29 préconisations
Préconisation n° 1 : Instituer un comité de pilotage interministériel dédié au suivi et à l’évaluation de la politique nationale en faveur du haut niveau en y intégrant une mission permanente, interministérielle et opérationnelle sur la politique à conduire afin d’améliorer les conditions d’accueil et de scolarisation des ESHN dans leur parcours, du programme d’accession au haut niveau au programme d’excellence.
Préconisation n° 2 : Établir, dans le cadre de protocoles contractualisés, une cartographie précise des prérogatives et modes opératoires de la direction des sports, de l’Agence nationale du sport et des autres opérateurs de l’État et organiser des temps d’échanges formels ou informels réguliers entre les acteurs concernés afin de favoriser le partage d’information et la complémentarité des interventions publiques.
Préconisation n° 3 : Modifier l’article L. 114-2 du code du sport afin d’étendre les missions exercées par les CREPS au nom de l’État au suivi de la préparation et de la formation de tous les sportifs inscrits dans les structures des projets de performance fédéraux, même s’ils ne sont pas inscrits sur les listes ministérielles (DS, mesure législative).
Préconisation n° 4 : Préciser par arrêté d’application du décret du 9 décembre 2020, complété le cas échéant par une instruction, le rôle des CREPS, OPE, MRP et RRHP ainsi que leur articulation avec les fédérations (DS – ANS).
Préconisation n° 5 : Renforcer le dispositif de suivi et d’évaluation par l’ANS des actions et des financements des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs, consacrés aux dispositifs scolaires et sportifs d’accès au sport de haut niveau, dans le cadre de la mise en oeuvre de leur projet sportif territorial (ANS).
Préconisation n° 6 : Sensibiliser les recteurs de région académique à l’importance de la mise en place des comités de pilotage régionaux du sport de haut niveau et s’assurer de leur mise en oeuvre effective (DGESCO-DS).
Actualiser l’instruction interministérielle du 5 novembre 2020 en précisant la place du DRAJES et en mentionnant explicitement le responsable régional de la haute performance ainsi que le comité régional olympique et sportif dans la composition des comités de pilotage (DS et directions concernées).
Préconisation n° 7 :
Rendre obligatoire l’élaboration et la formalisation d’un schéma territorial d’accession au sport de haut niveau en modifiant la circulaire du 10 avril 2020 (DGESCO).
Préciser la forme et le contenu du bilan annuel, sur les plans quantitatif et qualitatif, du schéma territorial du sport de haut niveau, intégrant les SES, qui doit être transmis à la DGESCO en complétant la circulaire du 10 avril 2020 (DGESCO).
Préconisation n° 8 :
– Affirmer la nécessité pour les fédérations qui souhaitent l’ouverture de SES, de les identifier et de les positionner dans leur programme d’accession et que cette condition soit vérifiée avant l’ouverture de SES pour 2023-2024 en complétant la circulaire du 10 avril 2020 (DGESCO – DS) ;
– Mettre à disposition des recteurs de région académique, DRAJES, directeurs de CREPS,
responsables régionaux de la haute performance, les projets de performance des fédérations (DS) ;
– Encourager et accompagner les fédérations des sports d’hiver afin qu’elles identifient, si elles le souhaitent, les SES dans le programme d’accession au sport de haut niveau de leur projet de performance fédéral (ANS) ;
– Permettre aux fédérations dont les projets de performance fédéraux sont déjà validés de
présenter, si elles le souhaitent, un avenant à leur PPF intégrant les SES avant le 28 février 2023 (DS – ANS) ;
Préconisation n° 9 : Compléter l’instruction interministérielle du 5 novembre 2020 en précisant que les aménagements de la scolarité doivent être contractualisés dans une convention locale de fonctionnement (annexe « locale » de la convention cadre à l’échelle de la région académique). Cette convention est rédigée et visée par le chef d’établissement, le responsable de la structure sportive, le CREPS (ou RRHP) et le rectorat (IA-IPR EPS).
Préconisation n° 10 :
Prévoir la délocalisation partielle ou totale des enseignements scolaires au sein d’un établissement du ministère chargé des sports pour offrir un cadre souple et adapté aux contraintes sportives de l’élève :
– personnalisation des parcours scolaires au regard des contraintes et du niveau sportif des élèves ;
– constitution d’une équipe projet compétente pour l’encadrement scolaire et le suivi du double cursus ;
– emploi du temps spécifique pour des entraînements quotidiens et bi quotidiens ;
– gain de temps en termes de déplacement et de récupération ;
– mutualisation des moyens (rectorat, ministère des sports, collectivités territoriales…) ;
– hébergement prioritaire en internat pour les élèves sportifs de haut niveau éloignés de leur structure familiale.
