La légende raconte qu’à Bercy, le sport français est un jeu. Un jeu de Monopoly lancé à l’été 2018, au moment où les hauts fonctionnaires de la rue de Bercy proposaient de recentrer l’action de l’État sur le haut niveau et la performance, dans le cadre de la mission « Action Publique 2022 ».
Pour AP 2022, il s’agissait de créer une « Agence nationale du sport, établissement public cogéré avec le mouvement sportif, en charge du sport de haut niveau et de la préparation sportive pour les grandes compétitions. » Exit le développement de la pratique qui incombait aux fédérations et aux collectivités territoriales. « La création d’une telle agence pourra d’ailleurs conduire à s’interroger sur l’opportunité du maintien d’un ministère de plein exercice. » ajoutait AP22.

Le ministère des Sports, encore debout mais vacillant, pesait 469 millions
À cette époque (juillet 2018), le ministère des Sports, encore debout mais vacillant, pesait 469 millions d’euros et allait subir une baisse de 30 millions d’euros. Le CNOSF s’était indigné avait lancé une pétition qui avait recueilli 154000 signatures.

Les dés étaient lancés.
Depuis, les cases du Monopoly se sont nommées, Jeux Olympiques et paralympiques Paris 2024 (26 juillet 2024) , Champs-Élysées, Place de la Concorde (skate, breaking et basket 3×3), Champ-de-Mars, Invalides, Grand Palais, Arena La Chapelle, Pont Alexandre III… et même la Seine, transformée en podium olympique flottant.
Le sport français a cru toucher la rue de la Paix. Il a vu son budget doubler, passant de 451 millions à plus de 1,1 milliard d’euros à la veille des Jeux. Il a gagné en visibilité, en reconnaissance, en événements. Il a innové. Il a célébré.
On y a cru à la nation sportive.
La création de l’ANS … fruit d’un compromis arraché à AP 2022, qui n’en voulait pas
Dans ce jeu à l’échelle d’une Nation, une nouvelle case est apparue en 2019 : l’Agence nationale du sport (ANS). Une gouvernance partagée, fruit d’un compromis arraché à Bercy, qui n’en voulait pas. Une tentative de mettre autour de la même table État, mouvement sportif, collectivités et monde économique. Les règles du jeu ont été réécrites : projet sportif fédéral, projet de performance fédérale , conventions d’objectifs, contrat d’engagement républicain, ça contractualise dans tous les sens. Une avancée sur le papier, un échec en réalité. A Bercy on doit bien se marrer.
Pire le système est devenu fou. L’argent avant allait aux clubs. Avec l’ANS et les projets de développements fédéraux, l’argent ne ruisselle plus jusqu’aux clubs. A tel point qu’un rapport préconise à l’ANS de réduire la voilure sur les PSF et à rationaliser son soutien aux associations. Une autre solution aurait été de virer l’ex part territoriale du CNDS directement sur les territoires au niveau des conférences des financeurs. C’est l’ancien président du CNOSF Denis Masseglia qui a négocié en direct en haut lieu le fait qu’elle soit gérée par les fédérations. Les fédérations peuvent le remercier, les clubs moins. La part qui retombe sur les clubs n’a jamais été aussi faible à tel point que l’ANS a exigé qu’elle ne puisse pas descendre en dessous de 50% des crédits.
Passages par les cartes « Chance » et « Caisse de communauté »
Mais comme dans tout bon Monopoly, il y a les cases qui réjouissent… et celles qui rappellent à l’ordre :
- Cour des comptes : sévère avec la gouvernance, la performance, les financements croisés et une consolidation des dépenses qui a suscité de vives réactions y compris au CIO ! .
- AFA (Agence française anticorruption) : alertes sur les risques systémiques.
- Une multitude de sondages Harris, Toluna, IFOP : enthousiasme populaire, mais aussi attentes non comblées en matière d’accès, d’égalité territoriale et de sport du quotidien pour au final constater qu’en 40 ans la pratique sportive des Français n’a pas augmenté.
- Rapports parlementaires, propositions de lois : des diagnostics récurrents, des recommandations redondantes, rarement suivies d’effet.
Un an après les Jeux, sept ans après le lancement de l’ANS
La boucle est bouclée. Un an après les Jeux de Paris 2024, et sept ans après la naissance de l’ANS, le sport français retourne à la case départ. Le ministère des Sports est à nouveau l’objet d’un débat existentiel en tout cas pour l’instant sur son budget. Une pétition est lancée…. « Stop à la casse du sport français » , comme en 2018. Et comme le pire n’est jamais certains. Va t on revenir au budget de 2018 ?
L’ANS est questionnée sur sa légitimité, son efficacité et donc son existence. Les clubs, eux, continuent de jouer sans toujours comprendre les règles ni savoir ce qu’il va rester dans la case banque que ce soit celle de l’Etat ou des collectivités territoriales.
En janvier 2022, je me posais la question, le sport peut t-il passer d’un statut de « divertissement » à celui de politique publique ? on a notre réponse
Retour à la case départ, le sport français a tiré la mauvaise carte
Un an après les Jeux de Paris 2024, sept ans après la création de l’Agence nationale du sport, le sport français a tiré la mauvaise carte « Vous avez trop perçu. Baisse de budget. Retour à la case départ. »
Le budget du ministère des Sports vacille, l’ANS est sur la sellette, les clubs ne voient plus passer la monnaie, et une nouvelle pétition circule pour dénoncer la casse. Au terme d’un Monopoly grandeur nature, joué sur fond d’ambitions olympiques, les dés sont relancés pour 2030 avec quels moyens ? Des #EGS2025 états généraux du sport s’imposent en 2025.