#présidentielle2022 L’équipe en charge de la rédaction du programme sport : Valérie Pécresse veut faire de la France une véritable nation sportive
L’équipe en charge de la rédaction du programme sport de Valérie Pécresse répond à nos questions*
Quel regard portez-vous sur le quinquennat d’Emmanuel Macron ? Le président a-t-il tenu ses engagements ?
Ce quinquennat s’est ouvert, sous le prétexte de l’attribution des jeux olympiques de 2024 à la ville de Paris par un transfert à un GIP « agence nationale du sport », des compétences de l’ETAT en matière de sport alors que, depuis 1945, tous gouvernements confondus, les législateurs successifs n’ont cessé de conforter le rôle de l’Etat pour parfaire la spécificité du modèle sportif français et en tirer les plus grands bénéfices collectifs, que ce soit en matière de développement ou de performance, à travers l’action des fédérations sportives et en partenariat avec les collectivités territoriales. Ce choix avait permis à la Nation de compter parmi les plus sportives au monde[1] et avec 1% de la population d’être régulièrement classée dans les sept premières nations aux JO depuis 1996.
Les résultats de cette réforme ne se sont pas fait attendre, puisque l’objectif de 80 médailles pour justifier la création de l’agence s’est traduit par les plus mauvais résultats depuis 1996 aux jeux de Tokyo de 2021 avec 33 médailles pour les valides et une quatorzième place aux jeux paralympiques.
Ainsi, le ministère n’est devenu qu’un simple centre ressource et d’étude, réglementairement cantonné dans sa feuille de route à un objectif prioritaire : « éviter tout doublon avec l’ANS, dans le cadre de la stratégie définie par l’État dans une convention d’objectifs signée entre l’Agence et l’État »
Le financement de ce GIP (quadripartite : Etat/Collectivité/mouvement sportif/monde économique) est en totalité assuré par l’Etat, qui ne dispose quant à lui que de 30% des droits de vote et 60% pour le service public du sport de haut niveau délégué aux fédérations (soit la gestion de 80 Md€), qui a été lui-même transféré, avec toutes les compétences qui s’y attachent, au GIP et à son manager de la haute performance. Le GIP, a ainsi « voté » son budget 2022 de 451 M€ sur les 552M€ qui constituent les ressources de la totalité du département ministériel[2]. Imaginerait – on transformer le ministère chargé de l’éducation nationale en GIP alors même que l’employabilité des usagers est assurée par les employeurs et la charge des écoles, des collèges et lycées par les collectivités territoriales ?
L’Etat a ainsi abandonné le pilotage des politiques sportives que ce soit en matière de développement en territoires, ou du service public du sport de haut niveau.
Enfin, à la fin du quinquennat, les fédérations sportives ont été confrontées au problème de l’instrumentalisation du port du voile dans l’espace sportif. Le gouvernement a fait rejeter un amendement de la majorité sénatoriale qui avait pour objet d’interdire dans l’espace sportif, lors des compétitions et des événements, tout signe religieux ostensible. Si le sport est un des fondements de notre société, c’est parce qu’il porte des valeurs individuelles et collectives qui sont au cœur du projet républicain : dépassement de soi, goût de l’effort, respect des autres, intégration, tolérance, dans lequel aucun signe religieux ostensible, aucune atteinte à la laïcité et aux valeurs de la république ne peuvent être admis et où seuls, les principes républicains et l’éthique sportive doivent s’exercer.
Alors qu’une posture sociétale sur ce sujet relève de compétences régaliennes, les fédérations ont été abandonnées par la puissance publique au moment même où il était question de préserver la communauté nationale et tout particulièrement l’espace sportif, de toute attitude séparatiste.
Dans ces conditions, du début à la fin du quinquennat, le gouvernement a renoncé à assumer son rôle historique dans un espace qui relève de l’intérêt général des citoyens et du rayonnement de la Nation à l’international.
Quelles sont les premières mesures que prendra Valérie Pécresse dans le domaine du sport si elle est élue présidente de la république ?
Après avoir été successivement rapproché de la santé, puis des affaires sociales et depuis 2020 intégré administrativement au ministère chargé de l’éducation nationale et confié à une ministre « déléguée » auprès de ce dernier, un véritable « ministère des sports et de la jeunesse » doit retrouver toute son autonomie institutionnelle.
