Didier Seminet candidat à la présidence du CNOSF : « Le CNOSF ne doit plus valider, il doit impulser »
Didier Seminet est candidat à la présidence du CNOSF. Il a répondu à nos questions suite à publication récente de son pre programme.
Question : Vous insistez dans votre lettre de candidature sur l’importance de reconstruire un CNOSF fort et influent. Concrètement, quelles seront vos premières mesures dans les 100 jours suivant votre élection pour redonner une place centrale au CNOSF dans l’écosystème sportif et politique ?
Didier Seminet : Le constat est que le CNOSF a été au premier plan sur certains sujets comme l’obtention des Jeux de 2030 et moins sur d’autre, c’est du moins ce que j’ai ressenti, comme celui de la laïcité dans le sport. Il faut donc travailler à installer un réflexe d’influenceur du CNOSF chez les décideurs politiques, économiques et médiatiques. Les 100 premiers jours n’y suffiront sans doute pas mais ils seront consacrées principalement à de multiples rencontres avec les différentes institutions en lien avec le sport. Au-delà de ces échanges, ces 100 jours devraient permettre une vraie prise de conscience pour installer une méthode. Mon objectif sera de poser les bases d’une évolution concrète, partagée et durable du CNOSF dans cet objectif d’influenceur, voire de lobbying.
Concrètement, je souhaite d’abord mettre en place un bureau exécutif plus politique, avec des élus qui pourront épauler le président et la ou le secrétaire général dans ces démarches d’influence. Je compte aussi m’appuyer sur un cabinet renforcé et spécialisé sur ce point. Cela créera une nouvelle dynamique stratégique et permettra de mieux rapprocher le CNOSF des différents décideurs français voire étrangers.
Ensuite je souhaite tout de suite engager les chantiers suivants :
- Renforcement du rôle politique : Établir des relations étroites avec les pouvoirs publics et les partenaires institutionnels sur les sujets de société, en plaçant le sport au cœur des débats nationaux sur la performance, la santé, l’éducation, le vivre ensemble, l’inclusion ou l’investissement social. À ce titre, des liens réguliers seront engagés avec les présidents des groupes parlementaires, des branches professionnelles et des chambres consulaires afin d’installer une relation suivie et partenariale.
- Dialogue élargi et construction collective : Des réunions et concertations régulières avec les fédérations, clubs et autres acteurs du mouvement sportif permettront d’identifier rapidement les besoins et les leviers d’action prioritaires. Dès l’été 2025, « des Universités d’été du sport » seront organisées par le CNOSF, elles pourraient même devenir annuelles selon leur succès. Cela permettra de réunir des sportifs, entraineurs et dirigeants des fédérations et clubs, ainsi que les acteurs et partenaires du monde du sport de tous les territoires pour co-construire un projet de transformation, avancer sur des grands sujets de société et commenter l’actualité. Ce travail collectif débouchera sur une Assemblée Générale extraordinaire à la rentrée 2025, pour débattre, enrichir et valider la feuille de route du nouveau mandat.
- Initiatives de visibilité : Lancement d’une campagne nationale « Le sport, un investissement pour la Nation » pour valoriser l’impact social et économique du sport.
- Relations avec les acteurs pédagogiques : Le club sportif, en particulier fédéré, est le troisième lieu d’éducation après la famille et l’école. Le CNOSF doit entretenir une relation étroite avec le ministère de l’éducation afin d’optimiser les dispositifs existants (pass’sport, carte passerelle) et en développer de nouveaux.
Question : Votre préprogramme évoque une fusion possible entre le CNOSF et le CPSF. Quels en seraient, selon vous, les bénéfices concrets pour le mouvement sportif? Et comment comptez-vous gérer les résistances éventuelles à cette idée ?
Didier Seminet : La fusion entre le CNOSF et le CPSF est un sujet qui a déjà été évoqué par le passé, notamment lors du mandat 2017-2021 qui a vu l’organisation des Jeux de 2024 être attribuée à Paris. Elle pourrait faire partie de l’héritage des jeux qui ont vu un engouement formidable des Français pour l’équipe de France unie, au-delà même du symbole. C’est aussi une réalisation effective dans certains pays, dont les États-Unis, qui ont le CNO devenu le CNOP, le plus puissant de l’univers olympique. L’ambition est de créer une structure unifiée et plus influente, pour représenter et défendre l’ensemble du mouvement sportif français. Si elle recueillait un indispensable et puissant sentiment d’adhésion, il faudrait veiller à une transition en douceur, en tenant compte évidemment de l’organisation en France des Jeux d’hiver de 2030.