Cette disposition réglementaire est prévue dans la convention cadre de la région académique et se contractualise plus précisément dans une convention locale de fonctionnement entre les différents acteurs concernés (cf. préconisation n° 9).
Préconisation n° 11 : Labelliser un réseau d’établissements qui accueillent des dispositifs du programme d’accession au haut niveau (SES, pôles Espoirs) et du programme d’excellence (pôles France et pôles Relève), en mutualisant les moyens (HSE et ressources d’encadrement et pédagogiques) et en assouplissant la dérogation à la carte scolaire pour des établissements qui engagent sur le plan structurel et pédagogique des aménagements importants pour les élèves sportifs de haut niveau. L’affectation au sein de ce réseau
d’établissements, de personnels de direction et d’enseignants sensibles et engagés sur la question de l’inclusion scolaire, en particulier celle des ESHN, apporterait une réelle plus-value.
Cette disposition doit être inscrite dans la convention cadre de la région académique.
Préconisation n° 12 :
Prévoir les modalités d’identification et d’accompagnement (aide et soutien) des élèves sportifs de haut niveau ou en voie d’accession et scolarisés en dehors d’une structure d’entraînement du projet de performance fédéral (PPF).
Ce travail d’identification est conduit en collaboration entre le CREPS (MRP) ou l’OPE, la DRAJES, les fédérations sportives et le rectorat (IA-IPR EPS).
Préconisation n° 13 :
Aménager la scolarité des élèves par un étalement du temps scolaire :
– 40 semaines de cours ;
– utilisation des plages de certaines vacances scolaires (automne, hiver et printemps notamment) ;
– rentrée anticipée dès la fin du mois d’août.
Cette disposition peut être prévue et contractualisée dans la convention cadre de la région académique.
Préconisation n° 14 : Moduler le volume d’enseignement de l’EPS sur le principe de la complémentarité descompétences spécifiques développées en EPS et celles acquises par et dans la pratique sportive de spécialité. Cette disposition peut être prévue et contractualisée dans la convention cadre de la région académique.
Préconisation n° 15 : Impulser le déploiement d’un enseignement hybride (alternance présence et distance) sous la conduite d’un travail collaboratif entre les services du rectorat (délégation académique au numérique éducatif, IA-IPR, chefs d’établissement, enseignants) et les CREPS (MRP) ou OPE. Des banques de ressources pédagogiques mutualisées à l’échelon du territoire académique, de région et national offriraient aux enseignants et aux élèves des espaces de partage au service des aménagements de la scolarité.
Préconisation n° 16 : Recruter, sous l’autorité du recteur d’académie, un personnel qualifié et compétent qui assure la coordination spécifique entre le ou les établissement(s) scolaire(s) partenaire(s) et l’établissement du ministère chargé des sports sur le suivi des aménagements scolaires (un conseiller principal d’éducation, par exemple).
Préconisation n° 17 : Proposer au sein des territoires une cartographie interactive des dispositifs du programme d’accession au haut niveau et du programme d’excellence au service d’une meilleure communication sur leur lieu d’implantation. Ce travail au plan territorial est conduit en partenariat avec la DRAJES, le CREPS (MRP) ou OPE et le rectorat (IA-IPR EPS et le service informatique et statistique).
Préconisation n° 18 : Exploiter au mieux dans le cadre strict du respect de la réglementation, les possibilités offertes par l’adaptabilité du contrôle continu, du contrôle en cours de formation, de l’étalement possible de passation des épreuves et des modalités de remplacement pour aménager le passage des examens au regard des contraintes sportives des élèves. Cette démarche s’effectue en collaboration entre le chef d’établissement, le rectorat (recteur d’académie et division des examens et concours), la fédération (DTN) et le CREPS (MRP) ou OPE.
Préconisation n° 19 : Actualiser la note de service du 24 mars 2022 pour autoriser les élèves sportifs de haut niveau, ainsi que les élèves inscrits en SSS et SES à s’appuyer sur la prestation physique de leur activité sportive de spécialité dans le cadre de la deuxième partie de l’épreuve orale de l’enseignement de spécialité éducation physique pratiques et cultures sportives (DGESCO).