La perte de son autonomie administrative a conduit ce périmètre ministériel à réduire de moitié ses effectifs en 15 ans notamment dans ses services déconcentrés régionaux et départementaux, alors que les dispositifs de politiques publiques que ce soit dans le champ sociétale de la jeunesse, de l’éducation non formelle, du service civique, du SNU ou bien dans celui du développement de la pratique sportive, de l’accompagnement des clubs et de la performance pour n’en citer que quelques-uns, sont de plus en plus nombreux.
La conduite de ces politiques publiques tant au plan national qu’au plan déconcentré, qui ne se mettent en œuvre qu’à travers des partenariats et conventionnements avec des acteurs « privés », que ce soit les partenaires associatifs du champ de la jeunesse ou ceux du sport notamment à travers la délégation accordée aux 78 fédérations qui les mettent en œuvre, est totalement spécifique des cultures institutionnelles des autres ministères, dans leurs champs de compétence.
Dès son élection, Valérie Pécresse rétablira un puissant ministère des Sports et de la Jeunesse ̧ qui rayonnera en direction de toutes les politiques de l’Etat : éducation nationale, politique de la ville, culture, emploi, santé, à travers un fonctionnement institutionnel interministériel afin que chaque ministre concerné procède au bilan annuel de son action en faveur du sport. L’Etat retrouvera ainsi la totalité de ses compétences institutionnelles actuellement dévolues à l’Agence nationale du sport. Les différents échelons d’action et de décision seront également simplifiés.
En effet le sport est au croisement de l’action de plusieurs départements ministériels , en premier lieu du ministère dont il relève pour en garantir l’éthique et les valeurs sociétales structurantes, la valorisation de la performance et du rayonnement international de la France, mais aussi de l’éducation nationale, ou du ministère de l’intérieur pour garantir le respect des principes républicains, l’aménagement du territoire comme la montagne avec les sports d’été et d’hiver qui animent ces territoires, la valorisation des outre-mer, du ministère de la santé pour ce qui concerne le suivi des sportifs de haut niveau, l’accompagnement des sportifs amateurs et la sensibilisation de nos compatriotes qui doivent accéder à la pratique, enfin du ministère chargé de la diplomatie. Tous ces départements ministériels doivent avoir un objectif de développement du sport dans leur périmètre.
Un point particulier pour ce qui concerne l’éducation nationale, il est nécessaire de dépasser l’ambiguïté EPS/Sport, afin d’intégrer dans la formation des enseignants une compétence « animation conduite d’une séance de sports collectifs ». Les textes qui encadrent l’enseignement physique et sportif rappellent que la pratique du sport à l’école contribue à l’épanouissement de l’enfant et à sa réussite scolaire. La Cour des comptes a résumé la situation : le sport scolaire était « en marge de la politique sportive de l’État », notamment en raison d’une divergence profonde de vision entre la conception de l’instruction physique et sportive en tant que discipline d’enseignement et les attentes du mouvement sportif. Selon l’Anses, deux tiers (66%) des 11-17 ans présentent « un risque sanitaire préoccupant » car ils passent plus de 2 heures par jour devant un écran pendant leur temps libre et font moins de 60 minutes d’activité physique par jour. 49% atteignent le seuil du « risque sanitaire très élevé » avec plus de 4h30 devant les écrans et/ou moins de 20 minutes d’activité physique par jour.
Le sport à l’école ne peut pas se limiter à la possibilité d’être licencié des associations sportives scolaires USEP et UNSS, alors qu’elles organisent essentiellement des compétitions scolaires qui ne concernent que les élèves qui pratiquent dans des clubs fédéraux, à l’extérieur de la sphère scolaire.
Dans ces conditions, il est indispensable de réintroduire des heures d’initiation à une réelle pratique sportive sans esprit de compétition de quelques disciplines sportives, notamment collectives.
Durant ce quinquennat auront lieux les JOP en 2024. Au-delà des résultats et du nombre de médailles l’héritage constitue un enjeu essentiel souvent mis en avant mais aujourd’hui qui peine à se construire. Quelles dispositions comptez-vous prendre ?
La question de l’héritage se pose pour ce qui concerne effectivement le champ sportif.
Il existe un héritage « matériel » et un héritage immatériel.
L’héritage matériel consiste en la rénovation ou la réalisation d’infrastructures ou d’équipement sportifs essentiellement parisiens et franciliens (25 implantations sur 33 au total) destinés à l’accès aux sites, à l’entrainement et aux épreuves.
