Le sport français entre instrumentalisation et crise identitaire par Patrick Roult

Promis à un nouveau souffle après les Jeux, le sport français se réveille avec un sentiment amer. Entre coupes budgétaires, crise de confiance avec l’État, et instrumentalisation croissante des politiques sportives, le monde associatif et fédéral tire la sonnette d’alarme. Derrière les coupes budgétaires post-JOP, une crise plus profonde se dessine : celle d’un sport réduit à un outil au service d’objectifs sanitaires, sécuritaires ou sociaux. Le mouvement sportif dénonce une rupture de confiance avec l’État et une perte de sens. Loin d’un simple ajustement comptable, c’est tout un modèle qui vacille pour Patrick Roult dans son Invitation à réfléchir #4

L’après-Jeux Olympiques de Paris 2024 ne ressemble en rien aux promesses formulées avant l’événement. Alors que les discours évoquaient une « nation sportive » durable, le mouvement sportif dénonce aujourd’hui une désillusion brutale, marquée par une baisse des financements, une perte de reconnaissance, et une crise existentielle.

Le sport vidé de sa finalité propre et instrumentalisé

Car derrière l’austérité post-olympique se cache une transformation bien plus profonde : le sport est de moins en moins considéré comme une fin en soi. Il devient un outil au service d’objectifs extérieurs : amélioration de la santé publique, prévention des noyades, insertion sociale dans les quartiers prioritaires, mobilité durable… Des finalités utiles, certes, mais qui redéfinissent profondément les fondements de la politique sportive.

3 exemple pour illustrer cette évolution

  • Le sport-santé, piloté par le ministère de la Santé, réduit le sport à une fonction médicale (APA, maisons sport-santé).
  • Le sport-sécurité, avec des programmes comme Aisance aquatique ou Savoir rouler à vélo, subordonne l’apprentissage à des enjeux de prévention des risques.
  • Le socio-sport, encadré par les ministères de la Ville, de la Justice ou du Travail, devient un levier d’insertion et de remédiation sociale dans les quartiers prioritaires.

La majorité des pratiquants, eux, évoluent dans un angle mort institutionnel

En parallèle, le cœur du système — clubs, fédérations, pratique fédérée — s’efface des priorités publiques. Seuls deux extrêmes semblent désormais valorisés : le sport d’élite, lié aux grands événements internationaux, et le sport-instrument, subordonné à d’autres politiques publiques. La majorité des pratiquants, eux, évoluent dans un angle mort institutionnel : 60 % des Français font du sport chaque semaine, souvent seuls, pour le plaisir ou le bien-être, loin des logiques encadrées.

Le mouvement sportif entre colère, repositionnement et politisation

Face à ce déclassement, le monde sportif se rebiffe. Fédérations en colère, campagnes de mobilisation (#CartonRougeàBercy), prises de parole publiques… Jusqu’ici discret, le sport associatif entre en résistance, contraint de se politiser pour exister.

Ce réveil douloureux du mouvement sportif révèle bien plus qu’une crise budgétaire. C’est une crise de légitimité, de place dans la société, et de vision. Si le sport n’est plus reconnu pour sa valeur propre, mais uniquement pour ses effets secondaires utiles, alors quelle place lui reste-t-il dans le projet républicain ?

Pour Patrick Routl, « La « crise identitaire » qui secoue aujourd’hui le mouvement sportif n’est donc pas une simple réaction corporatiste à une baisse de moyens. Elle est la manifestation d’une rupture de confiance profonde et de la prise de conscience douloureuse d’un changement de paradigme. Le mouvement sportif se sent utilisé puis abandonné, confronté à un nouveau contrat social implicite où le soutien des pouvoirs publics est désormais conditionné à sa capacité de produire des résultats quantifiables dans des domaines qui ne sont pas les siens. »

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