« Emmanuel Macron méconnaît la réalité des cours d’EPS à l’école et la culture de cette discipline scolaire » Mélanie Heard
A lire cet article de Mélanie Heard responsable du pôle Santé de Terra Nova dans la grande conversation.
En cette rentrée 2023, le président de la République a souhaité mettre l’école, qu’il a désignée dans la presse comme son « domaine réservé », au centre de ses préoccupations. Parmi les convictions qu’il a partagées à ce sujet, l’une est revenue dans plusieurs de ses interventions : l’importance cruciale de l’activité physique à l’école, dont il entend étendre la pratique dans les emplois du temps du primaire et du collège.
extraits
Pour l’auteur « Emmanuel Macron méconnaît la réalité des cours d’EPS à l’école et la culture de cette discipline scolaire. Il méconnaît également les données scientifiques qui décrivent aujourd’hui les liens entre activités physiques et cognitives. Enfin, il méconnaît plus encore la qualité première que l’éducation progressiste et humaniste prête aux enfants : une énergie inouïe d’apprendre, dès le tout premier âge et son cortège de défis cognitifs (apprendre à communiquer, à marcher, à parler…), énergie que l’éducation n’a pas vocation à drainer, cadrer ou dresser, mais à laquelle elle doit plutôt donner le loisir (scholè) de s’exprimer, de s’épanouir, de s’enrichir et de se cultiver. »
Mélanie Heard se livre à une analyse des préconisations du Conseil scientifique de l’Education nationale (CSEN) et met en évidence que » les orientations prises actuellement pour augmenter le temps d’activité physique à l’école ne correspondent que très partiellement aux connaissances partagées par le CSEN : loin de généraliser les démarches de classe active dont la littérature démontre l’intérêt, les « pistes et propositions » fournies par le ministère aux écoles volontaires mentionnent plutôt les « courses de relais », les « jeux d’antan », la « récréation active », ou encore la course à pied (« courir chaque jour 1,6 km en 15 minutes, à l’air libre, sans équipement, ni tenue sportive »). »
En outre « les enseignants d’EPS n’adhèrent guère à l’idée que le sport soit une occasion d’ « évacuer l’énergie » ou de « se dépenser » ; le corpus disciplinaire qu’ils défendent est plutôt centré sur la « culture sportive », le « plaisir » et le « souci du vivre-ensemble » : des notions qui sont au fondement de leur enseignement tel que défini au Bulletin officiel »
« Le plaidoyer présidentiel en faveur du sport à l’école a donc ceci de surprenant qu’il ne rencontre donc ni l’adhésion des enseignants de la discipline, ni leur culture professionnelle, ni même vraiment (en dépit d’un juste attachement proclamé à une école plus evidence-based) les évidences scientifiques, qui inviteraient à repenser la place du mouvement dans la pédagogie plutôt qu’à allonger le temps de course à pied des enfants. »