Il était évident que l’organisation des Jeux d’été de 2024 repoussait la discussion d’une éventuelle fusion des deux comités à l’après-Jeux. Pour autant, les questions de l’héritage, des difficultés vécues avec l’épisode budgétaire ou les interrogations qui pèsent sur les financements par les collectivités territoriales justifient de se poser la question. Il ne s’agit pas d’imposer quoi que ce soit mais d’en discuter, sereinement et collectivement.
Question : Vous parlez de « valoriser le rôle des clubs » et proposez une Grande Consultation nationale. Quels engagements prenez-vous pour que cette consultation débouche sur des actions concrètes et non sur un simple exercice de communication ?
Didier Seminet : Les clubs sont le cœur battant du sport français et leur force définit celle du mouvement sportif. Le fait que les clubs fédérés aient pu être associés directement à la vie fédérale est un élément essentiel dans l’accroissement du lien club-fédération. Pour autant, ce lien peut être amélioré et de l’attente des clubs vis-à-vis des fédérations — et aussi du CNOSF — dépendra la stratégie de ce dernier.
Les différentes campagnes de promotion vantant l’idée que « Faire du sport dans un club, c’est mieux » ont marqué les esprits. Il faut continuer dans ce sens pour mettre les clubs au 1er plan.
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La première étape consistera à organiser une grande consultation structurée : enquête nationale, temps de concertation, congrès dédié, puis élaboration d’une feuille de route opérationnelle. Elle sera suivie par la mise en place d’un comité de suivi composé de représentants des clubs, garantissant la continuité, l’évaluation et la mise en œuvre des propositions issues du terrain.
En fin de mandat, si l’on arrive à avoir une communication régulière avec un reporting transparent sur l’avancée des mesures concrètes, pour assurer un lien direct entre la parole des clubs et l’action du CNOSF, ce sera déjà un vrai progrès.
L’objectif final est de réfléchir à comment les clubs fédérés vont pouvoir ou devoir évoluer pour s’adapter aux changements sociétaux actuels, à l’image des transitions numériques ou environnementales qui traversent notre société.
Question : Sur le plan économique, vous proposez la création d’un fonds d’investissement du sport. Qui seraient les contributeurs ? Et comment garantir une répartition équitable de ces ressources entre sports « majeurs » et « mineurs » ?
Didier Seminet : C’est un objectif qui peut paraître utopique, et pourtant il était au cœur des perspectives d’héritage des Jeux de Paris 2024. Tout le monde reconnaît l’importance sociétale du sport et celle de son nombre de pratiquants. C’est la base de notre rôle et la justification d’un fonds d’investissement du sport visant à renforcer l’autonomie économique du secteur.
Le COJO 2024 a montré la voie avec le fonds de dotation de 50 millions d’euros qui a permis de financer divers projets à vocation sociale. C’est ce modèle à contributeurs publics et privés qu’il faut pérenniser.
Ce fonds permettrait de soutenir des projets structurants à l’échelle nationale et territoriale, mais aussi d’alimenter les Projets Sportifs Fédéraux (PSF) portés par l’Agence nationale du Sport, afin de renforcer leur impact.
Parce que le sport fait partie des rares secteurs sur lesquels miser pour l’avenir du vivre ensemble, l’utopie d’aujourd’hui peut devenir la réalité de demain.
Question : La gouvernance du CNOSF a été largement critiquée ces dernières années. Comment votre modèle de gouvernance « moderne, collective et structurée » se distinguera-t-il de l’existant ? Quels garde-fous proposez-vous de mettre en place pour garantir l’éthique et l’efficacité ?
Didier Seminet : La transformation de la gouvernance du CNOSF s’appuie sur trois piliers : ouverture, transparence et efficacité. Ouverture pour être à l’écoute et répondre aux attentes, transparence parce que c’est la règle essentielle de la crédibilité, efficacité pour l’évidence qu’elle représente et qui ne pourra être au rendez-vous que si l’on joue collectif.