Préconisation n° 20 : En référence aux conditions d’accueil et de formation des étudiants en situation de handicap, reconnaître un parcours de formation spécifique pour les étudiants sportifs de haut niveau et envisager une discrimination positive pour ces étudiants : aménagements particuliers, places réservées dans les cursus de formations universitaires et certaines écoles.
Préconisation n° 21 :
Déployer les « cordées du sport » dans les territoires en développant les partenariats entre :
– le rectorat (référent académique des « cordées de la réussite », cellule académique recherche développement innovation et expérimentation, IA-IPR EPS et chef d’établissement d’accueil d’ESHN) ;
– les opérateurs du ministère chargé des sports (CREPS ou OPE, le référent du suivi socio-professionnel de la MRP, un référent du suivi socio-professionnel d’une fédération sportive) ;
– des établissements de l’enseignement supérieur ;
– la DRAJES.
Préconisation n° 22 :
Accompagner dans le cadre de ces partenariats pour le déploiement des « cordées du sport » :
– la labellisation, sous l’autorité du recteur d’académie, des nouvelles « têtes de cordées »
(CREPS, établissements de l’enseignement supérieur) et des nouveaux établissements dits « encordés » (établissements scolaires accueillants des ESHN) ;
– l’élaboration et la mise en oeuvre du dispositif sur le modèle des « cordées de la réussite » (appel à projet et financement) ;
– le développement des tutorats et des mentorats ;
– l’organisation de forums de l’information et de l’orientation ;
– le développement de la connaissance de soi, du référentiel de compétences des sportifs de haut niveau, des métiers et des procédures (environnement institutionnel = connaissance du statut réglementaire des sportifs de haut niveau, offre de formation diversifiée dans l’enseignement supérieur, Parcoursup…).
Préconisation n° 23 : Compléter la note du 26 avril 2022 et son annexe 1 relative au déploiement des « cordées du sport » au sujet de la répartition des sources financières du dispositif entre l’ANS, la DGESCO et la DGESIP.
Préconisation n° 24 :
– Actualiser l’instruction du 29 mai 2020 relative à la campagne d’agrément des CFCP en substituant les DRAJES aux DRJSCS et en mentionnant l’information relative à la prévention du dopage et des conduites dopantes au même titre que les autres obligations qui sont précisées dans le cadre de la formation sportive et citoyenne (DS) ;
– Étudier la possibilité d’introduire dans le code du sport une obligation de scolarité ou de formation jusqu’à 18 ans pour les jeunes sportifs ayant signé un contrat professionnel (DS) ;
– Prévoir que les sportifs et leurs parents soient informés du pourcentage de contrats professionnels conclus par le club ou le cas échéant un autre club à l’issue de la période en
centre de formation ;
– Préciser par voie réglementaire ou le cas échéant d’instruction la durée et les modalités de l’aide à l’insertion scolaire et professionnelle que les clubs professionnels sont tenus d’apporter aux jeunes qui ne signent pas un contrat professionnel à l’issue de leur période en centre de formation (DS).
Préconisation n° 25 : Identifier des crédits de l’ANS permettant de soutenir les projets d’aménagements scolaires les plus innovants au sein des établissements relevant du ministère chargé des sports (DS – ANS).
À ce titre, envisager un appel à projet conduit par l’Agence qui porterait sur des initiatives locales innovantes d’aménagements de la scolarité mettant au coeur du dispositif les contraintes sportives du ESHN.
Préconisation n° 26 : Actualiser la circulaire du 10 avril 2020, par la mention d’une dotation spécifique (HSE et IMP) sous l’autorité du recteur de région académique au titre de l’encadrement et de la coordination du dispositif des SES au niveau local (DGESCO).
Préconisation n° 27 : Profiter de la démarche engagée par l’éducation nationale, « notre école, faisons-la ensemble » afin d’impulser et de mettre en oeuvre des projets innovants en matière d’aménagement pour les élèves sportifs de haut niveau accompagnés de financement pour encourager leur déploiement.
Préconisation n° 28 : Ouvrir une ligne de crédits sur le programme budgétaire 231 action 3 permettant d’accorder aux universités une dotation en fonction du nombre d’étudiants sportifs de haut niveau qu’elles accueillent (DGESIP). Préconisation n° 29 : Cibler au sein de la commission haut niveau de la conférence régionale du sport un projet phare du projet sportif territorial qui ferait l’objet d’un financement partagé et défini dans le cadre de la conférence des financeurs (CPOF).