Ne relèvent pas d’équipement sportifs relevant de l’héritage par exemple, le village olympique qui est une réalisation immobilière qui à l’issue de la parenthèse d’utilisation au profit des JOP, constituera un nouveau quartier d’habitation de plus de 500 logements, de bureaux et de commerce. De même, les équipements de transport ou bien les emplois créés par les JOP sont bien évidemment d’intérêt général mais ne seront pas un leg spécifiquement « sportif ».
Quant aux équipements sportifs au titre de l’entrainement ou des compétitions, ils existent déjà pour certains et sont rénovés pour les JOP, en construction comme l’Arena 2 porte de La Chapelle, ou enfin sont éphémères (comme la Concorde – le Grand Palais – la Tour Eiffel – les Invalides – le château de Versailles). La rénovation d’infrastructures sportives pérennes permettra essentiellement de faciliter une pratique sportive de proximité.
Pour ce qui concerne l’héritage immatériel, il relève de l’intérêt et de la découverte des disciplines sportives pour ceux qui en sont éloignés, notamment parce que les JOP ont lieu à Paris. Dans le cas où des athlètes français performent, ils suscitent statistiquement un engouement du public pour leurs disciplines, qui se traduit par une prise de licences fédérales. Mais la nature de cet héritage peut difficilement être évalué et anticipé notamment pour les fédérations concernées (formation des animateurs sportifs nécessaires et besoins en équipements) et pour l’Etat qui doit les accompagner.
Les rénovations et constructions conjoncturelles attachées aux JOP de 2024 ne doivent pas occulter le nécessaire effort de construction d’équipement sportifs comme Valérie Pécresse s’est attachée à le mettre en œuvre pendant son premier mandat de présidente de la région, au profit des territoires notamment ultra-marins qui feront l’objet de deux plans de développement sur cinq ans et qui sont développés dans son programme. Si l’on veut parler « d’héritage » ces plans intégrerons dans leur réalisation immobilière, les objectifs de la « solideo » en matière de construction bas carbone des équipements qu’elle coordonne pour les JOP, notamment le recours à des matériaux à faible contenu carbone, issus des filières de réemploi ou biosourcés, comme le bois et une conception technique économe en consommation d’énergie principalement, objectifs toutefois déjà poursuivis en île-de France.
La nouvelle gouvernance a été mise en place en 2019. Toutefois l’agence nationale du sport qui symbolise cette nouvelle gouvernance est critiquée. Certains candidats souhaite la supprimer. Qu’avez-vous conseillé à V Pécresse ?
Valérie Pécresse considère de façon générale, que le rétablissement de ministères puissants en lieu et place d’une atomisation et d’un affaiblissement de la responsabilité et du pilotage de l’Etat à travers de multiples agences, est le préalable à tout projet politique de l’Etat, et notamment en matière de sport. Cet objectif induit la restitution réglementaire à la puissance publique de ce qui lui est attribué par la loi dans le code du sport mais actuellement suspendu. Il conduit à une redéfinition du rôle éventuel d’un « établissement public » financé et piloté par l’Etat notamment pour succéder au CNDS et développer avec le mouvement sportif et en concertation avec les collectivités territoriales les équipements nécessaires à la pratique en territoire. Au plan institutionnel, ce nouveau ministère doit entretenir une relation basée sur une délégation de service public classique avec les fédérations concernées, qui disposent quant à elles de la légitimité historique, humaine et technique pour la mettre en œuvre en lieu et place de l’actuelle tutelle institutionnelle.
Valérie Pécresse, a parfaitement conscience du rôle d’un véritable ministère chargé des sports comme pilote des politiques publiques sportives dans sa région après avoir conduit un plan d’équipements sportifs qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait mené, car l’Île-de France c’est 12 millions d’habitants, le siège de nombreuses fédérations et ligues, 19 800 clubs de sport et 2,4 millions de licenciés (dont 38 % de femmes), 962 sportifs de haut niveau français (dont 96 athlètes handisport), l’INSEP et le CREPS Colette Besson qui a été transféré à la Région.
*nous avons sollicité tous les candidats à la présidentielle
[1] Le site worldsportranking.info dresse son classement annuel sur 80 sports. En 2019, les États-Unis terminaient en tête, devant la France et la Grande-Bretagne.
[2] PLF 2022 programme 219 sport : file:///C:/Users/E5420/Downloads/FR_2022_PLF_BG_PGM_219%20(10).pdf