Pour cela, au-delà de l’optimisation du fonctionnement des instances élues — bureau exécutif, commissions — je souhaite redonner au conseil d’administration un rôle central en le positionnant comme un véritable comité de pilotage stratégique. Il ne doit plus être perçu comme une simple instance de validation, mais devenir un lieu actif de réflexion, de proposition et de suivi des grandes orientations du mandat. Des réunions plus régulières et structurées permettront de garantir un cap partagé et un travail collectif assumé.
Je suis par ailleurs adepte d’un management bienveillant et exigeant, fondé sur l’écoute, la coopération et la responsabilité. Ce sera l’une de mes premières missions que de mettre cela en place, en m’appuyant sur un audit social et financier indépendant dès le début du mandat pour évaluer objectivement la situation et identifier les axes d’amélioration.
Je compte également proposer l’élargissement du rôle du comité de déontologie, notamment en permettant à l’ensemble des membres du CNOSF de le saisir. Cela renforcera la transparence et la capacité de régulation éthique de l’organisation.
Enfin, je souhaite ouvrir davantage le CNOSF sur son environnement, en mettant en place un Conseil stratégique du sport composé d’experts, de chercheurs, de dirigeants d’entreprise, de représentants de terrain. Ce conseil, complémentaire à l’action de l’Agence nationale du Sport, permettra d’enrichir nos réflexions, d’innover et de mieux anticiper les grandes mutations du sport dans la société.
Les propositions d’actions sont d’autant plus intéressantes qu’elles sont l’émanation d’une pluralité d’opinions et de sensibilités. Une gouvernance moderne ne peut plus être verticale, elle doit être collective, partagée et exemplaire.
Question : Votre candidature se fonde sur des convictions fortes. La proposition de loi sur la laïcité dans le sport fait aujourd’hui débat y compris au sein du mouvement sportif. Quelles sont vos convictions sur le sujet ?
Didier Seminet : Je suis profondément attaché aux valeurs républicaines, et la laïcité est un principe non négociable. Le sport doit être un espace de liberté, d’égalité et de neutralité pour tous les pratiquants.
Je suis aussi attaché à la démarche collective. Ma conviction est simple pour un sujet éminemment complexe : ne pas laisser de faille dans le collectif, sans quoi c’est le début de la discorde. Le dispositif actuel prévoit la liberté laissée aux fédérations de décider. Cela ouvre la voie à des discussions du type : pourquoi ce qui est autorisé à tel sport ne l’est pas à tel autre ?
Il aurait été nécessaire de concerter l’ensemble des fédérations pour établir un mode opératoire commun. L’absence de ce mode commun a conduit le Parlement à légiférer. Mais la proposition actuelle ne s’applique qu’aux délégataires, laissant les non délégataires libres. On a remplacé une faille par une autre, ce qui est préoccupant.
J’ai alerté le sénateur Michel Savin, qui m’a indiqué que le projet initial visait bien l’ensemble des fédérations agréées. Il semblerait que ce soit le gouvernement précédent qui ait introduit cette différenciation. Pour quelles raisons ? Cela mérite d’être clarifié.
Quoi qu’il en soit, le CNOSF ne peut pas rester à l’écart d’un débat parlementaire qui touche à l’unité du mouvement sportif français.
Question : Avez-vous déjà une idée de votre fonctionnement, tant sur le plan du bureau exécutif que sur celui du personnel du CNOSF ?
Didier Seminet : Concernant le personnel, je serai évidemment attentif aux conclusions de l’audit social, même si mon expérience personnelle me permet déjà d’avoir quelques idées sur le sujet.
Concernant le Bureau exécutif, il y a deux démarches possibles : soit on promet des postes en échange de voix, soit on construit une équipe en fonction du projet. Je choisis la seconde option, celle de l’intérêt général.
Je sais aussi combien le rôle de Secrétaire général est important : c’est le numéro 2 du CNOSF, en tandem avec le président sur la représentation et le leadership. Pour élargir le champ des possibles, il me semble absolument nécessaire de modifier l’article du règlement intérieur qui exige que le secrétaire général démissionne de ses fonctions fédérales dans les 3 mois. Cet article est pénalisant pour l’efficacité du CNOSF. Je proposerai donc qu’il soit modifié dès la première AG, au nom de la notion de performance.
Pour ce qui est du reste du bureau exécutif et éventuellement de son élargissement, je n’aurai aucun à priori, tout est ouvert, mes deux boussoles sont d’être performant et de travailler en équipe.